Pourquoi à votre avis, plus de la moitié des Marocains ne sont pas encore bancarisés? Si vous pensez que le premier point de blocage est la classique réponse «par manque de confiance» dans le système bancaire, détrompez vous. Dans son enquête réalisée sur un échantillon très représentatif, le cabinet Exton Consulting, nous a dévoilé, en exclusivité, que cet argument arrivait en ... 6ème position. La bonne réponse est «Nous ne sommes pas bancarisé car nous n'avons pas besoin de la banque» ! Et ce sont 68% des personnes sondées qui le déclarent. «Les non-bancarisés déclarent ne pas avoir de compte bancaire, non pas par réticence au système bancaire, mais plutôt par absence d'utilité», précisent les auteurs de l'étude. Une révélation qui remet en question tous les principes de banque de proximité, de diversification... sur lesquels le secteur bancaire national a bâti sa stratégie de développement. En d'autres termes, même si les établissements bancaires se sont déjà lancés dans le Low Income Banking, par exemple, afin de séduire plus de non-bancarisés, leurs offres ne répondent toujours pas aux besoins de cette cible. D'où, la nécessité pour les banques de revoir leur politique commerciale, en ciblant avec précision les besoins des bancarisables via notamment la conception de nouveaux produits, et même au-delà, en «créant le besoin» chez cette population. Des relations peu développées La proposition de produits d'épargne plus lucratifs que ceux offerts à ce jour, constituerait, en effet, une solution pour faire rallier ces populations au système bancaire. Ceci serait d'autant plus pertinent que 73% de Marocains préfèrent thésauriser leurs revenus à domicile plutôt que de les mettre sur un compte bancaire, expliquent les consultants d'Exton. Cette problématique d'adaptabilité des produits bancaires aux besoins du marché marocain est relevée, même au niveau des populations bancarisées. Selon les résultats de l'étude, il s'avère que les relations entre la cible et les banques se limitent encore à des opérations basiques. Malgré l'existence de produits et de services variés en nombre, les opérations bancaires restent aujourd'hui limitées à la banque au quotidien, constate le cabinet. Consultation de solde, retrait d'espèce et recherche d'information ne sont ainsi que les principaux points de relation entre une banque et ses clients. Par ailleurs, le cabinet de consulting relève, dans son analyse, que le manque de ressources financières est également un facteur clé qui entrave l'amélioration du taux de bancarisation des Marocains. Certes, depuis plusieurs années maintenant les banques ont fait moult efforts en baissant le seuil minimum des dépôts pour l'ouverture d'un compte bancaire. La Banque centrale va même plus loin. Dans une récente sortie médiatique, le gouverneur de Bank Al-Maghrib avait annoncé l'intention de son établissement d'imposer la notion du «compte zéro» aux banques marocaines. Concrètement, cela reviendrait à donner la possibilité au client d'ouvrir un compte bancaire dans tous les établissements de la place sans devoir y injecter forcément du cash. Un délai, probablement de plusieurs mois, sera accordé à celui-ci afin qu'il mouvemente son compte, à défaut il sera clôturé. Une culture de l'espèce trop présente À travers cette mesure, Abdellatif Jouahri espère faire adhérer les populations à très faible revenu au système bancaire. Cependant, cette ambition se retrouve aujourd'hui confrontée à une problématique de taille. Les non-bancarisés, qui mettent en avant le manque de revenu comme principal handicap devant leur adhésion au système bancaire, sont souvent des gens incapables d'épargner, et donc d'alimenter leur compte bancaire même si celui-ci est ouvert à zéro dirham. Pis, le taux de perception des salaires en espèces reste très élevé et ne permet pas d'instaurer un lien d'intermédiation avec la banque dans la réception des revenus. Selon le sondage d'Exton consulting, 37% des salaires et pensions de retraites versés au Marocains le sont en cash. C'est dire que la culture de l'espèce est l'autre frein majeur qui entrave l'évolution du taux de bancarisation. Ce constat est d'autant plus confirmé quand on analyse les modes de paiement privilégiés des Marocains en général. Que ce soit pour les paiements de factures ou les besoins en consommation, le taux d'utilisation des moyens de paiement bancaires ne dépasse pas les 10%. Même quand il s'agit pour les bancarisés d'utiliser leurs cartes bancaires, celles-ci ne leur servent essentiellement qu'à effectuer des retraits. C'est dire tout l'effort qui attend les établissements bancaires, afin de remodeler tout un système de «vie bancaire». Une mission qui ne sera certainement pas de tout repos.