Les médias marocains finissent l'année sur la grande affiche. Loin de buter contre le poteau, les médias ont encaissé 21% de plus de revenus découlant des passages publicitaires. Un signe que ça communique plus chez nous, mais aussi, et à première vue, que le business publicitaire a la forme. Les investissements publicitaires bruts, en décembre dernier, ont ainsi marqué un taux de progression à deux chiffres comparativement à la même période de 2009, soit 7 fois plus que nos voisins algériens qui observent une évolution des investissements bruts d'à peine plus de 3% sur la même période. Pourtant, cette «performance» devrait être analysée à sa juste valeur, car «décembre est un mois atypique» tempère Aissam Fathia, président directeur général de l'agence Kenz Média. Coïncidant avec la période de fin d'année, ce mois représente un pic de communication important, puisqu'il correspond aussi bien à la période de promotion et de déstockage qu'à celle de la clôture des comptes. «C'est donc, pour les annonceurs, l'occasion de combler leurs objectifs de l'année», explique Fathia. Dans ce cas, il est juste de se demander si le Maroc a maintenu, cette année encore, sa position de leader publicitaire dans la région du Maghreb. Avec plus de 4 milliards de DH de dépenses globales sur l'ensemble des médias, il faut croire que oui. Les derniers chiffres portant sur la région, révélés lors de la rencontre annuelle avec les professionnels de la communication et des médias du Sigma Conseil, organisé à Tunis au début du mois, le confirment : avec 12,8% des investissements publicitaires, la Tunisie vient en troisième position derrière l'Algérie et le Maroc qui affichent respectivement des parts de marché de 19,5% et 67,6%. Le pays dispose donc d'une bonne longueur d'avance si on observe uniquement le marché régional. Au niveau mondial, le Maroc «est encore largement sous-investi», avance Reda Essakali, directeur de la stratégie et du développement à l'agence conseil Mosaïk. Et d'ajouter : «Le marché national est certes très mature pour la région, mais le vrai indice de comparaison est l'investissement par habitant. À ce niveau, nous avons encore beaucoup de potentiel». Ils veulent tous passer à la télé ! Avec 39% de parts du marché (PDM) global, la télévision reste sans grande surprise, le média le plus gourmand en matière d'investissements publicitaires, en particulier lorsqu'il s'agit de faire de la promotion massive. Du moins à en juger par les chiffres d'Imperium Media, société spécialisée dans la pige publicitaire. En un mois, le secteur a drainé 11% d'investissement en plus, répartis sur quatre des neuf chaînes de télévision nationales. Et dans la course à la publicité, c'est une fois de plus la chaîne casablancaise qui s'affiche en haut du podium, loin devant les autres avec 72% des PDM. Al Oula fait à peine 19 %, contre 10% pour la «nouvelle venue», Médi1TV. Surprenant qu'à peine trois mois après son lancement sur le hertzien, la chaîne tangéroise rattrape son aînée historique. «C'est une réussite !», constate Fathia. En effet, il semble que les annonceurs aient été généreux avec la chaîne tangéroise, qui a décidé d'élargir son champ de programmation pour sa descente sur terre. La tendance sera-t-elle pour autant permanente ? «Ces chiffres sont à observer avec beaucoup de recul», insiste Reda Essakali, «puisqu'une grande partie des publicités diffusées sur Medi1TV ne sont pas des achats classiques. Il s'agit principalement de sponsoring ou de parrainage d'émissions». Résultat, les annonceurs font de la marge grâce à un investissement sur la durée, et la chaîne semble être compétitive. Du moins pour certains grands annonceurs. Pour les acteurs du marché, l'introduction de Medi1TV a certes dopé le secteur, mais il est encore trop tôt pour se prononcer. Par contre, celle qui ne décolle pas du sol, bien que présente depuis plus de quatre ans, c'est la chaîne sportive Arriyadia : à peine 1% de PDM en décembre 2010. Le fait que la chaîne thématique soit absente des mesures d'audience mensuelle y est pour quelque chose, car si Arriyadia est ouverte au marché publicitaire, encore faut-il donner aux annonceurs, agences et régies des indicateurs chiffrés clairs, leur permettant de miser sur les produits de la chaîne, qui devraient faire des intéressés, puisque la SNRT détient pratiquement -même après la libération du marché par la Fédération-, le monopole sur une grande partie des événements sportifs et surtout footballistiques nationaux. À se demander dans ce cas, à quoi bon calculer la mesure d'audience mensuelle d'Al Maghribia, chaîne qui depuis sa création, ne propose rien de plus que des rediffusions de programmes d'Al Oula et de 2M et qui est uniquement disponible sur satellite. La radio, dernière roue du carrosse Là où Taoufik Bennani Smires, président directeur général de Régie 3 voit «un nain économique», le directeur de Kenz Média parle de «sous-exploitation». Les professionnels le clament et les chiffres le confirment, la radio est le parent pauvre des médias. «Ce média n'est pas utilisé à bon escient», atteste Aissam Fathia. Les chiffres le démontrent, avec 18 % des PDM publicitaires en décembre dernier, le média arrive quatrième des investissements, derrière la presse et l'affichage (ex aequo). Pourtant, le marché est en pleine croissance : dans la même période, la radio a pratiquement doublé ses investissements publicitaires bruts (plus 94%). Il faut croire que l'arrivée des nouvelles stations a nettement dopé le marché. Un avis que Reda Essakali, partage également. «Avant la libéralisation des ondes, le nombre d'auditeurs était très faible. On pensait alors que l'arrivée de nouvelles stations privées allait secouer le marché. C'est tout le contraire ! Les nouvelles stations thématiques ont drainé de nouveaux types d'auditeurs, ce qui a permis d'élargir le marché», souligne-t-il. Preuve en est, en décembre, le chef de file du secteur est Luxe Radio avec 28%, et rattrape les stations de la première génération : Hitradio (19%), Medi1 (10%), Radio 2M (7%) et Aswat (6%). Bien qu'ayant perdu des points en fin d'année, Radio Mars se positionnait en septembre dernier en bon troisième avec 9% des PDM. Dans ces conditions, comment expliquer le fait que le marché reste toujours aussi restreint, malgré une augmentation de l'audience ? D'une part, des annonceurs qui n'optimisent pas l'utilisation du média : «La radio est un média de répétition, alors que les annonceurs marocains se contentent de deux à trois passages par jour», constate le PDG de Kenz Media. De l'autre, des pratiques qui ne favorisent pas l'extension du marché : l'échange de marchandises. Devenue de plus en plus courant entre annonceurs et médias, l'échange de marchandises permet une fois de plus au communiquant de faire des économies sur leur campagne, mais lèse le marché dans l'absolu. De telles habitudes commerciales, ne font que confirmer la nécessité d'apporter aujourd'hui une véritable mesure d'audience uniforme, structurant le secteur et lui apportant une véritable valeur économique. En témoigne Taoufik Bennani Smires qui, lors d'une interview accordée aux Echos quotidien avançait que «tous les opérateurs aussi bien les diffuseurs que les régies, attendent de la mesure d'audience, qu'elle serve d'accélérateur en termes de dépenses publicitaires». (Voir Lesechos.ma). La presse et l'affichage au coude à coude Les deux médias qui se livrent depuis toujours une rude bataille, finissent l'année ex aequo, avec tous deux 22% des PDM. Affichant une progression de 11% à fin 2010, la presse a-t-elle vraiment de quoi se réjouir ? D'autant qu'à la rentrée, le secteur était légèrement dans le rouge, avec une baisse de 5% des investissements publicitaires. Pas si sûr ! Pour Aissam Fathia «la presse a toujours été au coude à coude avec l'affichage, les derniers chiffres de décembre ne sont pas forcément révélateurs d'une tendance globale». Encore une fois, décembre fait l'exception. Par contre, quand on observe les chiffres de l'année, il semble que le marché soit au contraire en perte de vitesse. En effet, à en croire les observations de Reda Essakali, le secteur de la presse n'a plus la cote. En 2010, le marché a été amputé de quelques 337 millions de DH, passant de 1.273 MDH en 2009 à 936 MDH en 2010 (résultats annuels datant de fin novembre). Qu'est ce qui explique une telle baisse ? «En clair, beaucoup de campagnes institutionnelles ont été mises en stand by», explique Essakali. «Les annonceurs ont donné la priorité aux objectifs de vente et se sont redirigés de manière massive vers la télévision. Cette tendance commerciale a donc influé sur l'affichage probablement plus que la presse, puisque le secteur est en passe de structuration». Et de préciser : «Beaucoup d'annonceurs ont compris que l'affichage est beaucoup moins efficace que les autres médias. Encore plus avec l'arrivée des panneaux déroulants». S'il y a donc une opportunité à prendre pour les éditeurs de presse, c'est bien là. La presse reste en effet un média classique, pratiquement incontournable des médias plannings, qui permet contrairement à l'ensemble des autres médias d'apporter un message clair de manière plus détaillée. À en juger par les chiffres d'Imperium, les annonceurs marocains préfèrent les titres francophones. Au passage, les Echos quotidien figure dans le top 5 des meilleures ventes publicitaires, avec 4% de PDM depuis septembre et jusqu'en décembre 2010. La presse hebdomadaire est encore à la traîne, avec seulement deux supports représentés dans le top 10 : La Vie Eco, qui décroche 5% des parts de marché contre 3% pour Telquel. Côté affichage, malgré la hausse en décembre (+13%), le secteur n'a pas fait mieux qu'en septembre 2010 (+17%). Les raisons ? Sûrement pas aux opérateurs télécoms, fidèles à leur 38 % des PDM en bons chefs de file du secteur. Ce n'est pas non plus celle de l'automobile, deuxième investisseur, qui a même légèrement augmenté ses dépenses (1% de plus à fin 2010). «Certains secteurs restent porteurs de croissance» : Eric Béquin, Managing Director OMD Maroc. Les Echos quotidien : Comment s'est comporté le marché publicitaire en termes d'investissement en 2010 ? Eric Béquin: Le marché est en hausse de 17%. Une évolution significative après une année 2009 sans croissance. Sommes-nous sortis de la crise ? Je ne pense pas que nous devons parler de crise, car le marché ne s'est jamais rétracté et certains secteurs restent porteurs de croissance, tels les télécoms, l'automobile et la grande distribution, qui sera très compétitive ces prochaines années. En décembre, les parts de marché de la presse écrite et de l'affichage s'élevaient toutes deux à 22%. Peut-on dire que la presse écrite est en train de rattraper l'affichage ? Pourquoi voir un média comme concurrent de l'autre ? La presse permet un ciblage plus pertinent et évite une certaine déperdition de contact. L'affichage quant à lui est un média de notoriété à vocation plus large, tout en permettant une affinité de ciblage par quartier, par zone ou par région. Dépendants des objectifs de communication, ces deux médias peuvent même être complémentaires. Le passage de Medi1TV à une diffusion terrestre ne semble pas être passé inaperçu auprès des annonceurs. La chaîne décroche en décembre dernier 10% des parts de marché. Comment la chaîne est-elle amenée à évoluer? Selon Imperium, la chaîne à même atteint 16% de PDM en novembre. Cette part de marché est artificielle, car la politique commerciale de lancement ne peut suivre la même logique que celle de ses concurrents. Medi1TV se doit d'être plus agressive sur sa politique tarifaire, afin d'attirer le plus grand nombre d'annonceurs. Si nous jugeons la part de marché sur le brut monitoré ipso facto, la chaîne se retrouvera bien positionnée. Ceci étant dit, le format et le contenu de Medi1TV peuvent, à mon sens, trouver une audience, certes plus réduite que celle de ses concurrents, mais intéressante pour certains annonceurs. Nous aurons une réelle visibilité de la pénétration effective de la chaîne dés que les premières mesures d'audience auront été dévoilées.