À quoi joue-t-on au Parlement ? Si depuis quelques mois la flamme a été ravivée sous la coupole, il faut dire qu'elle a dégénéré jusqu'à une situation où les parlementaires font feu de tout bois. Ripostes, «batailles verbales»... et plus récemment encore, accusations, caractérisent en effet le déroulement des séances. C'est que celles-ci sont imprégnées d'une forte dose politique. Résultat: Une séance non tenue et une autre levée au sein de la 2e Chambre, alors qu'au sein des représentants le retrait du groupe du RNI, en début de semaine, a été le fait le plus marquant. Une série de réglements de comptes et de jeux «médiatico-politiques» déployés par les différentes formations politiques. Dans quel but ? De l'avis de nombreux observateurs, il ne faut pas chercher bien loin pour savoir que le timing est crucial dans la cacophonie qui règne au Parlement depuis l'entrée en jeu du nouveau gouvernement. Des échéances électorales s'esquissent à l'horizon et font que chaque parti, qu'il soit de la majorité ou de l'opposition, tente de placer ses pions en position stratégique. Une tactique bien calculée si l'on prend aussi en compte le fait que l'annonce, faite récemment par le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, selon laquelle le renouvellement de la deuxième chambre ne sera possible qu'à partir de juin 2013. Ce qui donne une année encore de campagne à ces politiciens ! J'accuse... Dans ce contexte, faut-il s'attendre, tout au long de cette année qui nous sépare des prochaines élections, à ce que le climat demeure aussi «empoisonné» ? Cela d'autant que chacune des situations relevées depuis quelques mois dégénère par rapport à sa précédente. En début de semaine le débordement qui a eu lieu durant les travaux de la chambre des représentants est encore dans vif dans les esprits. Cette situation a même fait l'actualité durant la semaine. C'est en effet le PJD qui a allumé la mèche de cette affaire lorsque le député Abdelaziz Aftati a formulé des accusations graves à l'égard du leader du RNI, Salaheddine Mezouar. Le retrait du principal parti formant l'opposition a été la sanction suprême envisagée par le parti de la colombe, pour afficher sa désapprobation à l'égard de la tournure que prenait le débat parmi les députés. Notons que le torchon avait déjà commencé à brûler entre les deux formations depuis l'épisode de l'usage de l'amazighe en plénière. L'effet cascade ne s'est pas fait trop attendre au sein de la Chambre des conseillers, où la présence des partis de l'opposition est plus pesante. Mardi, c'était au tour de Mohamed Daidia, le président du groupe syndical d'accuser ouvertement le PJD de vouloir «s'accaparer la vertu et faire figure de mains propres dans l'action politique», des propos ayant ouvert un débat musclé avec Lahcen Daoudi, qui a accusé les partis de l'opposition carrément de «mensonge» au peuple, après la hausse des prix des hydrocarbures. Des couacs qui s'enchaînent et où la surenchère se fait exponentielle notamment depuis la sortie médiatique de Abdelilah Benkirane. Cela étant, le pire est encore à venir pour le rendement des deux Chambres qui n'arrivent pas encore à installer cette harmonie prônée par la Constitution. Tant que cela ne sera pas le cas, le bicaméralisme se risque de se solder par un échec à l'issue de l'actuelle session et fermer la voie à cette brise de dynamisme et d'efficience tant mise en avant au départ de cette session de printemps. L'effet Ghellab... Le président de la Chambre des représentants aura la lourde tâche de renverser la tendance et de rappeler l'ensemble des formations politiques à l'ordre. Trouver le juste milieu entre les demandes de la majorité parlementaire qu'il préside au sein de la 1re Chambre et les droits de l'oppositionqui ont aujourd'hui des lignes rouges à ne pas franchir ne s'avère pas une tâche aisée pour Ghellab. Le nouveau règlement intérieur qui a touché plusieurs niveaux de l'action des députés, que ce soit au niveau des commissions, de leur droit d'information sur les projets de lois proposés par le gouvernement ou en matière de participation effective aux travaux, a montré des limites certaines. Les correctifs apportés à l'action des membres de l'hémicycle n'ont pas eu l'impact escompté pour le renforcement de l'information des députés en l'absence de résultats tangibles pour la commission qui a été mise en place pour l'harmonisation des règlements intérieurs des deux Chambres. Dixit... Nous aurons une autre occasion pour en découdre avec le chef de gouvernement à l'occasion de la prochaine visite. Ce qui s'est passé se résume seulement en un désaccord entre majorité et opposition. Abdelmalik Feryate, Président du groupe syndical fédéral Les deux Chambres appartiennent aux Marocains et pas aux députés. Il faudra tourner vite cette page pour être dans l'esprit de la réforme et des attentes des citoyens. Abdellatif Ouammou, Président de l'Alliance socialiste. Nous avons vécu un cas jamais rencontré auparavant. Nous avons clairement dit que la rentrée dans ce cycle est intolérable. Nous demandons au RNI d'être compréhensif et de reprendre la participation aux travaux parlementaires. Mohamed Moubdi, Président du groupe du MP. Le gouvernement procède à la réforme de manière non démocratique. Le président du gouvernement a mobilisé les chaînes publiques pour donner un discours et nous nous demandons si l'opposition aura le même droit d'accès aux médias publics. Ahmed Zaidi, Président du groupe socialiste. Nous sommes sortis du cadre du dialogue franc pour tomber directement dans la diffamation. Nous annonçons notre retrait afin qu'un vrai débat soit initié au sein du Parlement et pour ne pas sombrer dans les accusations mutuelles. Chafik Rachadi, Président du groupe du RNI. Nous devons tous assumer nos responsabilités pour hausser le rendement de cette instance. Ce qui est déplorable, c'est qu'après l'accord trouvé pour reprendre les travaux, il y a eu désistement, ce qui a causé la paralysie qui a été constatée. Noureddine Médiane, Président du groupe de l'Istiqlal.