C'est un big bang qui vient de se produire sur la place casablancaise. A la veille d'un week-end qui s'annonçait tranquille, les holdings royaux ONA et SNI ont annoncé leur fusion. Dans la foulée de cette gigantesque opération, le groupe multimétiers laisse place à un holding d'investissement professionnel qui, en tant que tel, n'a pas vocation à détenir des participations majoritaires indéfiniment. «Le besoin s'est fait ressentir de doter l'entité d'une nouvelle vocation face à l'essoufflement du modèle actuel», précise Hassan Bouhemou, PDG de la SNI. «Nous devons franchir un nouveau palier», ajoute-t-il en rappelant les grandes réalisations qui ont jalonné l'histoire de SNI et ONA. La dernière en date est celle de 2003 qui a donné lieu à une rotation des participations qui a permis de démêler les liens croisés entre les deux holdings. Les marges de l'OPR ressortent à 23% pour les titres ONA et 13% pour ceux de la SNI. Le groupe multimétiers était complexe et générateur de surcoûts, notent des sources internes à la SNI. En plus, la remontée des dividendes entre un niveau de participation et un autre nécessitait une année. A titre d'illustration, il fallait trois ans pour que les dividendes de Sotherma, elle-même filiale de Centrale Laitière puissent arriver au groupe ONA. Désormais, «le groupe évoluera vers une structure à mi chemin entre ONA et SNI, mais qui tend plus vers le modèle SNI actuel», indique un haut cadre de SNI. Cette idée ne date pas d'aujourd'hui. C'est une longue maturation qui a conduit à concocter ce plan. Cela ne fait aucun doute, cela fait au moins deux ans que les équipes de SNI doivent y travailler. Le seul scénario stratégique qui leur a été proposé par leur conseiller Lazard était depuis le départ celui de l'écrasement des holdings. Mais avant d'y aboutir, il faut commencer par l'offre publique de retrait des deux titres en bourse. Les cours fixés pour cette opération sont calculés selon la valorisation par actif net réévalué (recensement de l'ensemble du patrimoine du holding). Dans le cas de l'ONA, le prix de l'offre a été calculé sur la moyenne des cours des 3 derniers mois pour les lisser et une prime de 23% a été proposée fixant le prix de l'action à 1650 DH. Pour la SNI, le cours en bourse étant proche de la valorisation sur la base de l'ANR, le choix a été fait d'offrir une prime équivalente à 13% de la valeur moyenne des cours sur trois mois portant le prix de retrait à 1900 DH. Des niveaux de marges aussi élevés sont-ils destinés à pousser les actionnaires vers la sortie ? Dans des opérations similaires à l'international, la marge proposée ne dépasse pas 10%. Les dirigeants de la SNI réfutent ce point de vue en indiquant que ces niveaux de bénéfices sont de nature à laisser la liberté de choix aux actionnaires minoritaires actuels. La radiation de la cote des deux valeurs donnera le feu vert à leur regroupement officiel. Le seul indicateur qui détermine jusqu'à présent la taille de la nouvelle entité demeure sa capitalisation boursière qui ressort à 40 milliards de DH (soit le huitième de la capitalisation totale de la place qui pèse 500 milliards de DH). Les équipes de Lazard, SNI et ONA ont réalisé une valorisation filiale par filiale des deux holdings mais dont les résultats n'ont pas été publiés. Après la radiation des deux titres de la cote, arrivera l'étape de la cession du contrôle des trois premières entités, à savoir Cosumar, Lesieur Cristal et Yawmy Holding (ensemble Centrale Laitière, Bimo et Sotherma). «Ce sont des filiales dont le niveau de maturité ne justifie plus la présence d'un opérateur de la taille de l'ONA comme acteur principal», note notre source au sein de la SNI. Cette opération sera réalisée au plus tard en 2011. Le prix de vente cible «dépendra du cours en bourse». Reste à savoir si les conditions de retrait seront aussi propices qu'elles le sont actuellement ? Bien que le marché soit morose, les dirigeants de SNI ne cachent pas leur satisfaction par rapport au niveau de valorisation actuelle qui leur assure une sortie profitable. D'ailleurs, les dirigeants des deux holdings se veulent rassurants dans leur discours par rapport à l'impact de leur radiation sur la cote. ONA SNI : Le scénario de convergence La création de l'ONA remonte à l'époque coloniale (1934). C'est l'héritier de la Compagnie générale de transport et de tourisme (CGTT) devenue ensuite CTM. L'activité transport a été abandonnée au profit d'une diversification progressive d'abord dans les mines, et à partir des années 80 en rachetant la majorité des gros opérateurs agroalimentaires (Cosumar, Centrale Laitière…). Le groupe a ensuite conquis des secteurs plus profitables que la finance ou la chimie avant de prendre des positions significatives dans l'immobilier et la grande distribution à compter des années 90. Pour sa part, la création de la SNI remonte à 1966 sous l'impulsion de l'Etat. La société d'investissement a ensuite été l'outil majeur de réussite de la politique de marocanisation. C'est dans ce cadre qu'elle a pris des participations dans la finance, l'industrie et les mines. Le groupe a basculé en 1994 dans le giron du privé. Un basculement qui a débouché sur une réorientation vers des investissements industriels en joint-ventures. C'était le cas dans les accords avec Lafarge et Marcial Ucin. La relation entre les deux groupes a démarré en 1999 avec la prise de contrôle de SNI par ONA. Cette relation s'est renforcée en 2003 à travers le montage financier qui a instauré des participations croisées entre les deux groupes.