Dans de précédentes éditions, Al Bayane avait signalé que la délimitation des espaces maritimes aussi bien en Méditerranée que dans l'océan atlantique dans la zone séparant le Sahara et l'archipel des Iles Canaries font partie des problèmes insolubles dans les relations entre le Maroc et l'Espagne. La réalité vient de le confirmer après que le conseil des ministres espagnol eut approuvé un décret royal, il y a une dizaine de jours, accordant à la compagnie Repsol YPF des permis d'explorations d'hydrocarbures dans la zone médiane entre les provinces marocaines du Sud et les îles canariennes de Fuerteventura et Lanzarote. Outre la réaction officielle du Maroc, exprimée à Madrid lors d'une visite officielle du ministre d'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Abdelkader Amara, d'autres secteurs, cette fois espagnols, se sont élevés contre la décision du gouvernement espagnol. La plupart des sources espagnoles auxquelles a eu accès Al Bayane soutiennent qu'il est du droit du Maroc d'entreprendre des recherches off shore dans la zone se trouvant au large du Sahara. Celles-ci se sont, en même temps, démarquées de l'attitude de Madrid, à tel point que le gouvernement régional des Canaries, partis régionalistes et écologistes se sont rangés du côté de la raison pour persuader les autorités espagnoles de revenir sur leur décision. Des réactions ont fusé de toute part et la vice-présidente et porte-parole du gouvernement a dû se déployer activement, durant une conférence de presse vendredi dernier, et expliquer les rasions qui justifient l'octroi de permis d'explorations pétrolières à Repsol YPF. Elle a été dans la défensive pour soutenir une décision gouvernementale qui risque de raviver le volcan endormi des tensions entre Madrid et Rabat. Les positions du Maroc sont très claires et furent proclamées en 2001 et 2002 par voie diplomatique et de presse pour mettre en garde contre toute tentative unilatérale de la part de Madrid dans l'exploitation de l'espace sous-marin entre le Sahara et les Iles Canaries. Aujourd'hui, ce sont des milieux espagnols qui donnent raison au royaume et invitent le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy à adopter une position prudente dans le traitement des questions délicates dans les relations maroco-espagnoles. Que disent les adversaires des permis d'explorations d'hydrocarbures octroyés par le gouvernement de Madrid ? D'abord, le président du gouvernement canarien, Paulino Rivero, a signalé dans diverses déclarations institutionnelles et aux médias, que le ministre espagnol d'Industrie, de commerce et de tourisme, José Manuel Soria, avait «placé dans une situation très délicate» les Iles Canaries et l'Espagne face au Maroc en autorisant les explorations au large des Iles de Lanzarote et Fuerteventura. Il n'a pas écarté à cause de cette mesure d'éventuelles répercussions sur les relations entre les deux pays. «C'est une décision très grave» que le gouvernement de Madrid a prise, a-t-il ajouté, signalant que le Maroc vient de réagir de manière claire, faisant allusion à la déclaration du ministre Amara à Madrid qui avait, entre autres, invité à la recherche d'un consensus entre les deux Etats et estimé que dans le cas contraire , «il ne sera pas un bon commencement». Le président canarien a d'autre part précisé que les gisements à exploiter des deux côtés de la médiane séparant le Sahara et les Iles Canaries ne sont pas similaires. Les zones qui font objet de prospections du côté marocain se trouvent entre 50 et 100 mètres de profondeur de sa plateforme continentale alors que les autorisations accordées à Repsol portent sur des profondeurs allant de 500 à 1.500 mètres mais les perforations devront aller à deux kilomètres pour extraire du pétrole. Selon lui, le ministre Soria avait d'autre part « manipulé la vérité » concernant les perspectives d'emploi et les bénéfices à récolter de ce projet. Le gouvernement canarien, «veut uniquement défendre les intérêts des canariens alors que celui de l'Espagne ceux d'une entreprise privée», a signalé Rivero. Dans un communiqué, le parti nationaliste de centre-gauche “Nueva Canarias”, a invité le gouvernement espagnol à prendre au sérieux les mises en garde qui lui ont été adressées par le Maroc concernant ces explorations. Ce qui est certain, a dit le parti politique régionaliste canarien, est que « la décision que Madrid a prise est précipitée et opportuniste » dans la mesure où le problème de la médiane entre l'Espagne et le Maroc n'a pas été encore résolu. C'est aussi une décision qui a «ravivé un vieux contentieux avec le Maroc, lequel considère siennes les eaux où Repsol compte entreprendre les prospections». D'autant plus, a ajouté la même source, la résolution de cette question déterminera les compétences de chaque partie sur les eaux et apportera la stabilité dans la zone. L'attitude de Nueva Canarias est suffisante pour rétablir la vérité sur les revendications du Maroc quant à la réelle délimitation de l'espace maritime dans la zone Dans un éditorial qui verse dans le même sens, le journal numérique Eldia.es observe, en ce qui concerne les prospections pétrolières dans les eaux atlantiques, que les autorités marocaines avaient maintenu le silence dans l'attente d'aboutir à une solution consensuelle. A présent, le Maroc «a dit ouvertement ce qu'il pense : pas d'autorisations de prospections dans cette zone sans son permis ». Ceci signifie, relève la même source, que le gouvernement de Rabat « est dans son plein droit d'agir dans sa propre zone puisque ni l'Espagne, ni l'Europe ni aucun autre pays du monde ne peut intervenir parce que nous sommes (les canariens) dans ses terres et dans sa zone économique exclusive». L'éditorialiste rappelle que les canariens «sommes en réalité africains et l'archipel est riverain du Maroc. (…) et nous sommes dans les eaux maghrébines. C'est la raison pour laquelle le gouvernement marocain a fait part à Rajoy de la proposition d'une concentration quant aux prospections dans les eaux canariennes qui sont, nous le répétons, des eaux marocaines», soutient l'éditorialiste. La vice-présidente du gouvernement, Soroya Saenz de Santamaria, a pour sa part, assuré dans un ton modéré que les prospections pétrolières que vont se réaliser dans cette zone ont pour objectif d'extraire des hydrocarbures « dans le même gisement » où va agir le Maroc dans ses eaux juridictionnelles. Dans ce contexte, elle a indiqué que « le gouvernement de Madrid a usé de ses facultés et compétences » en adoptant des décisions. Elle s'est toutefois montrée prudente dans le sens d'éviter une nouvelle dynamique de confrontation avec le Maroc. Elle a cependant réitéré la position du gouvernement espagnol d'écarter toute sorte de concertation sur les permis d'explorations accordés à Repsol, comme l'avait signalé le ministre Amara lors de son déplacement la semaine dernière à Madrid. La médiane est une question de longue histoire qui ne peut être résolue du jour au lendemain, a reconnu la vice-presidente du gouvernement espagnol avant de rappeler que la décision d'autoriser ces prospections dans la zone est «ferme». Encore une fois, les gouvernements de Rabat et Madrid sont confrontés à l'éternelle réalité des contentieux en suspens. Désormais, ils sont appelés à les aborder avec pragmatisme en vue de sauvegarder les excellents rapports entre les peuples marocain et espagnol.