Ça fait plusieurs mois que tout le monde en parle. Un peu n'importe comment et souvent à tort et à travers. Les uns le défendent farouchement et les autres le critiquent outrageusement. Les spécialistes essayent de l'analyser objectivement et les analystes tentent de l'expliquer laborieusement. Les inconscients l'attaquent de front et les lâches le rejettent pour la forme. Mais, l'essentiel, tout le monde en parle. Moi-même d'ailleurs, j'en ai parlé à plusieurs reprises ici et ailleurs. Je crois que jamais un tel débat n'a autant passionné les masses. Pourtant, le code de la route - parce que, comme vous l'aviez sûrement deviné, c'est de lui qu'il s'agit - tout ce monde-là ne le respectait pas des masses. Justement, la grande question qu'on doit se poser aujourd'hui sans hésiter, c'est de savoir si le nouveau code tant chahuté, déjà une fois rejeté, et qui a été, comme vous avez dû le noter, enfin voté, même si ce n'est pas à l'unanimité, sera-t-il, lui, un minimum respecté ? Permettez-moi très franchement d'en douter. Voyez-vous, si je suis aussi sceptique, c'est, au moins, pour deux raisons. La première, c'est que malgré la meilleure volonté du monde, je n'arrive pas imaginer une seconde que tous nos chauffards si méchants et si affreux vont se transformer miraculeusement en conducteurs doux et consciencieux. Je suis, certes, un utopiste chronique, mais de là à croire au père Noël dans un pays où, code ou pas code, on ne vous fait jamais de cadeau, c'est un pas que je ne franchirai pas, sauf, peut-être, le jour où le vert passerait au rouge en passant par l'orange sans trop se presser. Deuxième raison pour laquelle j'ai un doute, disais-je, sur une hypothétique respectabilité du nouveau code récemment voté, c'est que, justement - et là je vais être un peu plus sérieux parce que le propos est franchement grave - ce fameux projet de loi portant code de la route n'a été voté par la première Chambre que par, en tout et pour tout, 83 députés, 55 voix pour et 28 contre, tous les autres ayant préféré s'abstenir de venir. Même l'autre Chambre, vous savez celle dite des « conseillers » et qui avait bloqué si violemment la première mouture l'année dernière, n'a pas fait mieux. Alors, tout à l'heure, quand j'ai lu un titre à la Une d'un journal plus ou moins gouvernemental, que « Les chauffards n'ont qu'à bien se tenir », j'ai attrapé un fou-rire. Mais ils se foutent du monde ou quoi ! Malmener autant un ministre pourtant bien équipé jusqu'à lui faire perdre parfois la voix, et nous faire marcher durant tout ce temps en nous faisant croire que le bon sens était en bonne voie, pour qu'à la fin, voter cette si belle loi par si peu de voix, c'est vraiment du n'importe quoi ! Comme me l'a rappelé si bien un ami qui voulait devenir parlementaire, mais qui n'avait pas assez de sous à débourser, si les députés ne sont pas très concernés par ce code, c'est parce qu'ils ont l'immunité, eux. Et c'est quoi, l'immunité, mesdames et messieurs ? C'est tout simple : si tu es un heureux élu, et quelle que soit la Chambre où tu pionces, tu peux griller tous les feux que tu veux, ne jamais t'arrêter au stop, rouler à 200 à l'heure si ça te dit, braver tous les sens interdits et stationner en 3e position si tu en as envie, bref, tu fais tout ce qui te chante et tu n'auras jamais de contredanse, et celui qui n'est pas content, il n'a qu'à aller voir au Parlement si tu y es. Ça tombe bien : tu n'y es pas et tu n'y es presque jamais. Mais, entre nous, tu n'y es pour rien. C'est nous qui ne sommes pas des citoyens. Mais là, c'est un autre sujet ...