Presque une semaine après sa nomination au poste de Chef du gouvernement, les choses se précisent et se corsent pour le secrétaire général du PJD. Abdelilah Benkirane, qui a entamé depuis lors les consultations pour la formation de son cabinet, multiplie les contacts avec plusieurs partis politiques sans avoir jusque-là une réelle visibilité et un timing précis quant à l'évolution du processus qui dépend largement des réponses que délivreront les formations approchées. C'est en tout cas ce qu'a laissé entendre le nouveau Chef de gouvernement, samedi dernier sur le plateau de la première chaîne nationale. Cette première sortie «télévisée» pour Benkirane à la tête du gouvernement est destinée davantage à rassurer l'opinion publique et à faire le point sur les négociations en cours, qu'à décliner véritablement sa feuille de route qu'attendaient les citoyens, avant de voir le PJD à l'oeuvre. L'exercice s'est, d'ailleurs, révélé un peu compliqué pour Benkirane, en dépit de l'effort perceptible de faire bonne impression et d'envoyer un signal fort, celui d'un chef de gouvernement qui, sans se départir de ses engagements électoraux, prend conscience des multiples sacrifices qu'exige l'exercice du pouvoir. C'est ce qui a amené le PJD, chef de file de la coalition gouvernementale en construction, à revoir son positionnement, au risque de revenir sur certaines annonces autour desquelles le Parti avait construit sa campagne électorale. Concessions Si, dans sa quête d'alliés politiques pour une coalition gouvernementale forte et homogène, le chef de gouvernement a privilégié la Koutla démocratique, pour le moment, seul le parti de l'Istiqlal avec qui ont été entamés les négociations semble acquis sur le principe. Du côté de deux autres partis de la vieille alliance, c'est encore l'heure des incertitudes, même si le PPS de Mohamed Nabil Benabdellah affichait une réelle intention de faire bloc avec le parti de la lampe. Pour le cas de l'USFP, la récente rencontre de son secrétaire général, Abdelouahed Radi avec le chef de gouvernement s'est avérée vaine. Les socialistes ont décidé de tenter l'expérience de l'opposition, à l'issue de la réunion du comité central du parti qui s'est réuni hier dimanche. Ce scénario va compliquer encore plus la tâche à Benkirane, qui envisage déjà des solutions de secours. Dans le viseur du chef de gouvernement, il y a le Mouvement populaire de Mohand Laenser, avec qui des «contacts ont été établis», selon un dirigeant du parti et une rencontre programmée pour le début de cette semaine. L'Union constitutionnelle de Mohamed Abied est également sur la liste des partis à approcher en cas de besoin, comme l'a confirmé Benkirane, qui risque encore d'élargir ses horizons. En effet, les enjeux, à ce niveau sont assez importants, comme le reconnaît un responsable du parti de la lampe, qui a confié que le principal objectif est d'aboutir à un gouvernement homogène et surtout uni autour de la déclaration de politique générale qui sera faite devant le Parlement. «Plus que le vote de confiance, le nouveau gouvernement doit être fort», ajoute notre source. Cela se justifie, en effet, car l'opposition parlementaire risque de compliquer la gestion des affaires par le cabinet Benkirane, qui doit donc impérativement constituer une majorité solide. Cela pousse le leader du PJD à envisager des concessions, pour tenir compte des exigences de ses futurs alliés. Sur la composition du prochain gouvernement, par exemple, Benkirane a affirmé que la formation d'un gouvernement restreint qu'avait voulu son parti, dans l'objectif d'asseoir une meilleure gouvernance, «s'avérera difficile», avant d'ajouter, que «la tendance actuelle converge vers la constitution d'un gouvernement avec 25 portefeuilles». De même, le parti de la lampe est revenu sur l'idée d'un cabinet «entièrement jeune et rénové» et selon son leader, le prochain gouvernement se composera d'éléments majoritairement nouveaux, certes, mais avec une touche d'anciens responsables. «Tout dépend des propositions que nous feront nos alliés», a souligné le chef du gouvernement qui a, néanmoins insisté sur le fait que la présence féminine sera prise en compte dans la formation du nouveau gouvernement. Ces concessions risquent de fragiliser le parti, dont les engagements électoraux restent encore vivaces dans l'esprit des Marocains et l'opposition ne manquera pas de le relever, à la première occasion. Du côté des responsables du parti toutefois, on ne s'inquiète pas outre mesure. «L'objectif du parti n'est pas de gouverner seul, mais de trouver une formule qui permettra au gouvernement de mener à bien ses deux priorités : la pleine application de la nouvelle Constitution et la poursuite des chantiers urgents sur le plan socioéconomique», fait remarquer un membre de la direction du PJD. Cette large ouverture sera traduite en nouveaux engagements clairs dans la déclaration de politique générale qui sera élaboré sur la base du programme commun de la coalition comme l'a annoncé Benkirane et dans laquelle sera certainement noyé celui de son parti.