La visite du président du gouvernement local des Iles Canaries au Maroc a titillé le pouvoir central espagnol. À peine rentré de ce déplacement de deux jours, Paulino Rivero a eu droit à toutes les critiques de la part des responsables du parti au pouvoir ainsi que de certains membres du gouvernement de Rajoy. Le sous-secrétaire du ministère de l'Industrie et de l'énergie a accusé Rivero d'avoir commis «un grave acte de déloyauté» à l'encontre du gouvernement central en se rendant au Maroc et en affichant une position distincte de celle adoptée par l'Exécutif espagnol à l'égard de l'affaire des prospections pétrolières au large des côtes canariennes. Une chose est sûre, la visite a levé le voile sur le malaise qui règne entre les dirigeants des Iles Canaries et le pouvoir central à propos de ce projet controversé. De même, l'attaque de ce responsable révèle les inquiétudes de son gouvernement concernant le rapprochement entre les Iles Canaries et le Maroc. En effet, le ministère de l'Industrie et de l'énergie a mal digéré les propos tenus par le responsable espagnol devant les officiels marocains. On reproche au président canarien d'avoir proféré des menaces à l'encontre du gouvernement de Rajoy et d'adopter, en revanche, un profil bas auprès du Maroc, en ne demandant que des garanties sur la préservation de l'environnement en cas de découverte de gisements par le Maroc. Cela a poussé le sous-secrétaire à qualifier la démarche de Rivero de «dérive», pour reprendre les termes du bras droit du ministre de l'Industrie. Cependant, il n'y a pas que le dossier du pétrole qui taraude les esprits contestataires. Madrid reproche au leader nationaliste canarien de faire, outrageusement la cour à Rabat afin de «solutionner les problèmes des Iles Canaries», en référence aux efforts du président canarien de décrocher des contrats juteux pour les entreprises canariennes, qui convoitent le marché marocain. Le comble, qui a sorti Madrid de ses gonds, a été l'annonce de la création d'une commission mixte maroco-canarienne, un fait considéré comme une intrusion de la part du président canarien dans les affaires étrangères espagnoles. À ce propos, les avis ont fusé sur l'aspect légal de cette instance, créée entre un Etat et une région autonome. De leur part, les populaires canariens n'ont pas raté l'occasion pour clouer au pilori ce dirigeant, qui met en colère l'équipe gouvernementale de Rajoy. Le secrétaire général des populaires canariens, Manuel Fernandez, a souligné que le Maroc était un concurrent direct des intérêts des Iles Canaries, estimant à cette occasion que les vrais problèmes qu'aurait dû soulever le président canarien avec les autorités marocaines sont la pêche et la tomate. Les cadres du parti populaire canarien comptent donner forme à leur contrariété, à travers une demande de comparution du président devant le Parlement local, afin que celui-ci offre des explications sur ce voyage tant médiatisé. Lundi, la déléguée du gouvernement des Iles a voulu mettre fin à cette déferlante de réactions indignées, en assurant que la visite officielle s'inscrivait dans le cadre des relations bilatérales entre l'Espagne et le Maroc, vu qu'elle était supervisée par le ministère des Affaires étrangères. La preuve en est la participation de l'ambassade de l'Espagne à Rabat à la mise en place du programme de ce déplacement. Cette révélation toutefois n'apaise guère les tensions.