Censé booster la machine économique dans l'est du pays, le Fonds d'investissement de la région de l'oriental présente aujourd'hui des signes d'essoufflement… et de grande inefficacité. Décryptage. Quatre ans après sa mise en place, le fonds d'investissement pour la région de l'Oriental (Firo) peine encore à prendre ses marques, puisque seulement trois pactes d'actionnaires ont été signés avec des entreprises de la région, à savoir Microchoix, Monlait et Peinture du midi. Abdelkrim Mehdi, DG de Firogest, société gestionnaire du Fonds, explique que ce retard est dû au caractère méconnu du concept du capital investissement au Maroc. Il ajoute que l'un des freins majeurs est la bancarisation qui reste limitée à l'Oriental. De plus, les entreprises, pour la plupart familiales, sont réticentes quant à l'institutionnalisation de leur tour de table. D'ailleurs, l'une des conditions établies par le Firo est que l'entreprise doit davantage faire preuve de transparence et de bonne gouvernance, ce qui n'est pas accepté par ces entreprises. Toutefois, en se basant sur des documents confidentiels dont Le Soir échos détient copie, il y avait huit dossiers de décisions pour prises de participation au tout début de la mise en place du Fonds, qui concernent les sociétés Microchoix, Monlait, Lactis, Nectar, CIE Agricole Belhaj-Canavese, Ocean Farm, Les Gites du Rif et la Société des fonderies de plomb de Zellidja. Résultat : trois sociétés seulement ont eu recours au Firo (Microchoix, Monlait et Les peintures du midi). En parallèle, plusieurs projets ou entreprises ont été démarchées et étaient éligibles à une prise de participation : Solar Essone Technologies, Projet abattoir intégré, Triffas village vacances et santé, Palmeraie Aziza (Zone Tiwa/20 ha), Palmeraie Aziza (Zone Lahouissi/545 ha), Hôtel Oasis de Figuig et Complexe de loisirs et de détente. A ce jour, aucune de ces entreprises n'a franchi le pas. «Parmi ces projets, plus de trois appartiennent à un seul promoteur: Mohammed Kemmou, un parlementaire et richissime homme d'affaires.», confie un entrepreneur de la région qui met en cause les critères de sélection dudit Fonds. Sur ce point, le Firo déclare qu'il étudie l'éligibilité du projet, sa nature et sa contribution à la région.En revanche, l'une des affaires que l'histoire du Firo retiendra est le dossier des Gites du Rif, appartenant aux cogérants français Nadine et Bernard Bouscary, qui a fait traîner le Fonds pendant plus d'un an pour négocier le pacte d'actionnaires. Entre temps, le Fonds a accompagné l'entreprise dans sa mise à niveau. De ce fait, il a dû dépenser plus de 121 000 DH dans la mise à niveau de la comptabilité de la société en plus de l'expertise foncière et l'appui pour contracter une police d'assurance. Résultat : retrait de la société du projet à cause d'une valorisation non compatible avec leurs attentes. «Des exemples de ce type peuvent exister car le pacte d'actionnaires et le point le plus sensible durant les négociations et on doit compter entre huit mois et un an avant la concrétisation du partenariat», justifie Abdelkrim Mehdi. Sur un autre registre, le Firogest reçoit des commissions de gestion qui atteignent 3,6 millions de dirhams annuellement, alors qu'il n'emploie que trois personnes, à savoir le DG, Rachid Mehdaoui, un chargé d'affaires et l'assistante de direction. Par rapport à ces frais, le DG du FIRO rétorque : «Nos frais de gestion sont les moins élevés sur le marché puisqu'ils constituent 1,2 % de l'enveloppe du Fonds. En revanche, nous avons plus de charges et éprouvons des difficultés à trouver des auditeurs et avocats d'affaires qui voudraient s'installer dans la région de l'Oriental. De ce fait, nous sous-traitons la plupart de nos activités». Un protocole d'accord a été signé à Rabat le 6 avril 2005 entre La Région de l'Oriental, le Fonds Hassan II, l'Agence de l'Oriental, la BCP, Attijariwafa Bank , BMCE Bank, la Caisse de Dépôt et de Gestion , le Crédit Agricole et Holmarcom donnant lieu à la création du Firo pour une enveloppe de 300 Millions de dirhams. Les investissements réalisés en fonds propres et quasi-fonds propres avec des fourchettes de participation comprises entre 10 et 35 %. Quant au ticket d'intervention, il se situe entre 1 million de dirham et 30 millions. Le durée de vie du Fonds est de 10 ans. Une sous-traitance qui coûte cher à Firogest. Sans évoquer les frais de déplacement, de représentation et de communication. Par rapport aux perspectives d'évolution, Abdelkrim Mehdi reste optimiste malgré un bilan d'étape en demi-teinte. «Nous avons une dizaine de projets en phase d'études pour des petits projets dans le cadre du Technopolis et de l'Agropole, un projet de développement avec une société de matériaux de construction en phase finale et deux grands projets d'aquaculture et d'agro-industrie». Selon lui, quatre à cinq projets devraient être concrétisés d'ici juin 2012.Quoi qu'il en soit et malgré l'optimisme du DG, tous les ingrédients sont présents pour réduire ce Fonds à un fiasco : nombre réduit de PME éligibles, régime juridique non adéquat, ressources humaines insuffisantes… Il aura fallu deux ans de travail rien que pour communiquer sur le concept. Un gâchis. Reste à espérer que les sites industriels ouverts récemment amèneront avec eux leur lot d'investisseurs désireux prendre un acte institutionnel ou ouvrant leur capital au Firo. L'avenir nous le dira !