Vous êtes l'un des rares à avoir appelé au maintien de Gerets à la tête de l'équipe nationale… êtes-vous amis? Je ne peux être l'ami de quelqu'un que je n'ai pas eu l'honneur de connaître personnellement. Si je dis que Gerets doit rester, c'est dans l'intérêt du football marocain, parce qu'on traverse une période critique. Les éliminatoires de la coupe d'Afrique et du monde arrivent à grands pas. Il serait malheureux de changer d'entraineur maintenant. Il faut le soutenir pour essayer de remédier aux erreurs qui ont été comises jusqu'à présent. Que pensez-vous des déclarations de Gerets concernant les entraîneurs nationaux ? Franchement, je n'y ai pas cru. Malgré ce que j'ai lu dans la presse. Des fois, on interprète mal certaines déclarations. Il s'est expliqué lors de la conférence de presse, disant qu'il ne s'est pas attaqué aux collègues mais à un ou deux d'entre eux qui ont dit du mal de lui. Il serait bête de dire que les entraîneurs nationaux sont incompétents. S'il revisite un peu l'histoire du foot marocain, il saura que les entraîneurs locaux ont gagné pas mal de titres, que ce soit avec l'équipe nationale ou avec les clubs nationaux. Lors de sa conférence de presse, il a tout de même démontré que c'est un entraineur comme tous les autres, qui peut se remettre en question. Il a été plus humain qu'avant la CAN. On a senti qu'il a été touché au fond de lui-même, déçu de n'avoir pas réussi ce qu'il voulait. Il est redevenu l'entraîneur qui connaît bien son métier, qui s'adresse aux journalistes et aux supporters de l'équipe nationale. Gerets s'entête à appeler les joueurs mal en point, qu'en pensez-vous ? C'est une erreur. Pour lui, un joueur professionnel est prêt pour la compétition mais, ce qu'il ne savait peut être pas, il faut l'expérience africaine. Cela lui manquait. Il aurait dû l'acquérir par le biais des collègues marocains. En plus, un joueur du championnat local peut être plus efficace dans ces conditions qu'un joueur professionnel. Surtout celui qui n'a pas été compétitif durant toute la saison avec son club. Je pense qu'il va désormais essayer de suivre les joueurs locaux. J'ai toujours appelé à avoir une équipe locale B qui pourrait se réunir à n'importe quel moment. Pas besoin des dates FIFA. On peut les appeler toute la semaine. On pourrait former des futurs internationaux qui peuvent apporter énormément à l'équipe nationale A. Pensez-vous que Gerets devra se mettre à l'heure marocaine ? Il doit le faire. Comment ? Je n'en sais rien. Il a parlé de certaines personnes qui le conseillent. Mais ces dernières sont des dirigeants à la base. Elles ne peuvent le conseiller sur le plan technique. Ceci dit, je pense que Gerets est intelligent. Il doit être à l'écoute de l'entraîneur marocain, du football marocain. Il reste l'entraineur de l'équipe nationale. Mais il doit aussi déléguer certaines tâches à une commission technique, à une direction des équipes nationales, formée de cadres compétents. Alors il sera gagnant. Le MAS a remporté la super coupe face à l'Espérance de Tunis. Une équipe qui compte en ses rangs des joueurs qui forment l'ossature de l'équipe nationale tunisienne. Gerets doit il s'en mordre les lèvres … Il y a deux leçons à tirer de ces victoires africaines des clubs marocains. La première est que le joueur marocain local est capable de lutter à force égale avec d'autres joueurs internationaux, comme ceux de l'Espérance, dont certains étaient présents avec la Tunisie qui nous a battus à Libreville. La deuxième est que le cadre marocain n'est pas si incompétent que Gerets le pense. Taoussi, Fathi Jamal ou Abdelah Sttati ou autres ont réussi des exploits avec les équipes locales. Ammouta et Taoussi se partagent à eux seuls trois titres africains. On est fier de l'entraîneur local national. Le salaire de Gerets a fait couler beaucoup d'encre. Pensez-vous qu'il touche vraiment 250 millions de centimes ? Je ne veux pas rentrer dans ces détails. C'est une question qui concerne les responsables et l'entraîneur. Je pense qu'on a beaucoup plus parlé du salaire que de la situation du football marocain. On a oublié l'essentiel qui est de préparer l'équipe nationale, jouer une coupe d'Afrique et préparer l'avenir. Quant au salaire, s'il est vraiment de ce montant-là, il est anormal pour un pays comme le Maroc. Y-a-t'il une clause FIFA qui interdise que le salaire d'un entraîneur soit dévoilé au public ? Je ne pense pas. C'est un contrat commercial qui peut être déposé dans n'importe quel tribunal de commerce. Tout doit être déclaré, si on ne le déclare pas c'est uniquement une question de fisc. De toute façon, dans le rapport financier de la Fédération, ils doivent mentionner les dépenses, à moins qu'ils ne le détournent sur d'autres dépenses. Je ne pense pas que le président fasse cela. Je pense surtout qu'il est entouré par des gens qui ne servent pas l'intérêt du football national. Demanderiez-vous le même salaire si vous étiez entraîneur de l'équipe nationale? J'étais entraineur de l'équipe nationale. Je touchais 5000 DH par mois. C'était en 1980 avec mon collègue Jabrane. On s'était qualifié en demi-finale de la coupe d'Afrique au Nigéria. L'équipe était jeune, formée de joueurs locaux, avec les Zaki, Timoumi, Boudebala… C'était les débuts de cette équipe qualifiée en 86 pour la coupe du monde avec Mehdi Faria. Vous êtes directeur technique de Chabab Rif al Hoceima. On n'en trouve pas beaucoup, des DT, au Maroc. En quoi consiste votre rôle ? Le nouveau cahier des charges de la fédération oblige les clubs à avoir un directeur sportif, technique, des entraîneurs de jeunes qualifiés avec des licences B et C et une équipe principale avec licence A. Tout cela n'a pas été appliqué à la lettre par les clubs. Chabab Rif, a été, je pense, l'un des premiers à y avoir pensé. Je suis l'entraîneur chargé de toutes les équipes, un genre de directeur technique et directeur sportif. C'est l'ère du professionnalisme. Pensez-vous que les clubs marocains vont pouvoir appliquer à la lettre le cahier des charges ? Ce cahier n'est pas du tout à la hauteur du professionnalisme. Les clubs ne peuvent pas l'appliquer. On demande aux clubs une caution de 9 millions de DH. Un club amateur dépensait déjà 20 millions de DH. Ce qui est largement supérieur. Et puis ce ne sont que des engagements. Avant cela, il fallait exiger des clubs un terrain d'entraînement, un autre de compétition, des ressources financières… On pouvait alors dire qu'un club est professionnel. Même le joueur est considéré pro mais n'a pas la mentalité pour le devenir. L'entraîneur, les dirigeants également. Professionnel est un grand mot pour l'instant. Mais le mot amateur n'y est plus. On est entre les deux. Côté technique, on n'a pas avancé d'un iota, puisqu'on manque de centres de formations.