La rentrée parlementaire pour la session du printemps aura un goût particulièrement plus relevé que ses précédentes. Sur fond de revendications de la rue, de réforme constitutuionnelle et de régionalisation avancée, les prochains mois seront cruciaux pour les deux chambres. D'abord parce que le sort des deux instances formant le cadre bicaméral du législatif marocain est encore frappé d'un grand point d'interrogation. Ensuite, et c'est le plus important d'ailleurs, parce que le Parlement s'apprête à subir un grand liefting sous la coupole de la nouvelle Constitution. Il est en effet question de permettre à la Chambre des représentants de jouir de la place qui lui échoit et en procédant à la révision de la composition et des attributions de la Chambre des conseillers pour en faire une chambre représentative des régions. L'ouverture de cette session printanière, soulignons-le, coïncide avec la poursuite des réunions consacrées à la présentation par les partis politiques de leurs propositions et mémorandums au sujet de la réforme constitutionnelle devant la Commission consultative de révision de la Constitution (CCRC) ainsi qu'avec la relance du dialogue social. Incertitudes, pressions, enjeux, concurrence... néanmoins, pour l'heure, il y a plus d'un dossier sur le feu et les deux chambres, si elles se sont démenées pour signer une progression honorable du nombre de projets traités, devront carburer davantage pour traiter tous les projets de loi qui ont besoin de mûrir jusqu'à entrer en vigueur. L'autre défi des deux chambres sera également celui de convaincre. Convaincre la rue que la machine de la réforme et du changement est en marche et que la «coupole est à l'écoute». « Il va falloir que l'institution parlementaire puisse convaincre la rue que elle aussi est impliquée dans le chantier de la réforme», commente à ce sujet Lahcen Daoudi, chef du groupe parlementaire du PJD. Les urgences ? Pour le chef du groupe de l'opposition parlementaire, «le code électoral, la loi sur les partis, mais surtout la lutte contre la corruption devront s'affirmer dans l'action du parlement, c'est le principal signal qui doit être lancé lors de cette session». L'autre question qui taraude les parlementaires est, sans contexte, l'orientation que prendra le renforcement de leurs attributions devant être consacré par la nouvelle Constitution. De l'avis des analystes, cette question reviendra de manière recurrente dans les débats de ces politiques. Pour le moment, néanmoins, au sein du ministère chargé des relations avec le Parlement, la temporisation est de mise. «Il n'y a pas encore d'ordre du jour des premières séances», expliquent les responsables de ce département, en soulignant que «cela ne se fait qu'après l'ouverture des travaux et le transfert des questions à mettre en priorité». Par ailleurs, l'intervalle des sessions et les travaux des Commissions parlementaires qui se sont déroulés durant cette période, livrent déjà un avant-goût des penchants des députés en ce début de session et des chantiers qu'ils privilégient. Pour le socialiste Ahmed Zaydi, député USFP, l'entrée en matière de son groupe, en cette rentrée parlementaire, portera nécessairement sur l'impact d'une réforme constitutionnelle de la Loi organique des finances. «En effet, notre groupe s'est réuni mercredi 6 avril avec les spécialistes de la Fondation Abderrahim Bouabid, et nous en sommes sortis avec une vingtaine de recommandations quant à cette loi organique», explique-t-il. Il est question, selon Zaydi de «propositions concrètes de reformulation des articles 50 et 51 de la Constitution». Dans la foulée des urgences, le Parlement aura à se pencher sur plusieurs textes qui piétinent depuis plus de deux années. La loi portant sur les chambres d'artisanat, et celle de la l'agence de la logistique sont les plus problématiques, tout comme la loi sur la protection du littoral qui sera le prélude d'une série de lois environnementales. Le département de l'Emploi et de la formation professionnelle jouera également aussi la vedette lors de cette session, vu que deux projets de lois sur les syndicats et sur l'exercice de la grève seront débattues au niveau des deux chambres et les amendements qui pourraient y être apportés pourraient générer des renversements de situation, mais aussi impacter le dialogue social. Aussi, la session sera hantée par l'absentéisme et l'indiscipline qui marquent la plupart des séances des questions orales. Les diverses mesures dissuasives n'ont pas réussi à faire l'unanimité parmi les groupes parlementaires, tout comme les moyens aptes à amener le gouvernement à ne pas fuir certaines questions orales ou écrites qui font toujours partager les députés sur leur mission de contrôle de l'exécutif. Rappelons que le sujet avait été discuté durant la session du printemps entre le PAM et l'Istiqlal, surtout au sein des commissions lors du vote des budgets des ministères, et avait fait des étincelles. Y.B Dans le pipe... Sur le plan législatif, plusieurs projets de loi à caractère socio-économique devraient être examinés au cours de cette session, notamment des projets de loi portant sur les préparatifs des prochaines échéances électorales comme le Code électoral, la loi sur les partis et le nouveau découpage électoral. Le Parlement devrait, par ailleurs, adopter des projets de loi à dimension sociale tel que les projets de loi relatifs à l'indemnisation suite à des accidents de travail, la création de l'agence de lutte contre l'analphabétisme, la réforme de la justice et autres projets dans le domaine financier. L'institution législative devra aussi approuver des projets de loi examinés au cours de la précédente session parlementaire, dont des projets portant sur la création de l'agence marocaine pour les activités logistiques, la titrisation foncière et les statuts de la chambre d'artisanat et de l'office national de l'électricité et de l'eau potable. Point de vue : Abdellatif Ouammou, Conseiller PPS à la Chambre des conseillers La session devra répondre rapidement aux questions soulevées par la réforme. Les élus, dans le cadre de la Constitution actuelle, devront traiter de plusieurs projets de loi en instance, comme les lois électorales et des partis et tous les autres textes qui concernent la réforme politique et constitutionnelle. Il faut savoir que l'actuelle Chambre a encore jusqu'à la session du printemps prochain pour régler d'autres questions liées à cette période transitoire qui définiront les modalités des élections des régions et de la Chambre des conseillers et qui instaureront la règle du suffrage universel pour les premières et l'élection de la totalité pour la deuxième. Le Parlement, lui, va prendre davantage l'initiative.