Le gouvernement Benkirane est-il sur la bonne lancée ? C'est, à l'évidence et en substance la perception que se font une large partie des jeunes Marocains, selon les conclusions d'une enquête que vient de publier le National Democratic Institute (NDI), au terme d'un travail de recherche et de sondage conduit en mars et avril derniers. Près de 6 mois, en effet, après l'avènement du gouvernement mené par le PJD, un peu plus de 7 mois après les élections législatives du 25 novembre et un an après l'adoption d'une nouvelle Constitution au Maroc, c'est l'optimisme qui règne chez les jeunes Marocains, à condition toutefois que la dynamique soit maintenue et les promesses électorales concrétisées. À première vue, pour les jeunes, le délai de grâce reste encore en vigueur, comme en témoignent les dires d'une jeune femme d'Oujda pour qui, «il est un peu tôt pour juger l'action du nouveau gouvernement, nous avons besoin encore de plus de temps». L'avis est partagé par un autre jeune homme de Béni Mellal, plus réaliste, qui s'appuie sur le lourd héritage des gouvernements pour justifier sa prudence, «le gouvernement actuel n'a pas de baguette magique et au vu de ce que le gouvernement passé a laissé, on ne peut pas être trop optimiste, nous devons plutôt laisser l'actuel gouvernement travailler». Dans l'ensemble, donc, les jeunes Marocains qui constituent une frange importante de la population, s'accordent à donner plus de temps au gouvernement en exercice, tablant sur ses promesses électorales et sa légitimité populaire, pour espérer un véritable changement pour le Maroc. Cela revient à conforter les conclusions de l'enquête du NDI, l'une des premières qui rende compte du bilan d'étape de la coalition gouvernementale et de l'élan pris par la démocratie marocaine au sortir des évènements politiques qui ont marqué la région ces dernières années. Les bonnes notes Plus qu'une bonne note pour le gouvernement, la perception des jeunes de l'action gouvernementale comporte des messages assez clairs pour la classe politique nationale. Alors que l'action politique est à la recherche de son renouveau, les conclusions de l'enquête du NDI constituent un véritable lexique condensé des attentes des jeunes Marocains. Cela constitue des pistes assez intéressantes à l'adresse des partis politiques, de la majorité comme du gouvernement, surtout en perspective des prochaines élections locales et régionales de 2013. S'agissant des priorités pour les jeunes, l'étude n'apporte rien de nouveau, puisqu'elle confirme ce qui est, dorénavant, une «vérité collective». Il s'agit de la question de l'emploi, de l'éducation et de l'élimination de la corruption. Pour les jeunes toutefois, ce sont sur les moyens pour parvenir à prendre en charge ces défis que le gouvernement a le plus intérêt à se concentrer. C'est d'ailleurs à ce sujet que se situe la plus grande divergence exprimée par les jeunes, selon les résultats des discussions menées au cours de l'enquête. Si en matière de résolution de la problématique de l'emploi, le gouvernement n'a encore rien fait, sur la lutte contre la corruption, les premières actions menées constituent un signal positif, dans le sens de la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance au Maroc. Peut mieux faire Citant des cas d'affaires judiciaires ou des exemples concrets de procès pour corruption rapportés par la presse nationale et qui concernent d'anciens responsables de l'administration appelés à rendre compte, les jeunes font remarquer qu'il s'agit là de preuves palpables que la lutte contre la corruption est sur la bonne voie. C'est ce qu'entérine d'ailleurs pour eux la divulgation d'informations publiques qui constituent un gage de transparence. Il s'agit là d'un justificatif mieux argumenté que la dernière sortie au sein du Parlement du chef du gouvernement, Abdelillah Benkirane, qui a eu du mal à convaincre l'opinion des efforts de son gouvernement dans ce sens. C'est aussi là que se situent les germes d'un certain pessimisme pour les jeunes, qui regrettent le fait que les actions entamées soient aussitôt freinées. Pour beaucoup de jeunes, le gouvernement a intérêt à adopter de nouvelles approches en matière de gouvernance, seule alternative pour atteindre des résultats positifs, même si pour certains sceptiques, «la corruption et le favoritisme sont tellement institutionnalisés, qu'aucun gouvernement ne pourra guérir le Maroc de ces maux». Ce pessimisme vire presque à la fatalité et constitue chez les jeunes un réel motif d'inquiétude. Le gouvernement Benkirane est, en tout cas averti. Les jeunes lui concèdent pour le moment le bénéfice de doute. C'est un avantage, quand on sait que pour la plupart d'entre eux, c'est la virginité politique du PJD et ses promesses électorales qui lui valent la sympathie des jeunes. Pour les jeunes, il est temps de passer à l'action, pour permettre aux citoyens de juger sur des actes. À ce niveau, la remarque vaut pour tous les partis, et partant de là, les hommes politiques. De l'avis de plusieurs jeunes qui n'ont pas encore voté et qui s'intéressent peu à la politique, les choses vont bientôt changer. Selon les réponses des jeunes recueillies par l'enquête, ils seront nombreux pour les prochaines élections à vouloir voter, car «ils sont de plus en plus conscients que c'est par les citoyens que se fera le changement». Ce sera toujours cela de gagné, mais cette fois, pour le Maroc dans son ensemble. Paroles de jeunes (Extraits de l'étude) «Je pense que nous avons besoin de plus de temps pour voir le changement. Il viendra par étapes» (Un jeune homme d'Agadir) «Je n'ai aucune idée sur les autres partis de la coalition, sauf pour ce parti politique que nous voyons dans les médias et dans les journaux. Nous reconnaissons qu'un parti politique est à la tête du gouvernement, le PJD, mais nous n'avons aucune idée concernant les autres partis du gouvernement». (Une jeune fille de Ouezzane) «L'opposition devrait dévoiler les erreurs commises par le gouvernement et travailler avec lui pour le bien commun. Je pense que l'opposition au Maroc est stérile et ne s'oppose que pour le plaisir de s'opposer». (Un jeune homme d'Oujda) «Les dirigeants du PJD savent comment parler aux gens, en disant qu'ils vont essayer de changer ceci et cela, contrairement aux gouvernements précédents qui prétendaient changer la situation, mais rien n'a jamais changé». (Une femme d'El Jadida) «Je ne vois encore aucun changement. Nous voyons à la télévision que le parti est au travail, cependant, je ne constate aucune modification de la situation. Ils n'ont rien fait jusqu'à présent. Les routes non pavées demeurent, certains villages n'ont toujours pas d'eau ni d'électricité et la pauvreté et le chômage sont toujours là». (Une jeune femme de Ouezzane) «Les partis politiques sont là pour changer les choses. Les gens sont maintenant conscients de leurs droits et les partis politiques sont sous pression pour y répondre». (Un jeune homme d'Oujda)