Récompensée par le prix Marcello Mastroianni de la jeune actrice à la 64e Mostra de Venise, par le prix Louis Lumière et le César du meilleur espoir féminin, pour son interprétation dans La graine et le mulet en 2008, Hafsia Herzi est aujourd'hui une jeune actrice qui s'est fait un nom dans le septième art. De passage au FIFM, elle a accordé une interview au Soir échos. Entretien inspiré. Vous tournez depuis plusieurs mois à Marrakech. Parlez-nous de ce prochain film… Je travaille en effet depuis trois mois sous la direction du cinéaste Radou Mihaileanu, aux côtés de Hiam Abbas et Malek Akhmiss pour un film qui s'intitule La source des femmes. Le propos est féminin et évoque l'histoire de femmes issues d'un village, décidées à faire la grève de l'amour : elles refusent de faire l'amour avec leurs maris, car ils ne s'impliquent pas suffisamment dans les difficiles tâches quotidiennes. Quel personnage y campez-vous ? J'y interprète la plus jeune fille de ce village, Esmeralda, âgée de dix-huit ans. J'espère que je ne suis pas trop vieille, ça ma semble étrange d'incarner quelqu'un de cet âge. Je suis la seule qui ne soit pas encore mariée, je rêve d'un mariage d'amour, de quitter cet endroit, d'une vie différente, je revendique le droit à la pilule et j'aimerais n'avoir que deux enfants plutôt que dix. Je tiens un discours qui est très éloigné de celui des autres femmes qui m'entourent. Vous enchaînerez également un autre tournage au Maroc ? Oui. En février prochain, je rejoindrai l'équipe de la réalisatrice Khadija Leclerc, pour un long métrage qui s'appellera Un sac de farine. J'y tiendrai le rôle principal. Il s'agit manifestement d'un beau projet dont je ne peux pas encore déflorer le sujet. J'aime particulièrement cette cinéaste, et ce qu'elle dégage humainement. C'est une belle rencontre, j'ai vraiment hâte de tourner sous son regard. Les précédents court métrages qu'elle a réalisés m'ont réellement touchée. Je pense notamment à Sarah. Vous tournez souvent au Maghreb. C'est important pour vous ? Oui, cela correspond à une manière de renouer avec mes origines algériennes et tunisiennes. J'ai découvert l'Egypte, le Maroc que j'adore et la Tunisie grâce à différents cinéastes. A moins de 25 ans, vous affichez une formidable filmographie. Que vous inspire votre parcours depuis La graine et le mulet ? J'ai le sentiment que les événements se sont rapidement enchaînés : la succession des rôles, les rencontres avec différents cinéastes, les nombreux tournages au Maghreb, en Irak, en France. J'espère que j'ai su faire les bons choix car il peut arriver que le projet final d'un film ne reflète pas ce que l'on imaginait à la lecture du scénario. Ces diverses expériences m'ont confortée dans mon envie de cinéma et m'ont énormément appris sur moi-même. Vous êtes également passée derrière la caméra en signant le court métrage La Robda, présenté aux 23es sessions cinématographiques de Carthage. Comment expliquez-vous cette envie de réalisation ? J'adore écrire et raconter des histoires depuis je suis enfant. Le fait d'être constamment sur les plateaux a également nourri ce désir de réalisation. Il y a, de plus, un réalisateur qui a véritablement compté pour moi, Abdellatif Kéchiche. Il m'a donné envie de réaliser. Sa façon de travailler a déclenché en moi cette envie. Je n'ai pas fait d'école de cinéma mais je suis une personne qui fonctionne à l'instinct. J'ai d'ailleurs du mal à réaliser que j'ai signé un premier court métrage. Mener cette volonté à bien était important. Qu'est-ce qui vous a marquée chez Abdellatif Kéchiche ? Sa passion. Et son inégalable générosité. Il m'a accordé sa confiance pour un premier rôle dans un film important. En travaillant avec lui, j'avais l'impression d'être en famille et d'être protégée. Revenons à La Robda, récompensé par le prix TV5 Monde… Cela m'a évidemment fait un immense plaisir. Il correspond à un pré-achat de La Robda par TV5 Monde et va aussi me permettre de me consacrer entièrement à l'écriture d'un prochain projet. Il s'agit d'un atelier d'écriture que je pourrai suivre durant trente jours en Normandie. Avez-vous commencé à écrire des scénarios qui sommeillent dans des tiroirs ? Oui, ils sont encore dans mon ordinateur. J'ai débuté l'écriture sans avoir eu le temps de la poursuivre. Comment s'est porté votre choix au sujet de l'actrice marocaine Morjana Alaoui pour La Robda ? Au moment de l'écriture du scénario, je ne pensais pas précisément au choix des comédiens. Puis, j'ai vu les films Marock et Martyr, où Morjana Alaoui tient le haut de l'affiche. Je l'ai ensuite contactée par e-mail car j'avais envie de la rencontrer à propos de ce projet. Lors de notre entretien, j'ai trouvé que nous avions des points communs, notamment en ce qui concerne sa personne : elle est réservée, timide. Sa volonté et son professionnalisme m'ont conquise. Quel thème souhaiteriez-vous aborder dans un prochain court-métrage ? J'aimerais évoquer un film autour d'une mère de famille. Il se tiendra à Marseille. Est-ce pour rendre hommage à votre mère qui vous a élevée seule suite à la disparition de votre père ? Oui. Ma mère est une personne très importante dans ma vie. Ce sont mes proches, mes amis qui m'inspirent et ma mère incarne un modèle pour moi. Je ressens le besoin de parler de nos mères à la fois comme un devoir et un hommage.