L'année 2009 n'entrera pas dans les annales du secteur du textile. Celui-ci a été l'un des plus touchés par la crise économique internationale, de par l'interactivité avec les turbulences extérieures. A ce titre, les dernières statistiques de l'Office des changes sont édifiantes. Les exportations de vêtements confectionnés s'élèvent à 17,6 milliards de DH à fin 2009, contre 18,9 milliards à fin 2008, soit une baisse de 6,5%. Les ventes d'articles de bonneterie reculent pour leur part de 3,1% à 6,4 milliards de DH, contre 6,6 milliards de DH à fin 2008. Les réactions des professionnels du secteur ne sont pas totalement dénuées d'optimisme. A en croire Mohamed Tazi, directeur général de l'AMITH, «en 2009, nous appréhendions beaucoup de difficultés, mais elles ont été contenues. Nous avions démarré l'année avec une baisse importante (-20 à -25%), mais qui s'est atténuée vers la fin de l'année». Selon Tazi, cette amélioration n'aurait pas été possible sans les mesures de sauvegarde mises en place par le gouvernement. «L'objectif était de maintenir les entreprises et les emplois dans le secteur. Nous y sommes arrivés. Finalement, sur l'année, les dégâts étaient moins importants que prévu ». Cependant, les professionnels déplorent le fait que seulement 40% des entreprises touchées aient bénéficié des mesures de soutien. Insuffisance de la logistique Par ailleurs, l'impact a mis à mal le positionnement de l'entreprise marocaine en matière de sous-traitance. Selon le DG de l'AMITH, la crise a révélé la précarité de ce positionnement, les coûts pratiqués par le secteur dans le segment de la sous-traitance n'étant pas forcément les meilleurs au niveau de la région, encore mois en comparaison avec la concurrence asiatique. En outre, Tazi ajoute que «À ce niveau, nous avons été mal servis en matière de réactivité, sans parler de l'insuffisance de la logistique». La situation actuelle continue de corroborer ce constat pour le segment de la sous-traitance textile. La récente fermeture de Dewhirst Ladieswear Morocco, considéré comme l'un des fers de lance de l'industrie textile à Tanger, a des allures de signal d'alarme. La société employait près de 1.600 personnes. Les causes du départ restent obscures, le management s'étant abstenu de tout commentaire. Néanmoins, la crise économique que traverse l'Angleterre, ainsi que la dévaluation de la livre sterling ne seraient pas étrangères à cette situation. La devise anglaise s'est délestée d'environ 30% de sa valeur face au dollar et à l'euro en 2009. Et, amère cerise sur le gâteau: les banques ont distribué des crédits au compte-gouttes pour le secteur du textile, durant le quatrième semestre 2009. C'est ce qui ressort de la dernière enquête de Bank Al-Maghrib sur le climat des affaires. Celle-ci relève un solde d'opinion négatif de 32% concernant l'accès au financement bancaire. La tendance se poursuit pour les indicateurs de production industrielle, qui ne sont pas favorables pour les secteurs du cuir et textile. Celui-ci souffre de problèmes se trésorerie, notamment à cause de la baisse des ventes, selon les conclusions de la Banque centrale. L'amont, talon d'Achille du secteur Ce n'est un secret pour personne, la filière de l'amont (tissage, filature...) est presque moribonde. Legler agonise en silence, Tavex pense délocalisation et Fruit of the Loom suscite des inquiétudes. Ces trois gros bonnets de la filière témoignent à eux seuls d'une filière longtemps délaissée. «Nous avons négligé l'amont durant les 15 à 20 dernières années. Nous en payons les frais actuellement, car beaucoup de clients fuient le Maroc à cause de cette carence», indique Abdelkhalek Chraibi, dirigeant de Pantex. Le déficit enregistré au niveau de cette filière pénalise lourdement le Maroc. Cet industriel n'hésite pas à dire que des pays comme la Turquie et l'Egypte «ont pu s'en sortir mieux que nous parce qu'ils ont un amont plus développé». Pour les textiliens, le gouvernement doit penser à mettre en place des avantages pour inciter les opérateurs à investir dans l'amont, voire installer des subventions directes à la filière, comme c'est le cas en Egypte et au Pakistan. Des «suggestions» auxquelles un ministre répond : «Les subventions seront accordées quand la situation l'exigera...». Le cas Inditex Parmi les bonnes nouvelles pour le secteur du textile, il y a le projet d'Inditex, l'un des plus grands groupes de distribution textile-habillement dans le monde, d'augmenter sa capacité de production au Maroc. Le groupe espère passer de 60 à 100 millions de pièces à moyen terme. Afin de réaliser cet objectif, la main d'oeuvre marocaine devrait être fortement mise à contribution, notamment dans la région de Tanger, ce qui serait dans l'ordre logique des choses, Inditex prévoyant de s'installer dans la ville du détroit, où il fabrique déjà un peu plus de la moitié de sa production marocaine. Un choix qui n'est pas anodin, puisqu'Inditex table sur la proximité marocaine de l'Europe pour alimenter les chaînes logistiques d'approvisionnement de ses magasins. En outre, de nombreuses entreprises de la région, travaillant dans le secteur du textile et de l'habillement, le font pour le compte d'Inditex. Les vêtements pour femmes sont essentiellement confectionnés à Tanger, tandis que le prêt-à-porter pour les hommes est délégué à des sous-traitants d'autres villes, dont Casablanca. Rappelons que le Maroc est la seconde plateforme de production d'Inditex, derrière la Chine. Le géant espagnol a réalisé 7,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires pendant les neuf premiers mois de 2009, ce qui affiche une embellie de 6% par rapport à la même période de l'année précédente.