C'est hier à Rabat qu'un comité de militants du Parti du progrès et du socialisme (PPS) a crié au scandale en dénonçant le ralliement du PPS au gouvernement de Benkirane. La révolte ne fait que commencer. Si le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdallah, légitimise le ralliement de son parti à la majorité du nouveau gouvernement par l'engagement et le devoir politique, plusieurs militants du parti n'en sont pas convaincus. Le vote à l'écrasante majorité pour la décision de participation, à l'issue du comité central du PPS, réuni le samedi 10 décembre, n'est, pour les opposants, qu'une simple mascarade. «à ce comité, on a invité des dizaines de personnes qui n'en faisaient pas partie. Nous avons tout de même décidé d'y participer, pour ne pas jouer le jeu des chaises vides », déclare Saïd Saâdi, membre du bureau politique du PPS, lors d'une conférence organisée, hier à Rabat. Initiée par un comité de militants du PPS, cette rencontre a réuni des membres du bureau politique, de la chabiba et du comité central. Une décision dangereuse Dans un communiqué, publié à l'occasion, les opposants de la décision de participation au gouvernement estiment qu'il ne relève pas de la compétence du comité central de trancher dans ce cas précis. « Au 8e congrès national du parti, nous avions défini avec précision la nature de nos prochaines alliances. Nous avions même publié une charte politique approuvée par la majorité pour préciser que ces alliances devraient se limiter à trois socles : la Koutla démocratique, la gauche et le courant moderniste démocratique. Tandis qu'aujourd'hui, le bureau politique parle dans son rapport d'une nouvelle invention imposée par ce qu'il appelle la nécessité d'une alliance politique d'un nouveau genre », indique Yahya Maktoub, membre du comité central, donnant lecture au communiqué. Ce dernier décrit une réelle trahison vis-à-vis des statuts, des militants et des principes ayant été à l'origine même du fondement du parti. « Une décision de cette importance devait être prise dans le cadre d'un congrès extraordinaire que le PPS aurait dû organiser », ajoute Yahya Maktoub. PPS – PJD, un mariage de convenance ? Aux yeux des opposants, il n'y a aucun lien logique entre les deux partis : PSS et PJD. Saïd Saâdi en sait quelque chose, puisqu'il a été l'instigateur de la stratégie nationale de l'intégration de la femme au développement face à laquelle se sont insurgés les islamistes. De cette expérience, le militant du PPS a retenu une leçon qu'il n'est pas prêt d'oublier. « à l'époque, alors que je présentais le budget à la commission des affaires sociales, un vendredi, Abdelilah Benkirane en personne s'est levé pour me crier : « Tu iras en enfer parce que tu ne fais pas ta prière ! » Je lui ai répondu que le travail avait une égale importance par rapport à la prière dans notre religion », se souvient Saïd Saadi. à la fois indigné et furieux, ce dernier se lance pratiquement dans un réquisitoire contre le PJD : « Ils sont contre les libertés individuelles, Benkirane a déclaré récemment qu'il est contre les plages mixtes et Mustapha Ramid pense qu'il faudra suspendre les autorisations d'ouverture de bars. Mais comment veulent-ils développer le tourisme ? ». Plus que cela, Saïd Saâdi accuse le PJD de « se moquer de l'intelligence des Marocains en leur promettant une croissance économique de 7% dans un contexte de crise mondiale généralisée, ou encore des SMIG à 3.000dirhams et la lutte contre la pauvreté par la zakat ». «Mais, je serai le premier à les applaudir s'ils arrivent, demain, à résoudre le problème du chômage et à éradiquer la corruption !», s'exclame-t-il défiant le PJD. Pas d'accord, mais pas de scission Ils sont plus d'une centaine à avoir signé, pour le moment, leur adhésion au mouvement des mécontents, mais cela ne veut pas dire que le PPS devra affronter une scission. « Nous sommes convaincus que si nous le faisions, nous serions traités de mauvais perdants et nous signerions, en même temps, l'arrêt de mort du PPS. Nous avons milité corps et âme pour des principes auxquels nous ne comptons jamais renoncé », martèle Youssef Magouri, membre de la jeunesse socialiste et du comité central et membre actif du Mouvement du 20 février. Et de rappeler que les opposants n'aspirent pas à détruire une histoire de 70ans. « Notre soulèvement est dicté par notre volonté de maintenir l'identité du PPS. Nous ne ménagerons aucun effort pour mener une bataille dont le but sera de corriger cette vision floue que véhicule le parti et d'unir les forces de la gauche », promet-il. Redonner au parti ses titres de noblesse, c'est à quoi rêve ce comité regrettant qu'au sein de la direction du PPS est né un autre courant, celui des intérêts personnels. « Dès le début du comité central, il était clair dans la prise de parole du secrétaire général que la décision avait déjà été prise et que les opposants n'avaient pas le droit de s'exprimer. D'ailleurs, nous avions fait des déclarations à la télévision, mais elles n'ont pas été diffusées », regrette Mustapha Rejjali, membre du bureau politique du PPS. Les lobbies du PPS Pour les opposants, le parti continue de s'acheminer vers la trajectoire du profit. « Le parti est gouverné par deux lobbies. Le premier est constitué de ceux qui veulent décrocher un poste ministériel et le second entièrement composé d'élites qui font de leurs sièges au Parlement un pont utilitaire ni plus ni moins. C'est ce que j'appelle la trahison des élites », dénonce Saïd Saâdi. Convaincus que le PPS a tout simplement cédé aux tentations de Benkirane, ces mécontents annoncent qu'ils multiplieront leurs réunions pour décider de démarches protestataires.