C'est hier à Rabat que le Collectif associatif pour l'observation des élections (CAOE) a présenté le rapport préliminaire de sa mission. L'achat de voix et la discrimination sont en tête des infractions. Poursuite de la campagne le jour du scrutin, absence de l'encre indélébile dans certains bureaux de vote, exploitation des mosquées et de la prière pour faire pression sur les électeurs… Les défaillances relevées par le Collectif associatif pour l'observation des élections (CAOE), durant ce vendredi 25 novembre, entachent sérieusement le déroulement du scrutin. Déployés dans l'ensemble des circonscriptions, les 1982 observateurs du CAOE ayant mené leur mission dans 8 746 bureaux de vote ne constatent des améliorations qu'au niveau matériel. «Dès que notre rapport final sera établi, nous signalerons pour chaque parti politique les infractions dont il a été l'origine». Le coordinateur du CAOE, Kamal Lahbib. Chassez le naturel… Face à la transition démocratique à laquelle aspire le Maroc, se dressent toujours des habitudes qui semblent avoir la peau dure. Les infractions relevées durant le scrutin de 2007 resurgissent quatre années plus tard. Le CAOE en dresse une longue liste, où il fait état également de d'utilisation par des candidats de moyens de transport pour le déplacement des électeurs, de l'éclatement de rixes entre équipes de candidats et de la fermeture de bureaux de vote pendant la prière et le repas. Et ce n'est pas tout, le Collectif souligne avoir constaté des isoloirs non réglementaires, une absence d'accessibilité pour les personnes handicapées à des bureaux de vote se trouvant à l'étage, où encore le manque de neutralité des membres de certains bureaux de vote. « Il nous est difficile d'évaluer l'impact de ces dysfonctionnements sur les résultats du scrutin. Mais dès que notre rapport final sera établi, nous signalerons, pour chaque parti politique, les infractions qui lui sont imputables. Nous ne le faisions pas avant, mais nous avons décidé, cette année, de faire exception », déclare le coordinateur du CAOE, Kamal Lahbib. «Quelques-uns de nos observateurs ont été empêchés d'accéder à des bureaux de vote parce que des responsables devaient attendre des instructions». Abdellah Mesdad. Le prix de la précipitation Le collectif estime qu'il ne relève pas de sa compétence d'émettre un quelconque doute sur les résultats du scrutin, mais admet que l'opération, dans sa globalité, a tout simplement fini par payer le prix d'une précipitation. « Notre évaluation ne concerne pas que le jour du scrutin. En général, durant le déroulement de l'ensemble du processus, il y a eu précipitation dans l'adoption de lois imposées et non élaborées en association avec les parties concernées, contrairement à ce qu'exige la Constitution et la démocratie », souligne Lahbib Kamal avant de préciser que le CAOE ne remet pas en cause les efforts de l'Etat dans la sensibilisation de l'électeur au vote, mais attire son attention sur le fait que 6 millions de citoyens ne sont pas sur les listes électorales. En effet, l'une des failles les plus saillantes observées par les différentes équipes marocaines et étrangères reste la privation de plusieurs électeurs de leur droit de vote, faute d'inscription. Le collectif indique que certains n'ont pas reçu d'avis d'inscription précisant le numéro et l'emplacement du bureau de vote, et que l'affichage des listes des électeurs n'a pas été respecté partout. « Quelques-uns de nos observateurs ont été empêchés d'accéder à des bureaux de vote parce que des responsables ignoraient tout de la législation et devaient donc attendre des instructions pour accorder cette autorisation », affirme Abdellah Mesdad, membre du comité de pilotage au CAOE. Cela dit, ce sont des cas sporadiques qui se sont limités à 30 observateurs ayant été contraints de changer de bureau de vote pour mener leur mission. Avant, pendant et après… Le CAOE continue à mener son travail en suivant, actuellement, les manifestations et contestations après l'annonce des résultats, tant à Sidi Slimane qu'à Laâyoune et Nador. Bien avant le jour du scrutin, le CAOE a été présent durant la campagne et la pré-campagne. « Notre travail ne s'est pas déroulé sans heurts, particulièrement lors de la période de la campagne électorale », annonce-t-il, précisant avoir relevé 11 cas de violence, 14 menaces dont certaines à l'arme blanche et 58 intimidations, tous perpétrés par des supporters de candidats. La grande absente, pour le CAOE, a été encore une fois la femme. « Nous avons réellement, à ce stade, un sérieux problème. Nous constatons un recul et non le contraire », regrette Kamal Lahbib. Le CAOE compte, dès demain, présenter un rapport consacré à la femme et aux discriminations dont elle fait l'objet. Un autre rapport dédié à la personne handicapée est en phase d'élaboration.