Retard dans le processus d'accréditation, manque de moyens, interdiction de s'exprimer. Le Collectif associatif pour l'observation des élections se prépare difficilement aux élections du 25 novembre. « L'observation des élections nécessite des moyens : équipements informatiques, transport, badges, prise en charge… Ici, malheureusement, on gère la misère ! ». Indigné, le coordinateur du Collectif associatif pour l'observation des élections (CAOE), Kamal Lahbib, dénonce une situation de crise dont souffre la mise en place de l'observation, à quelques jours des élections. « Ailleurs, pour cette opération ce sont des dizaines de millions d'euros qui sont investies. Nous nous sommes contentés d'une estimation minime d'un budget qui ne dépasse pas les 2,6millions de dirhams. Et je ne cesserai de répéter que les membres des associations impliquées travaillent bénévolement », tient-il à rappeler, lors d'une conférence organisée hier à Rabat. Un budget venu d'ailleurs N'eût été le bénévolat, la démarche de l'observation n'aurait peut-être pas été possible. En tout cas, c'est ce que laisse supposer le CAOE en déclarant compter sur l'apport des associations en augmentant le nombre de ses affiliés. Les associations contribuent à la prise en charge des frais de gestion au niveau des régions où elles travaillent par la mise à disposition des ressources humaines et logistiques. Le budget estimatif du Collectif lui parvient, en fait, des dons d'ONG et d'organismes internationaux. « Entant qu'associations, nous avons le droit aux dons de gouvernements étrangers. Ce qui nous est strictement interdit, par contre, c'est de recevoir des dons offerts par le pays où se tiennent les élections. Et c'est d'ailleurs, à titre exceptionnel, cette année, que le Conseil national des droits de l'Homme offre son soutien financier consacré à la formation des observateurs. Mais nous l'avons, tout de même, dispensé d'encadrer tous nos observateurs, au nombre de 3.200 répartis sur l'ensemble des régions. C'est nous qui les prenons en charge », affirme Kamal Lahbib, précisant que le Collectif n'a pas réussi à mobiliser « un financement direct » pour cette opération. « Nous avions projeté de demander à l'Union européenne une aide financière à partir de son budget 2012, bien avant les événements qui ont eu lieu au Maroc. Nous aurions pu profiter de cette éventuelle subvention, si les élections n'avaient pas été avancées à 2011 », estime le coordinateur. Une loi et des ambiguïtés A la difficulté financière s'ajoute les carences d'une loi que le Collectif associatif ne cesse de soulever. Bien avant l'adoption de la nouvelle loi sur l'observation des élections, le Collectif avait présenté un mémorandum incluant des recommandations qui n'ont finalement pas été prises en compte. « Dorénavant, nous ne nous contenterons plus de dresser des rapports et d'en présenter les recommandations, mais nous établirons une stratégie de travail pour leur mise en place et leur activation », prévient Kamal Lahbib, pour qui les efforts énormes des associations ne sont pas récompensés, et même plus : ils sont jetés aux oubliettes. Le Collectif n'a plus l'intention de prendre son mal en patience et dénonce, par la même occasion, l'ambiguïté que véhicule la loi à propos du profil de l'observateur et son devoir envers l'opinion publique. «La loi ne définit pas les critères un à un de l'observateur laissant à la commission des accréditations le droit à des interprétations subjectives », fait-il remarquer. Observateurs, quels sont vos droits ? Quelles que soient les limites du texte de loi sur l'observation, le nouveau cadre juridique reconnait des multiples droits aux observateurs nationaux et internationaux : - l'accès à l'information et aux textes de référence réglementant les élections. - l'observation de la campagne et l'accès aux meetings et rassemblements publics. - l'accès libre aux bureaux de vote pour l'observation du déroulement du scrutin - la présence au dépouillement et décompte des voix - la présence durant les phases de proclamation des résultats sur tous les plans Ce qui semble encore plus grave, aux yeux de Kamal Lahbib, concerne la liberté d'expression. « La loi a été en-deçà de nos attentes, en interdisant catégoriquement aux observateurs et par conséquent, même si ce n'est pas mentionné, aux associations de s'exprimer. Nous devrions examiner avec le CNDH la possibilité de désigner un porte-parole des observateurs », soutient le coordinateur du Collectif. Couverture : 15% Malgré le retard pris dans le processus d'accréditation des observateurs, le Collectif compte mobiliser 3.200 observateurs. Il s'accapare ainsi 75% des observateurs des 16 organisations agréées par la commission d'accréditation. A ce jour, indique le Collectif dans un communiqué rendu public hier, 2 300 observateurs ont bénéficié de cycles de formation tandis que d'autres sont planifiées au niveau régional durant les quelques jours précédant le scrutin. Des formations qui seront menées par les soins de 77 encadrants, dont plusieurs ont participé à l'observation des élections de 2002. Les nouveautés de cette année ont été l'ajout d'une grille d'observation des droits linguistiques et culturels et l'adoption d'un système de traitement informatique instantané, en cours de développement. Pour le moment, 800 observateurs ont été déployés pour la couverture de la précampagne et près de 1 200 autres pour le suivi de la campagne. « Nous n'avons pas encore collecté les informations concernant les failles ou les fraudes constatées durant la précampagne. Nous présenterons un rapport après les élections », prévient Abdellah Mesdad, militant des droits de l'Homme, membre du CAOE qui devra assurer une couverture de 15% des bureaux de vote. « Le standard mondial de l'observation se limite à 5% seulement», tient à rappeler Kamal Lahbib, voulant ainsi mettre l'accent sur la présence massive attendue des observateurs dans les bureaux de vote.