Mohammed Sassi, membre du conseil national du Parti socialiste unifié (PSU), livre au Soir échos les perspectives du PSU à l'issue de son 3e congrès national achevé le week-end dernier. Pour lui, la gauche doit retrouver sa place à la condition de renouveler son élite. La situation politique actuelle, elle, est « floue ». Le 3e congrès du PSU vient d'achever ses travaux. Quel est le premier constat que vous en faites ? Notre congrès national, qui s'est déroulé du 16 au 18 décembre à Bouznika, a d'abord été marqué par un taux de participation record. La compétition s'est déroulée dans une ambiance seine nous permettant, aujourd'hui, d'attester que les partis ont désormais dépassé ce débat autour des procédures formelles. Les élections se sont même déroulées en présence d'observateurs de divers organismes des droits de l'Homme, de militants et d'acteurs de la société civile qui a été, d'ailleurs, présente avec force. Nous avons pris des résolutions dont notre détermination à continuer à militer au côté du Mouvement du 20 février. Grâce à cette révolte, la rue s'est ouverte sur les masses qui étaient la grande absente de ces dernières années. Nous avons également décidé de renforcer notre Alliance de la gauche démocratique qui regroupe, en plus du PSU, le Parti de l'Avant-garde démocratique et socialiste (PADS) et le Congrès national Ittihadi (CNI). Nous aspirons à mener une action plus forte et plus organisée. Pour cela, nous sommes convaincus de l'urgence de réhabiliter la gauche marocaine et de lui permettre de jouer pleinement son rôle. Il nous faudra passer par la reconstruction en trouvant d'autres formules de travail en commun. Mais avant d'y arriver, il est vital de procéder à une autocritique de fond. C'est ce que nous avons assimilé, dans notre congrès, à la dissolution d'un parti pour le reconstruire de nouveau. Il faut le reconnaitre, nous ne sommes pas satisfaits du rendement de notre parti, de sa dynamique, de ses structures et des modes de son travail. Que faudra-t-il changer au juste au sein du PSU pour repartir sur de bonnes bases ? Absolument tout, à part les principes de base. Il est nécessaire, par exemple, de promouvoir le rôle des jeunes et des femmes, de développer le sens d'écoute de la société, d'ouvrir des espaces d'échange. Nous estimons, au PSU, que notre force trouve son origine dans les alliés politiques mais surtout dans la grande complicité qu'il a réussi à tisser avec la société civile. Et cette complicité doit, à présent, se concrétiser par des moyens de communication réguliers et efficaces. Malheureusement, malgré ses idées et ses principes, le parti ne dispose pas encore d'une image vis-à-vis des autres. Il reste inconnu chez les larges masses. A l'ouverture de votre congrès, vous avez déclaré que « tous vos œufs sont mis dans le panier du M20F ». Comment se dessine cette collaboration ? Depuis le lancement de ce Mouvement, nous y avons retrouvé l'ensemble de nos revendications, à commencer par la monarchie parlementaire. Que des dizaines de milliers de jeunes investissent les rues pour le réclamer haut et fort ne peut que renforcer notre conviction. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons accueilli, en premier, le Mouvement. Même si le M20F venait à disparaître, un autre lui succédera car le mur de la peur est désormais démoli. Rien ne peut empêcher la rue de s'exprimer, d'arracher sa liberté. Le Maroc politique a donc été contraint de changer et devait, pour le prouver, transité vers la monarchie parlementaire immédiate. Mais cela n'a pas été le cas, et nous continuerons, au PSU, à maintenir notre slogan « Monarchie parlementaire… Ici et maintenant » Dans quoi votre obstination trouve-t-elle sa légitimité ? En ce moment, nous sommes face à deux courants représentés par les anciens conservateurs et les nouveaux conservateurs. Le premier estime que la monarchie parlementaire ne peut pas s'appliquer au Maroc et se contredit, en même temps, en affirmant aux Marocains qu'ils jouissent de la démocratie. Le second courant, lui, approuve la monarchie parlementaire, mais se montre prudent, craintif quant à ses retombées. Il préfère qu'elle soit adoptée graduellement. Cela dit, il n'existe pas de démocratie progressive, ou une démocratie particulière à chaque peuple. Les règles sont les mêmes, seuls les modes diffèrent. Plus que cela, ces nouveaux conservateurs ne font aucun effort pour tenir leurs promesses. «Le changement au Maroc a cela de particulier : dès qu'il entame un premier pas, il recule d'un autre. On donne l'illusion de changer, mais au fond, il n'y a rien de concret». Que peut-on espérer de ce nouveau gouvernement ? Le changement au Maroc a cela de particulier : dès qu'il entame un premier pas, il recule d'un autre. On donne l'illusion de changer, mais au fond, il n'y a rien de concret. On ne peut pas, non plus, espérer changer quoi que ce soit en mettant un groupe gouvernemental à la place de l'autre. Il y a des intérêts plus forts que le changement et c'est pourquoi la force de la rue reste primordiale. Le PJD se contente de donner des réponses superficielles ou simplistes à des questions de fond. Son souci se limite à adopter un ton qui plait à tout le monde sans plus. à titre d'exemple, nous ne savons toujours pas ce que le PJD veut dire par « économie islamique ». L'économie peut être libérale, sociale, socialiste…, mais pas islamique, au sens scientifique. Le seul avantage dont dispose le PJD réside dans les conditions favorables que connait la région. Si le PJD voulait réellement le changement, il n'aurait pas accepté la nouvelle constitution, notamment en ce qui concerne l'organisation des pouvoirs. Le PJD n'a pas milité pour que le chef du gouvernement soit absolument indépendant du roi. Que le PPS intègre la majorité porte-t-il, à votre sens, préjudice à la gauche à laquelle vous aspirez ? Logiquement, le PPS devait passer à l'opposition, mais il est en droit de reprocher à ceux qui soutiennent cette thèse de n'avoir pas agit de la sorte lorsqu'il y a eu alliance entre la gauche et le MP, une force conservatrice, par le passé. Il s'agit, en fait, d'erreurs commises dans le passé. Le PPS a décidé de continuer alors que l'USFP a choisi d'arrêter. Cela dit, rien n'empêche que la gauche retr ouve sa dynamique. Justement, comment la gauche peut-elle, aujourd'hui, se reprendre ? La décision de l'USFP de rallier l'opposition a agi en propulseur d'une volonté unanime de reconstruire la gauche. Les militants sont revenus au bercail et nous comptons ouvrir bientôt un espace d'échange où il sera question de perspectives à venir. à cela, il subsiste tout de même une condition, celle de reconnaitre les erreurs. L'alliance ayant conduit au gouvernement d'alternance d'El Youssoufi a été un échec. De notre côté, nous n'avons pas, en tant que gauche dans l'opposition, proposé sur le terrain une alternative d'action. Il faut retrouver la société et ce n'est pas une question de marketing, mais pour réitérer nos principes et les consolider. C'est à ce moment là que nous serions en mesure de décider ensemble de la participation de la gauche au gouvernement. Il faut avoir un mot à dire dans la prise de décision, de réellement gouverner. Il n'est plus question, par exemple, que les élus déclinent toute responsabilité lorsque des manifestants sont tabassés. Les partis ne doivent plus présenter des candidats sans lien avec le militantisme, se focaliser sur l'unique but de décrocher des sièges. Comptez-vous joindre le PPS à cette reconstruction escomptée ? Le dialogue que nous ouvrons concerne toutes les bonnes volontés partageant les principes de base de la gauche. Nous sommes appelés à suivre le mouvement accéléré que connait la région du monde arabe au risque de se retrouver en bas de l'échelle en matière de développement politique. Il sera nécessaire, pour cela, que les symboles de l'alternance n'occupent plus le devant de la scène, parce qu'ils n'ont pas réussi à honorer leur engagement. Il nous faut de nouveaux visages qui apportent un plus, un espoir. Avez-vous regretté votre boycott des élections ? A aucun moment. Toutes les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections n'annonçaient rien de nouveau. Le ministère de l'Intérieur a conduit cette opération et il n'y a pas eu d'entité indépendante comme nous le voulions. Plus que cela, le taux de participation laisse perplexe. Seul un citoyen sur cinq vote, sans compter les bulletins nuls. Il faut régler ce problème de toute urgence avant d'aspirer à des élections représentatives et transparentes. Al Adl Wal Ihssan et le M20F, les raisons du divorce Mohammed Sassi est prudent. Il estime ne pas disposer des éléments lui permettant de donner une lecture au retrait d'Al Adl Wal Ihssan du M20F. « Je pense que les raisons réelles seront dévoilées, par la force des choses, à l'avenir. L'hypothèse voulant que la décision soit le résultat d'un dialogue avec l'Etat est plausible. La démocratie qui s'impose par la transition régionale pourrait offrir des chances à Al Adl Wal Ihssan de participer dans la politique », indique Mohammed Sassi. Une seconde thèse, elle, laisse préconiser que ce retrait serait dû à l'essoufflement du M20F. « Et dans ce cas, on croira volontiers que le mouvement islamiste s'est aussi éteint », précise ce membre dirigeant du PSU. Il pourrait, par ailleurs, s'agir d'un retrait dû à la compétition avec le PJD. « Saadeddine El Othmani a déclaré, il n'y a pas longtemps, que le M20F doit subsister et continuer son action. Mais ce mouvement de jeunes ne veut pas servir de pion sur un échiquier politique et que ses sacrifices profitent au PJD », ajoute Mohammed Sassi. Aux yeux de ce dernier, le M20F ne peut pas mourir, à moins de céder sa place à un mouvement similaire.