Fouad Bellamine n'est plus à présenter. Sa carrière artistique est l'une des plus abouties au Maroc et ailleurs. Si sa signature a fait le tour du monde, ce n'est pas pour rien. Style dépouillé, minimalisme chromatique et signes sous-jacents... les toiles de Bellamine sont reconnaissables à leur simplicité paradoxalement compliquée. Il était temps ! Après une longue absence, le peintre expose à nouveau dans une galerie marchande, L'Atelier 21, jusqu'au 16 janvier 2010. Il a fallu 15 ans pour réconcilier l'artiste avec les galeristes marocains. «Après les galeries pionnières qui œuvraient pour la promotion des arts plastiques au Maroc, nous avons vu en naître de nouvelles, à vocation purement commerciale. Ces dernières ne fournissaient aucun effort de fond pour soutenir et promouvoir les artistes. J'ai décidé alors de ne plus dialoguer avec ces gens-là», nous explique-t-il à propos des motivations de cette longue rupture. La réconciliation, Bellamine l'explique par les efforts considérables déployés par la nouvelle génération de galeries s'ouvrant sans complexes sur le marché international. Une aubaine pour les amateurs et les fans de l'artiste ! Ils vont pouvoir découvrir ses travaux récents, mais surtout sa nouvelle tendance «contemporaine». N'aimant guère cette épithète, l'artiste s'en défend énergiquement. «C'est tout simplement l'expression de ma volonté permanente de me remettre en question. Dans ma démarche créative, j'ai toujours besoin de dialoguer avec de nouveaux médiums», nous indique Bellamine. Des propos confirmés par l'évolution perpétuelle qui a marqué son œuvre depuis ses premiers coups de pinceau. Au début, le jeune Bellamine aimait à appeler son art «paysagisme abstrait». Profondément imprégné par l'architecture labyrinthique de son Fès natal, il laisse exprimer pendant un certain temps sa fascination pour «la muralité». Ses œuvres changent aussitôt d'aspect pour laisser voir la période des «arches» qui dure de 1983 à 1987 et qui sera suivie par celle des «niches» (1987). «Les tables des dieux» font leur avènement en 1990 et annoncent la période de l'abstraction architecturale, chère au cœur d'un Bellamine friand de l'éternel contraste visible/ invisible. Maniant son art avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence, il réussit à suggérer, à évoquer et à insinuer sans toutefois tout dévoiler. Une égérie nommée marabout Devinette artistique ou art deviné ? Bellamine sait doser et livrer juste le nécessaire pour maintenir cette délicieuse curiosité qui fait la beauté de l'art... La période des marabouts commence en 1998, en s'inscrivant dans la continuité d'une identité picturale désormais reconnaissable. «Plus qu'une image, la figure du marabout est un signe pour moi», tranche l'artiste. Aujourd'hui, les marabouts de Bellamine invitent la photographie pour leur redonner vie. «Intégrer la photographie dans mes nouveaux travaux est ma façon de les dynamiser. C'est ma façon de dire que la peinture n'est pas morte !», résume le peintre. En triptyque, en arrière plan ou peinte, la photo prend les allures d'une recréation, une renaissance figurative. La touche abstraite vient avec l'intervention artistique de Bellamine. Malgré les apparences, la simplicité n'est pas la tasse de thé de cet artiste. Photographie et peinture se marient, s'embrassent et se confondent pour révéler un œuvre en pleine mutation. «Mon intervention de peintre les dote d'un statut troublant, incertain et les place dans une espèce de no man's land artistique et intemporel : ni photographie pure, ni peinture pure. L'œuvre acquiert ainsi une nouvelle identité en adéquation avec mon travail», analyse l'artiste. Créer un dialogue à l'extérieur et à l'intérieur même d'une œuvre... Fouad Bellamine semble le réussir. Quoi de plus réconfortant pour un artiste que de provoquer son spectateur ? Le pousser à essayer de percer cette couche première pour percevoir toute l'âme qui tressaillit au fond de la toile ? Une œuvre saisissante Le minimalisme chromatique dont fait preuve l'œuvre de Bellamine n'a rien de simpliste. Au contraire, en y plongeant le regard, une matière complexe s'y révèle dans toute sa splendeur, tout en portant tour à tour les couleurs sobres. Celles de la terre, du sable, de la chaux. Un vert pâle s'y invite fortuitement pour révéler cette aura lumineuse si particulière. Les marabouts de Bellamine, ses cimetières et ses vues... tous témoignent d'une certaine spiritualité que l'absence de couleurs (flamboyantes) exalte et confirme. Ce grand désir de Bellamine de suggérer, de voiler et de dévoiler s'en trouve ainsi plus qu'assouvi. À redécouvrir ! hayat kamal idrissi Bio express Fouad Bellamine est né en 1950 à Fès. Après ses études secondaires, il quitte sa ville natale en 1967 pour l'Ecole des Arts appliqués de Casablanca. Il expose pour la première fois en 1972 à la galerie «la Découverte» à Rabat. La même année, il intègre l'enseignement en qualité de professeur d'arts plastiques avant de poursuivre sa formation par un diplôme d'études appliquées en histoire et théorie de l'art à l'Université de la Sorbonne, Paris VIII. Bellamine est l'un des premiers peintres «installationnistes» au Maroc. Cependant, la peinture est sa passion. Sa première exposition à Paris en 1980 est saluée par les critiques d'art. Fouad Bellamine s'installe à Paris où il résidera une dizaine d'années. De retour au Maroc, en 1990, il enseigne «L'histoire de l'art et l'expression plastique» au Centre pédagogique régional de Rabat et continue son parcours de peintre. Actuellement, Fouad Bellamine vit et travaille entre Paris et Rabat.