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«Je ne juge pas le gouvernement, mais aujourd'hui, on doit faire des choix»
Publié dans Les ECO le 04 - 04 - 2013


Alami Lazraq, PDG du Groupe Alliances
Les ECO : Les résultats d'Alliances pour l'exercice 2012 viennent d'être publiés, quelle analyse en faites-vous ? Quelles sont les perspectives pour l'avenir ?
Alami Lazraq : Nous avons affiché de bons résultats, malgré une conjoncture très difficile. Nos sommes parvenus à maintenir le rythme et à améliorer notre performance. C'est pourquoi, nous avons décidé d'augmenter de 43% le dividende par action (20DH), par rapport à 2011. Cela procure un rendement de dividende de 4% par rapport à un cours de la valeur Alliances établi à 500 DH. Au niveau de l'activité, notre Groupe, via sa filiale Alliances Darna, a réussi à livrer en 2012, quelques 12.500 unités dans le social, un segment que nous continuerons à investir. De même, le segment du luxe, notamment sur l'axe Casablanca - Rabat se porte bien. C'est au niveau du résidentiel destiné au logement secondaire, à Marrakech ou à Lixus par exemple, que le bât blesse. Les occasions d'achat par des clients étrangers se font de plus en plus rares. Cependant, nous réussissons tout de même à gérer cette baisse de la demande. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas de stock de logements invendus à gérer, car nous construisons au fur et à mesure ce que nous vendons.
Est-ce que vous adoptez cette stratégie uniquement pour le segment luxe ?
Aujourd'hui, compte tenu de la conjoncture et de la rareté de la liquidité, nous ne pouvons pas nous permettre de réaliser des opérations à blanc. Normalement, un promoteur averti ne doit démarrer un projet qu'une fois 40 ou 50% du programme, vendu. Sinon, il encourt des risques énormes. C'est d'ailleurs cette stratégie que nous adoptons dans tous nos projets, pour maintenir le cap.
Avez-vous déjà renoncé à des projets, faute de cession de 40% du programme ?
Effectivement. Cela a été le cas pour un projet lancé et que nous n'avons pas pu vendre dans les délais impartis. Tout simplement, nous avions demandé de le différer pour ne le reprendre que six mois ou un an après. Il faut reconnaître que la conjoncture internationale pèse sur le secteur de l'immobilier. Il y a quelques années, à Marrakech par exemple, un programme en entier pouvait être écoulé en un mois. Et la moitié des acheteurs étaient des Français. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Comment votre groupe vit-il cette problématique de rareté de l'argent et de sous-liquidité bancaire ?
Je reconnais que pour nos financements, nous n'avons pas de souci. Les banques continuent à vendre de l'argent et à financer les projets viables. Toutefois, c'est au niveau des crédits acquéreurs que nous sentons un tour de vis lié à la rareté de l'argent. Il y a quelques années, les banques finançaient la totalité des biens immobiliers, y compris les frais. Aujourd'hui, la donne a changé. Elles sont plus exigeantes et mettent beaucoup plus de temps à répondre à un dossier de crédit. La tendance s'est donc inversée. Ce ne sont plus les banques qui rivalisent pour avoir les clients, mais ce sont les clients qui bataillent pour se faire financer.
Donc, la sous-liquidité n'a pas d'impact direct sur votre activité...
Nous ne pouvons pas parler de méventes, du moment que nous ne construisons que ce que nous vendons. Cependant, au niveau national, le nombre de programmes réalisés et de logements produits se réduit. Tous les secteurs d'activité liés à la construction sont touchés et, par ricochet, l'emploi. Dans ce contexte, notre Groupe prend ses précautions. Il y a près de trois ans, il a acheté deux sociétés spécialisées dans les BTP, à savoir EMT et Somadiaz. Parallèlement, il a créé trois autres entités. Il s'agit de EMT Bâtiment, EMT Routes et EMT Agrégats. Pour ne citer que la société EMTB, qui emploie près de 2.200 personnes, elle réalise des projets pour le compte du Groupe et pour le compte de tiers et affiche de bonnes performances.
Votre recours à l'emprunt obligataire en 2012 vous a-t-il permis de contourner le problème de sous-liquidité des banques ?
L'emprunt obligataire est un financement souple. Au niveau de son utilisation, il ne fixe pas d'obligations liées à des projets spécifiques et permet d'aller plus vite. Grâce à ce financement d'une maturité de 5 ans, nous avons réussi à développer de nombreux projets dans le social. D'ailleurs, les deux tiers de ces fonds ont été affectés à ce segment.
D'autres émissions obligataires seraient-elles dans le pipe ?
Dans l'immédiat, je ne pense pas que le marché le permette. C'est pour cela que nous avons eu recours à un autre mécanisme de financement pour lever un milliard de dirhams. Il s'agit des obligations remboursables en actions (ORA) qui ont d'ailleurs connu un franc succès. Grâce à ces deux opérations, nous avons levé 2 milliards de dirhams qui nous ont permis d'avancer et de percer. Les résultats sont là pour le prouver.
Quid de la réserve foncière du groupe ?
Nous avons une réserve foncière qui nous permet de travailler à notre aise sur les 10 prochaines années. Toutes catégories de foncier confondues, notre Groupe dispose de 4.500 à 5.000 ha dont plus de 2.000 ha dédiés au logement social. Vous savez, en réalité, la réserve foncière est un faux problème. Le foncier n'est qu'un des éléments constitutifs du coût de revient. Un promoteur n'a pas besoin d'engranger des milliers d'hectares, ce n'est pas vraiment nécessaire. Et pour cause, le terrain ne représente pas plus de 10 à 15% du coût de revient au maximum. Même si le prix du terrain prend un peu de valeur dans le temps, l'impact sur le coût de revient demeure minime par rapport au coût de l'endettement. Aujourd'hui, avec le manque de liquidité, une entreprise, pour être saine, doit afficher un endettement respectable. C'est pour cela que lors de la présentation des résultats du groupe à fin juin 2012, j'avais annoncé une réduction de notre gearing (ratio d'endettement) d'ici fin 2014. Déjà cette année, nous avons commencé à réduire notre endettement par rapport à nos fonds propres. Il faut faire très attention à ce que l'endettement ne dépasse jamais les fonds propres. Nous sommes en train d'inverser la tendance pour que, d'ici la fin de l'année 2014, nous affichions dans notre bilan, un tiers en endettement, deux tiers en fonds propres.
Quelles sont les mesures pour arriver à cet objectif ?
Tout le challenge pour nous réside dans le fait d'activer le désendettement, sans pour autant arrêter la machine de la production.
Quel est l'état d'avancement du projet Sindibad ?
Le projet Sindibad porté à 50% par Alliances et 50% par la Somed, avance bien, dans le sens où nous avons commencé les travaux sur le parc. Nous avons démarré la viabilisation de la première phase récemment libérée. Le bureau de vente vient d'ouvrir pour démarrer la commercialisation.
Le problème de l'expropriation est-il résolu ?
À ce jour, le parc d'attraction est entièrement libéré, grâce aux efforts déployés par les autorités urbaines. Il reste à reloger près de 1.000 personnes qui occupent toujours les autres phases, sachant que le projet en compte quatre. Pour le recasement des habitants, les autorités procèdent par tirage au sort. Notre Groupe a mis à leur disposition près de 1.000 logements réalisés à Hay Hassani. C'est un processus délicat, mais la machine est déjà en marche. Le parc d'attraction, lui, sera prêt pour fin 2014. Cette date, nous la respecterons, je le dis clairement, nous avons mis les moyens, pour être au rendez-vous. Pour le volet résidentiel, qui est d'un très haut standing, les opérations de vente devront démarrer dans les prochains jours.
Qu'en est-il de la réalisation du projet des Arènes ?
Nous démarrons les terrassements, juste après l'été. Ce projet exceptionnel nécessitera 3,5 ans de travaux. Seront construits sur ce site, le siège de Crédit du Maroc qui sera édifié sur une hauteur de 100 m, avec 27 ou 28 étages. Sont prévus également un hôtel de luxe, à savoir un Park Hyatt, une galerie de luxe et de l'habitat résidentiel de très haut standing. À proximité de ce projet emblématique, est prévu un parking sur trois niveaux, en sous-sol. Les autorités nous ont demandé de construire ce parking pour répondre au grand besoin de places de stationnement dans ce quartier. Ce projet, on en parle depuis près de 15 ans. Finalement, nous avons décroché ce contrat à l'issue d'une compétition internationale lancée par la maison - mère de Crédit du Maroc, à laquelle ont participé des promoteurs français, espagnols et marocains.
Avez-vous de la visibilité pour le site de Lixus à Larache ?
Ce projet est exceptionnel. Lixus s'étend sur un terrain de près de 470 ha. L'Etat a fait un effort pour financer l'accès à ce site qui, à ce jour, compte l'un des plus beaux golfs du Maroc, un club house exceptionnel, ainsi que 80 unités achevées, entre villas et appartements, en gestion locative. Seulement, jusqu'à aujourd'hui, nous attendons que l'Etat nous donne un coup de pouce. D'ailleurs, il y a deux ans, nous avions signé un mémorandum d'entente avec la SMIT, car le FMDT n'existait pas encore juridiquement. Depuis, le FMDT a donné son accord, c'est au niveau de la CDG que les décisions ne sont pas tranchées pour l'entrée dans le tour de table. À ce jour, nous avons déjà investi un milliard de dirhams dans ce projet. Certes, la conjoncture est difficile, il faut le reconnaître, mais c'est maintenant qu'il faut construire pour que dans deux ou trois ans, au moment de la reprise, la destination Maroc ait une capacité hôtelière suffisante, conformément aux objectifs de la Vision 2020. C'est maintenant que les projets du plan Azur doivent être parachevés, compte tenu des fonds colossaux qui y ont déjà été investis. L'Etat se doit d'agir pour faire avancer ces projets dans de bonnes conditions. Sinon, ce serait dommage pour le pays. Il s'agit de projets capitalistiques qu'un promoteur privé ne peut pas mener tout seul. L'Etat est intervenu au niveau de Saïdia, il n y a pas de raisons que les autres sites ne profitent pas de la même impulsion étatique.
Est-ce que vous regrettez d'avoir investi dans la station Lixus ?
Je ne regrette jamais rien. Ce projet, j'y crois, c'est un site exceptionnel. En tout cas, nous allons nous conformer à la convention signée avec l'Etat. Nous respecterons nos engagements, mais je dis que le moment est venu pour que l'Etat et des organes publics donnent un coup de main. Comme c'est le cas du FMDT, qui a donné son aval déjà pour nous accompagner, en attendant l'accord de la CDG.
Toutefois, vu la situation des finances publiques, pensez-vous que l'Etat puisse suivre ?
En présence de moyens limités, il faut hiérarchiser les priorités. Au Maroc, il y a une volonté affichée de tout faire, c'est bien. Mais avec les moyens dont nous disposons, il faut faire des choix. De mon point de vue, le secteur touristique doit être une priorité, a fortiori lorsqu'une des principales entrées de devises de notre pays vient de ce secteur et sachant le déficit structurel de notre balance de paiement.
La politique économique telle que menée par le gouvernement rassure t-elle les hommes d'affaires comme vous ?
Je suis un opérateur économique et je ne mélange jamais les choses. Je ne juge pas le gouvernement. Aujourd'hui, on doit faire des choix. Sincèrement, au sein du gouvernement, nous avons des gens valables, qui doivent donner des directives pour aller de l'avant. Nous avons passé une année d'hésitation, c'est vrai. Maintenant, il faut remonter la pente.
Quels sont vos projets en Afrique ?
L'Afrique est un marché très prometteur, c'est le moment d'y aller, car il y a beaucoup à faire. L'Afrique, pour nous, c'est surtout l'infrastructure. Le but est d'exporter le savoir-faire de notre entreprise de BTP pour y construire des ports, des aéroports, des barrages... Même dans le logement social, notre groupe est sollicité. Nous avons d'ailleurs signé des accords, à Abidjan notamment. Certes, la demande existe sur le marché africain. Seulement, il faut prendre des précautions, c'est ce que nous faisons.
Comptez-vous y aller seul ou dans le cadre de partenariats avec des opérateurs sur place ?
Nous sommes en train d'étudier les deux possibilités. Pour le moment, aucune décision n'a été prise à ce niveau.
Une fondation pour créer des valeurs sociales
Une fondation basée sur un modèle conforme aux standards internationaux et sur un esprit de création de valeurs sociales. Ce sont-là les caractéristiques de la fondation Alliances qui accompagne les activités de l'entreprise. Elle en assure le volet social et mène des projets déclinés sur le plan social, culturel, mais aussi sanitaire. Le développement social en constitue l'un des plus importants et tourne autour du projet «Mourafaqa» (accompagnement). «Il s'agit d'accompagner et d'appuyer les habitants nouvellement installés dans les logements sociaux construits par le groupe Alliances», explique Alexandra Balafrej, qui en est la directrice générale. «C'est un programme innovant, une première au Maroc», ajoute-t-elle. Via le programme «Mourafaqa», la fondation Alliances, avec ses 20 «facilitateurs» ou accompagnateurs sociaux, dispense des cycles de formation aux nouveaux habitants des logements sociaux (constitués le plus souvent de R+4, dans des complexes résidentiels pouvant comprendre 2.000 à 5.000 logements). L'objectif est d'une part, de «faciliter l'adaptation des résidents, dont certains ne sont pas habitués à vivre en co-propriété», mais aussi de prévenir d'éventuels conflits sociaux qui pourraient surgir entre voisins car beaucoup «ignorent les droits et devoirs des co-propriétaires et les problèmes de voisinage sont parfois très nombreux», constate-t-on auprès de la Fondation. Celle-ci prend donc le soin d'aménager des espaces pour «accélérer l'intégration» et «faciliter en même temps la médiation avec l'autorité, les entreprises (notamment les banques), ainsi qu'entre les habitants eux-mêmes». À ces derniers sont expliqués les droits du voisinage et certaines règles de la vie en communauté. La Fondation Alliances qui considère ces efforts comme un «investissement important», essaie d'accorder une place primordiale à la culture. C'est ainsi qu'elle développe deux projets culturels à Marrakech. Le premier, déjà réalisé, a consisté en la création du parc de sculptures «Al Maaden» et s'inscrit, selon Balafrej, «dans le cadre du mécénat culturel». Des artistes marocains et étrangers ont d'ailleurs été sélectionnés pour y présenter leurs œuvres, comme ce sera prochainement le cas pour de nombreuses œuvres de l'art contemporain africain. En effet, un musée d'art africain contemporain est en projet dans la ville ocre, pour présenter au public marocain et étranger la création artistique africaine. Ce sera pour Alliances une manière de contribuer à la promotion de la riche culture africaine.


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