Avertissements aux partis politiques : les jeunes sont prêts à renouer avec la politique et les politiciens, à condition que ceux-ci se préoccupent plus des citoyens. C'est en tout cas ce qu'illustrent la plupart des avis des jeunes Marocains, rapportés par l'enquête du NDI sur la perception des jeunes de la politique. À ce niveau, d'ailleurs, il est intéressant de remarquer que le fait marquant qui justifie ce soudain regain d'intérêt des jeunes est relatif à la dernière modification constitutionnelle adoptée, en 2011 au Maroc et les élections législatives du 25 novembre dernier. Pour beaucoup de jeunes, le fait qu'un parti de l'opposition soit arrivé au pouvoir et que les partis historiques soient recalés, est à lui seul un changement majeur dans la pratique politique au Maroc. «Nous pensons qu'il y a actuellement plus de démocratie et de transparence dans les élections, ce sont les citoyens qui ont contribué à l'avènement de l'actuel gouvernement» assène un jeune qui voit en cela, l'aspect le plus positif de la dernière révision constitutionnelle. S'il est vrai que comme le reconnaît un autre qui souligne que «la démocratie, ce n'est pas seulement que des élections», la crédibilité des élections conjuguée aux principes constitutionnels de responsabilité et de reddition des comptes tendent à insuffler une nouvelle dynamique à l'action politique au Maroc. «Les citoyens sont de plus en plus conscients de leurs droits et les partis politiques sont sous pression pour y répondre» fait remarquer un jeune homme d'Oujda qui se base sur l'évolution des pratiques politiques depuis les dernières élections. Sauf qu'à ce niveau, rien n'est encore fait dans le sens d'un véritable rétablissement de la confiance des électeurs, qui se préparent pour les élections communales prévues pour la fin 2012 ou 2013. Le PJD raffle la mise Il faut dire que pour les jeunes, les pratiques politiques semblent loin de concorder avec le contexte actuel. Principaux griefs portés à l'encontre des partis politiques, leur absence de proximité avec les citoyens et la faible représentativité des jeunes, en plus d'une communication politique de la vieille école. Si parmi les jeunes, beaucoup ont évoqué au cours des discussions «des efforts plus positifs des partis au niveau national après les élections», d'autres continuent à faire preuve de scepticisme au sujet de la sincérité des partis, leur ouverture aux jeunes ainsi que leur volonté d'adopter des approches participatives. Compte tenu des enjeux, les participants aux «Focus group», tant en milieu rural qu'urbain, ont exprimé le sentiment que «la participation électorale va s'évaporer si les électeurs ne mesurent pas l'effort réel des partis politiques pour de nouvelles approches». C'est en ce sens, d'ailleurs, que le Parti pour la justice et le développement (PJD), actuellement au pouvoir, s'adjuge la plus grande sympathie auprès du jeune public. Sa proximité de la population et son langage franc et direct ont été parmi les éléments les plus mis en évidence par les jeunes. Un fait qui illustre bien la portée de la communication politique en la matière. D'ailleurs, chez la plupart des jeunes, le gouvernement, c'est le PJD. C'est en tout cas le parti le plus visible de la coalition gouvernementale même si les jeunes sont conscients de la présence et du rôle de l'opposition politique. Un rôle qu'ils veulent voir plus clarifié sur la base de «véritables débats idéologiques et de prises de position assumées autour des questions d'intérêt national». La présence de nouveaux visages au sein du nouveau gouvernement a également eu un impact sur l'audience du PJD chez les jeunes, surtout en milieu urbain. Pour les ruraux, c'est plus la référence islamique du parti de la lampe qui semble constituer l'atout majeur. Ce qui ne constitue point un sauf-conduit pour le parti de Benkirane, désormais au pouvoir. De l'orientation qu'il donnera à ses actions dépend, largement, le maintien de ce capital sympathie qui peut se transformer en véritable vivier électoral que guettent aussi les autres formations politiques. Les jeunes n'ont eu de cesse de le rappeler, «ils attendent de voir pour décider». Les vielles méthodes à la poubelle En matière de communication politique, les partis politiques ont apparemment beaucoup à faire. La preuve, la majorité des jeunes méconnaissent certains partis et parfois même ceux considérés comme grands, c'est-à-dire représentés au Parlement. Plus de concurrence entre les idées, des promesses électorales réalistes et une proximité avec les citoyens, qui sont de potentiels électeurs sont autant d'invitations des jeunes à l'adresse des partis. Les jeunes qui se disent prêts à voter «s'ils constatent un changement d'approche» et ont, par la même occasion, encouragé les partis à maintenir la communication en dehors des périodes de campagne, à ouvrir et maintenir des bureaux régionaux et locaux et à s'engager dans une sensibilisation directe des électeurs, en utilisant un langage plus simpliste». Pour tout dire, jeter les vieilles méthodes à la poubelle comme les papiers et «flyers» qui inondent les rues lors des périodes électorales sans vraiment intéresser les électeurs. Modus operandi L'enquête que vient de mener le NDI a été effectuée durant la période allant du 15 avril au 6 mars dernier, soit moins de quatre mois après les législatives anticipées du 25 novembre et la formation du cabinet Benkirane. À cet effet, le NDI a organisé 18 groupes de discussion au niveau de 9 centres à travers le pays, dont 5 centres urbains (Agadir, Meknès, Marrakech, Oujda, Tiznit) et 4 centres ruraux au niveau des zones périphériques de Beni Mellal, El Jadida, Errachidia, et Ouazzane. Pour chaque site, les discussions se sont déroulées avec des citoyens des deux sexes dont l'âge est compris entre 18 et 25 ans et justifiant au minimum d'un diplôme d'études secondaires. Pour les experts du NDI, les résultats de l'enquête ont mis en évidence «une population jeune qui considère les élections comme une étape majeure en termes de transparence et qui reste optimiste sur les perspectives du pays avec le PJD à la tête du gouvernement et en dépit de l'immensité de la tâche». Selon l'institut américain, l'objectif de ce travail est de «fournir aux dirigeants politiques, en temps opportun, les informations sur les préoccupations des jeunes, ainsi que les attitudes de la population à l'égard de l'action politique, principalement gouvernementale». Il s'agit d'ailleurs de la 2e étude du genre après celle menée par le NDI en juillet 2011, à la suite du referendum constitutionnel. Présent au Maroc depuis plusieurs années, le NDI dont le siège se trouve à Washington D.C aux USA, est un des plus grands instituts aumonde, reconnu pour son expertise en matière de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance. Présent dans plus de 120 pays dans le monde, le NDI participe depuis 2007 à l'observation, en amont et en aval, des élections au Maroc en plus des sessions de formation et des programmes de renforcement de capacité des acteurs politiques et associatifs, ainsi que des élus locaux.