-Le financier assure qu'il est capable de deviner les bulles spéculatives avant les autres. -Investir dans des bulles n'est pas une démarche irrationnelle ! - Les organismes de régulation financière doivent faire éclater les bulles avant qu'elle n'échappent à notre contrôle. Accroche : C'est rationnel de la part des investisseurs de continuer à danser tant qu'il y a de la musique… Légende photo : Admettons que Greenspan ait tort; comment reconnaître une bulle quand on est dedans? (une bulle) George Soros ouvre toujours son déjeuner annuel à Davos en rappelant à ses hôtes que si on le connaît surtout en tant que directeur de hedge fund (fond spéculatif) et philanthrope, son vrai métier c'est philosophe. Sa contribution dans cette discipline — que les philosophes qui enseignent à l'université n'ont pas encore complètement appréciée — il l'a baptisée la «Théorie de la réflexivité». Soros explique que les perceptions (la façon de voir les choses) influent sur la réalité, laquelle influe sur les perceptions, qui à leur tour ont une influence….Appliquée aux marchés financiers, cela signifie qu'investir dans des bulles n'est pas une démarche irrationnelle. «Quand je vois une bulle, je me précipite pour acheter», disait Soros. L'astuce, bien sûr, c'est de savoir à quel moment emprunter la sortie. Puisque c'est rationnel de la part des investisseurs de continuer à danser tant qu'il y a de la musique, pour reprendre la formule tristement célèbre de l'ancien PDG de Citigroup Chuck Prince, Soros soutient qu'il incombe aux organismes de régulation financière de faire éclater les bulles du marché avant qu'elle n'échappent à notre contrôle. Il s'oppose fermement à l'attitude d'Alan Greenspan, ex-président de la Fed (banque centrale des Etats-Unis), selon lequel il est impossible de savoir qu'une bulle est en train de se former ou de faire quoi que ce soit pour empêcher cette situation. Admettons que Greenspan ait tort; comment reconnaître une bulle quand on est dedans? C'était le sujet de la réunion d'une commission à laquelle j'ai participé à Davos. Une commission regroupant le patron de l'Autorité des marchés financiers britannique, Lord Turner, et Robert Shiller, Professeur d'économie à l'Université Yale, qui avait anticipé avec précision l'éclatement de la dernière bulle immobilière. Cette séance de travail n'était pas officielle, mais autant dire que les participants avaient des avis divergents sur la façon d'identifier les bulles et sur celles qui seraient en train de se former à l'heure actuelle. La réponse de George Soros à la question de savoir comment on identifie une bulle revenait à dire: «Ça se voit, tout simplement.». Ou, en tout cas: «Je le vois». Bien entendu, tous ceux présents au déjeuner ont voulu savoir dans quelles bulles le milliardaire était en train d'investir en ce moment, conformément à sa théorie. Soros a éludé la question que je lui ai posée dans ce sens, faisant toutefois remarquer ensuite que «la bulle d'actif par excellence, c'est l'or». Je n'ai pas compris s'il voulait dire que l'or constitue une bulle depuis des millénaires ou seulement depuis les deux ou trois dernières années. Il ne dévoile toujours que très partiellement son jeu. Interrogé à propos du projet de «Taxe de responsabilité» d'Obama, George Soros a expliqué que les diverses propositions de l'administration étaient à la fois «insuffisantes» et «prématurées». Gérer une crise, a-t-il poursuivi, c'est comme réussir un dérapage au volant d'une voiture. Il faut d'abord déraper avant de reprendre le contrôle du véhicule et aller dans l'autre sens. (Conducteurs de Washington, vous voilà prévenus!) Le financier milliardaire estime donc qu'il est trop tôt pour taxer les banques, puisqu'elles sont encore en train de s'extraire du gouffre qu'elles ont elles-mêmes creusé. Il pense que les banques seront prudentes pendant un certain temps en ce qui concerne l'accord de prêts. Il s'inquiète donc davantage du risque d'un nouveau ralentissement économique et laisse entendre que ce n'est pas bien grave si on attend encore un peu avant de mettre en œuvre des régulations. Enfin, selon Soros, seule une approche mondiale, coordonnée via le G20, pourra permettre une régulation financière efficace.