Hier, lundi 3 mai, nous avons commémoré la «Journée mondiale de la liberté de la presse». Je dis «nous», mais je vous avoue que moi, je n'ai rien commémoré du tout. J'aurais bien voulu, mais je n'ai pas su comment. Même la presse, aussi bien celle qui est toujours pressée pour dénoncer «les atteintes» à la liberté de la presse, que celle qui lui porte elle-même, chaque jour, atteinte, est restée muette ou presque. Quelques mots par-ci, quelques insinuations par-là, et c'est tout. J'ai cru entendre au coin d'un changement de fréquence de ma radio de bord, une déclaration ou deux de «responsables» officiels ou officieux sur l'incontournable, l'infroissable et l' imparable «liberté et responsabilité». À chaque fois que j'ouïe cette expression rimée mais qui ne rime à rien, je me marre. Et là j'ai rigolé tout seul dans ma bagnole. C'était un rire nerveux. J'étais à un feu rouge, mais je riais jaune. Ça n'a pas empêché les automobilistes qui étaient arrêtés et les piétons qui traversaient la chaussée de se fendre la gueule, tout en, sans doute, se foutant de la mienne. Et là, j'ai eu comme une révélation. Je me suis posé, pour la première fois, cette question fatalement fatidique : «Et si je me trompais ?» En effet, j'ai toujours pensé que, justement, liberté et responsabilité ne pouvaient jamais faire bon ménage. La raison était, à mes yeux, simple et évidente : on ne peut pas être et libre et responsable. C'est ou l'un ou l'autre. Il est impossible, me répétais-je à longueur de journée, d'être libre de dire et d'écrire tout ce qu'on veut, et en même temps, faire gaffe à tout ce qu'on dit et à tout ce qu'on écrit. Non ! Liberté et Responsabilité, c'est vraiment un couple maudit comme pourrait l'être, par exemple, Moralité et Prospérité, ou, autre exemple, Honnêteté et... Député. Vous avez bien vu que je n'ai pas du tout cité cette alliance de mots connue et reconnue et qui vous est certainement venue aussi à l'esprit, à savoir : «Authenticité et Modernité». Si je ne l'ai pas fait, ce n'est parce que j'ai la trouille, quoique un peu quand même, mais c'est aussi parce qu'il faut reconnaître, sans flatterie aucune, qu'après tout, ça va plutôt bien ensemble. En tout cas, c'est une autre histoire et qui ne peut que me créer des histoires. Alors, s'il vous plaît, laissez-moi revenir à mon fameux questionnement dans le croisement : et s'ils avaient raison de lier intimement le principe de liberté à celui de responsabilité ? En vérité, si je me suis interrogé seulement aujourd'hui sur cette relation qui me paraissait jusque-là biscornue, c'est parce que je suis hyper irrité par certains journaleux véreux qui écrivent parfois n'importe quoi sur n'importe qui, sans limite, sans réserve et sans discernement, pourvu que ça titille les tréfonds du public, que ça chatouille le côté malsain et voyeur de sa curiosité, et surtout, que ça vende. Après, que ce soit vrai ou faux, que ça porte préjudice à la dignité des personnes concernées, que ça bousille même leur vie privée à jamais, c'est le cadet mineur de leurs soucis. Et c'est là que le citoyen viscéralement démocrate que je pense être se gratte le crâne et se sent obligé de rugir à l'adresse de ces brebis galeuses qui ne sont pas plus journalistes que moi je suis coureur cycliste : Stooooooooooop ! Maintenant, de là à demander qu'on les boucle à jamais si jamais ils ne veulent pas la boucler, c'est un pas que je ne franchirai pas. Qu'est-ce qu'on fait, alors ? En vérité, je dois vous avouer que je ne sais pas. Au fond, je crois qu'il faut qu'on discute, et vite ! Mais, en toute liberté et en toute... responsabilité.