Le scrutin législatif du 7 septembre a été fortement entaché par l'usage illicite de l'argent. Le Collectif associatif pour l'observation des élections estime, dans son dernier rapport, que l'honnêteté des élections a été compromise par les pressions exercées sur de larges secteurs de l'électorat, notamment par l'usage illicite de l'argent, l'offre de biens en nature et de diverses promesses. Le Collectif Associatif pour l'observation des élections, qui vient de présenter son rapport final sur le déroulement des élections législatives de septembre 2007 est particulièrement sévère. Un peu tard peut-être. Selon Kamal Lahbib, coordinateur du collectif, ce retard se justifie par le nombre élevé de documents à traiter et aux faibles moyens humains et matériels dont ils disposent. 2.400.000 DH ont été alloués par des bailleurs de fond, essentiellement l'UE et des ONG internationales, pour cette opération. Toutefois, en l'absence de loi, cette instance avait rencontré quelques difficultés qui ont été surmontées grâce au dialogue entre le CCDH et le Collectif. Les difficultés rencontrées ont amené le Collectif à une étape du processus à publier un communiqué annonçant sa décision de ne pas entrer dans les bureaux de vote. Cette décision a été révisée suite à l'entente avec le CCDH qui a permis de faciliter l'acheminement des badges dans les régions la nuit du 6 au 7 septembre. Le Collectif a pu recevoir 2825 badges du CCDH, mais seulement la veille du scrutin. Ce qui n'a pas permis de les acheminer à travers l'ensemble du territoire, et empêché plus d'un tiers des observateurs d'accéder aux bureaux de vote. Le travail du collectif ne s'est pas déroulé sans heurts, particulièrement lors de la période de la campagne électorale et le jour du scrutin. Leur rapport a relevé 6 cas d'agression à l'égard des observateurs; 2 à Casablanca, Ghriss-Tisslit (Errachidia) et à Tindrara (Figuig). A Kalaat sraghna, Béni Mellal et Taounat où un observateur a dû suspendre sa mission du fait des dégâts occasionnés sur sa voiture et ayant été menacé, les risques d'atteinte à son intégrité physique. Dès le lundi 10 septembre, les rapports des ONG qui ont eu à observer les élections du 7 septembre, ont commencé à tomber. A Rabat, le Collectif associatif pour l'observation des élections a été parmi les premiers à rendre public son rapport préliminaire. Celui-ci qui regroupe 617 associations, a pu réaliser son rapport à partir des remarques faites par 1.956 observateurs ayant effectué le déplacement dans différentes régions du Maroc. Selon le rapport, ils estiment que le scrutin législatif du 7 septembre a été entaché par l'usage illicite de l'argent. Que «l'honnêteté des élections a été compromise par les pressions exercées sur de larges secteurs de l'électorat, notamment par l'usage illicite de l'argent, de biens en nature et de promesses». Tout en estimant que le dépouillement s'est déroulé «dans les règles», les observateurs qualifient de «véritable séisme politique», la faible participation. Seulement 37% des inscrits ont voté et 19% des suffrages étaient blancs ou non valides. «Si l'administration territoriale n'a pas interféré dans le déroulement de la campagne électorale et du vote, des fonctionnaires et agents relevant de cette administration sont intervenus en faveur de candidats sans qu'ils soient punis», relève le document. Il note aussi «l'exploitation des mosquées et de la prière du vendredi pour faire pression sur les électeurs». Usage illicite de l'argent Le constat de l'observation nationale a concerné : la période de la pré-campagne électorale, le dépôt de candidature, la période de la campagne électorale et la réaction des autorités le jour du scrutin. Ainsi le rapport conclut que si l'organisation matérielle du scrutin a été globalement convenable et transparente dans son déroulement au niveau de l'administration centrale, nombre de fonctionnaires et agents relevant de ladite administration sont intervenus à différents stades en faveur des candidats. Si on exclut les deux questions fondamentales de la refonte des listes électorales et du découpage électoral, l'administration centrale n'a pas globalement interféré dans le déroulement du scrutin, il n'en reste pas moins que le déroulement du scrutin a comporté quelques défaillances au niveau de la vérification d'identité ; l'annonce du nom de l'électeur à voix haute ; la faible présence dans différentes proportions d'observateurs partisans représentant le candidat, garantie importante de la régularité du scrutin. La poursuite de la campagne électorale le jour du scrutin à proximité du bureau de vote. Des pressions exercées sur les électeurs pendant le déroulement du scrutin. En marge des questionnaires, des observateurs ont fourni les données non chiffrées : l'exploitation des mosquées et de la prière du vendredi pour faire pression sur les électeurs ; les failles des listes électorales : électeurs recensés, détenteurs de cartes mais ne figurant pas sur les listes électorales et vice-versa, électeurs recensés ne possédant ni cartes ni inscription sur les listes, électeurs avec plus d'une carte d'électeur, l'irrégularité qui a accompagné le retrait des cartes électorales, qui ont fait l'objet de distribution de la part des moqaddems, contrairement aux dispositions légales et la circulaire du Ministre de l'Intérieur, interdisant aux moqaddems de distribuer les cartes ; la détention des cartes d'électeurs par des concierges, des bouchers ainsi que des pharmacies; la non-conformité du nombre de bulletins avec le nombre d'inscrits ; la non- vérification systématique des marques d'encre; la présence de bulletins de vote à des proportions inquiétantes à l'extérieur des bureaux pendant la journée du scrutin. Modus opérandi Le rapport note une faible présence des partis politiques lors du dépouillement. La moyenne de présence sur l'ensemble les 1190 bureaux de vote couverts par les observateurs, rapporte à moins de 5 partis par bureau de vote, sachant que plus de 33 partis participent aux dernières législatives. Cette faible présence limite le degré de contrôle de la régularité du scrutin. Le rapport note des cas de PV de décomptes de voix arrivés ouverts sans scellés aux bureaux centraux. Des cas de présence d'agents d'autorité lors du dépouillement. Partant de ces observations, le collectif estime qu'en général, l'administration territoriale n'a pas interféré dans le déroulement de la campagne électorale et du vote. Néanmoins, concernant les opérations du dépouillement et de l'annonce des résultats, le collectif ne peut émettre d'observations fiables à ce sujet, en raison de l'impossibilité pour les observateurs d'y assister d'une part et, d'autre part, de l'absence de suite de la part de la quasi totalité des partis politiques à la demande d'information sollicitée par le collectif auprès de ces derniers. Pendant les élections, les remarques du collectif associatif ayant accompli la mission d'observation des élections, a fait sortir le CCDH de ses rangs. «La participation du tissu associatif dans l'observation des élections législatives a créé une sorte de confusion», avait déclaré Ahmed Herzenni, président du CCDH , lors de la présentation du premier rapport du Conseil sur le déroulement des élections. Le collectif, vise à travers son action d'observation du processus électoral à contribuer à l'édification de la démocratie, en renforçant la prise de conscience et la vigilance de la société civile, quant à l'enjeu de la protection des élections, de toute manipulation. La majorité des composantes du tissu associatif impliquée dans cette expérience, vient de la gauche et du forum social marocain. Les observations documentées, recueillies de manière neutre, objectives et non partisanes permettront, de susciter une réaction positive en faveur de la promotion de la transparence, la liberté et l'honnêteté et l'intégrité du scrutin. Un voeu pieux si on constate l'étendue de la corruption électorale. A signaler que le Collectif associatif se compose d'un Conseil d'orientation composé de 70 associations et réseaux, d'un secrétariat composé de 8 associations et d'un comité de direction. Tout de même, un problème s'est posé incessamment au travail du collectif. La législation marocaine ne prévoit pas d'observation non partisane et non gouvernementale. Le Collectif, pour faciliter son travail d'observation, avait adressé une requête au Premier Ministre qu'il a rencontré le 13 Juillet 2007. La rencontre avait permis de relever la disposition favorable du gouvernement vis-à-vis du projet d'observation du collectif, et ce dernier a été informé que le CCDH serait en charge de la mise en place d'une procédure d'accréditation, tant des observateurs nationaux, qu'internationaux. Concernant le vide juridique relatif à l'observation non partisane, le CCDH avait assuré le secrétariat que le gouvernement, tenant compte de l'urgence, est en train d'étudier une formule à même de combler le vide juridique et qu'une solution sera publiquement annoncée dans les jours qui suivent. Ce qui a été formalisé par le communiqué du CCDH du 13 août 2007, et qui réaffirme que l'observation se fera à tous les niveaux du processus électoral, à savoir l'accès aux bureaux de vote, l'observation du dépouillement, au décompte des voix et de l'annonce des résultats, tant au niveau des bureaux de vote qu'au niveau central et provincial. focus Le Cas Fouad Ali Al Himma L'annonce de la démission de Fouad Ali Al Himma, ministre délégué de l'Intérieur, pour briguer un siège parlementaire lors des législative 2007, a ébranlé les milieux politiques. Cette démission a été validée par un communiqué du cabinet royal rendu public un mois à peine avant le scrutin de Septembre. La sortie choc de El Himma a relancé le débat sur le rôle des SAP, mais a également fait remonter à la surface les expériences de 1963, avec Ahmed Reda Guedira et le FDIC, en 1978 avec Ahmed Osman et le Rassemblement National des Indépendants, en 1983 avec Maâti Bouabid et l'Union Constitutionnelle, tous les trois considérés comme des partis de l'administration, créés pour affaiblir les partis de l'opposition. Par ailleurs, le départ du gouvernement du numéro deux du régime avant de se présenter aux élections, quelle que soit la motivation, n'a pas manqué de susciter des réflexions sur l'attitude des 13 ministres candidats aux élections qui, eux, n'ont pas quitté leurs fonctions. 3 questions à Kamal Lahbib, Coordinateur du collectif associatif pour l'observation des élections «Il faut revoir l'ensemble du fonctionnement de l'opération d'observation qui laisse à désirer» La Gazette du Maroc : Le collectif associatif pour l'observation des élections du 7 septembre, vient de publier son rapport final. Pourquoi avoir attendu 8 mois pour le faire ? Kamal Lahbib : La première raison est d'ordre technique, le nombre de fichiers concernés, tourne autour de 35.000 pages. Il y avait des questionnaires et observations émises par les observateurs, rejeter aussi un certain nombre de fiches. Or, ce travail devait se terminer théoriquement en novembre dernier, selon le financement et les bailleurs de fond et nos partenaires. Donc seul, avec une équipe de bénévoles, on a essayé de faire le traitement de ces données, car en 2002, on n'était pas assez outillé pour faire ce genre d'opération. En plus, tous les bénévoles ne consacraient pas tout leur temps à cela. Ils avaient d'autres programmes et d'autres engagements dans le forum social marocain. La deuxième raison est d'ordre politique, il faut que ce rapport ait l'aval d'une diversité d'acteurs qui ont diverses positions. Le rapport lui-même devait être traduit et nous étions à la limite de nos moyens. Plusieurs acteurs associatifs se demandent où sont passés les fonds du collectif qui tourne autour de 2.400.000 DH ? Le budget global a été fixé à 2.400.000 DH. Déjà on a fait un rapport préliminaire sur un certain nombre d'étapes aux instances internes, aux encadrants et avons publié dans la presse un rapport financier sur ce montant. 80% ont été totalement consommés. Il faut du personnel, un staff, 33 encadrants qui devaient encadrer les 3 000 observateurs. Nous avons fait des formations qui ont été coûteuses, comme le groupe pour l'émigration qui n'était pas prévu, 52 membres sont venus d'Europe. Il s'est avéré que nous avons eu des imprévus, comme le retard dans la réception des badges. Il a fallu prendre des billets d'avion pour les faire parvenir. Au lieu de distribuer 3000 badges on en a distribué 1 889. Il y avait aussi toute la téléphonie à mettre en place au profit des observateurs pour pouvoir communiquer l'information rapidement. Il fallait rapatrier les questionnaires en un laps de temps court, et payer aux bénévoles, au moins un sandwiche et une bouteille d'eau. 50 dh par observateur à multiplier par 3200. Il faut ajouter que les observateurs qui sont restés pour le dépouillement et l'annonce des résultas ont eu droit à 50 dh supplémentaires. Le rapport financier va être publié sur notre site et remis aux bailleurs de fonds. Concernant les élections communales de 2009, est-ce que le collectif va renouveler cette opération d'observation, puisqu'il a acquis une certaine expérience ? A mon avis, encore une fois le bilan entre 2006 et 2008 est positif. Cela reviendra au conseil élargi du collectif. Nous avons déjà parlé de la formalisation du collectif avec le CCDH et les autorités. Il est clair que s'il y a formalisation, il faut revoir l'ensemble du fonctionnement de l'opération d'observation qui laisse à désirer et de l'engagement de chacun. La formalisation et le cadre légal, devraient élargir le champs d'intervention du collectif au delà de l'observation des élections. Si cette opération a lieu, il faut s'atteler à instaurer tout un arsenal pour les communales, pour définir la méthodologie de travail. Tous ces éléments seront débattus au sein du conseil élargi du collectif, qui doit se tenir rapidement.