On y est. C'est aujourd'hui que prend fin le énième accord de pêche entre le Maroc et l'ensemble européen. L'Espagne, qui est le pays européen le plus impliqué dans cet enjeu, a réitéré jeudi 24 février sa position pour un renouvellement de cet accord. Le ministre, Aziz Akhannouch a pris son temps toute la semaine et devrait donner une réponse incessamment. Tout semble indiquer que le royaume signera la reconduction de ce partenariat mais sous quelles conditions ? Là est toute la question. Pour cerner les nouveaux enjeux et les motivations que peut avoir le Maroc derrière une éventuelle renégociation, il est opportun de tirer les leçons et de dresser le bilan de l'accord de pêche. Comment les professionnels le perçoivent-ils ? Un certain nombre d'acteurs, opérateurs professionnels et parlementaires, les uns aussi proches que les autres dans le suivi des quatre dernières années, ont accepté de se prêter au jeu de l'évaluation de l'expérience et des pistes et des garde-fous à mettre en place en cas de reconduction. En effet, si la plupart de ces derniers sont unanimes sur le principe de l'établissement d'un partenariat international dans ce secteur, on recueille autant d'avis que de têtes par rapport à la position que devrait adopter le Maroc pour une éventuelle reconduction. Hassan Oukacha, président de la principale entité représentative des professionnels du secteur, la Fédération de la pêche maritime (FPM), affirme : «Dans le contexte de statut avancé dans lequel nous nous trouvons, il serait illogique de rejeter la reconduction de cet accord. Seulement, le déchargement des captures au niveau des ports marocains et le contrôle doivent être renforcés», propose le responsable. «Le Maroc doit négocier avec plus de contraintes, de droit de surveillance et de contrôle des captures», lance, pour sa part, Abderrahmane El Yazidi, secrétaire général du syndicat des officiers et marins de la pêche hauturière. Ce dernier avance que le royaume devra «imposer la présence d'un opérateur marocain en permanence à bord de tous les navires européens, et insister sur le principe de l'obligation de débarquement des captures au niveau de nos ports». En résumé, on l'aura donc compris : l'accord doit être reconduit, mais le royaume doit se positionner en force pour un partenariat win-win sur ce dossier. Pour quelle contrepartie ? D'autre part, l'idée «d'une augmentation de la contrepartie financière» est également largement défendue. Ce montant est fixé, dans les clauses de l'accord actuel, à un peu plus de 36 millions d'euros par an, soit un cumul qui tourne autour de 144 millions d'euros sur les quatre années que devrait durer cet accord. Les contextes ayant changé au fil des accords, l'idée d'une augmentation de cette contrepartie s'impose d'elle-même. Abdelkader Aamara, ex-président de la Commission des secteurs productifs au niveau du Parlement et membre du groupe PJD dans l'hémicycle, déclare : «Nous devons évaluer les accords antérieurs et en tirer les leçons qui s'imposent. Il s'agit de proposer une plateforme de contrepartie qui protège les intérêts du royaume et de définir notre propre feuille de route. Il faut faire en sorte qu'il y ait un retour concret sur investissement. La contrepartie financière doit être revue à la hausse et servir à la modernisation des ports, de la flotte et des infrastructures du secteur». L'avis de ce parlementaire ne s'éloigne pas de celui des opérateurs, que ce soit du côté de la fédération ou des syndicalistes. Interconnexions Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue un aspect important : Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, pilote depuis près de deux ans déjà un grand chantier de développement sectoriel à travers la stratégie Halieutis. Il est évident qu'à défaut d'un autre partenaire de la taille de l'UE, la contribution financière rapportée par l'accord reste «une source de financement sûre, stable et non négligeable, pour l'exécution des projets de ce programme et in fine, pour l'atteinte des objectifs de développement du secteur que se fixe le gouvernement», explique le président de la FPM. De plus, il ne faut également pas oublier les interconnexions qui pourraient intervenir, avec un autre dossier sur lequel le Maroc est en train de négocier dur. Il s'agit en l'occurrence de l'accord agricole avec l'UE, qui est d'ailleurs géré par le même ministre. Autant de points qui rendent les choses plus délicates pour ce dernier. S.F Les opérateurs réclament les 2/3 de la contrepartie Selon les termes de l'accord de pêche, la partie européenne verse, chaque année, au Maroc un montant de 36,5 millions d'euros, dont 13,5 millions, environ 30 %, vont vers les opérateurs du secteur à travers les associations professionnelles. Aujourd'hui, ces derniers revendiquent une augmentation de cette part. «Nous voulons proposer au ministère de revoir à la hausse ce pourcentage, en le portant aux 2/3 du montant perçu de l'UE», indique Hassan Oukacha, le président de la FPM. Pour lui, cela devrait davantage accélérer le développement du secteur, notamment dans le cadre d'Halieutis. Par ailleurs, ce dernier propose aussi, dans le cadre du renforcement des contrôles, que les captures des navires européens soient considérées comme des produits en «exportation». Ce détail – qui demeure assez pertinent – devrait permettre ainsi à l'administration marocaine des douanes d'exercer un contrôle sur ses prises, en plus de celui qui devrait déjà être assuré par les représentants du ministère de tutelle des secteurs, au niveau des ports.