Le bras armé du contrat-programme logistique national est né. Après un premier renvoi en juillet dernier, la Chambre des conseillers a pu enfin adopter en commission le projet de loi 59.09 instituant l'agence marocaine pour la promotion des activités logistiques. Les données publiées dans le projet de loi montrent tout d'abord que l'agence sera non seulement à 100% étatique, mais surtout l'organe qui établira le plan d'orientation des zones dédiées aux activités de la logistique. Cette prérogative est d'autant plus importante que les zones logistiques constituent le socle de la stratégie logistique nationale lancée par Ghellab. Dans un contexte où les intervenants se multiplient dans le secteur, avec notamment Poste Maroc, qui a entrepris d'affûter son positionnement stratégique dans la filière, aux côtés de la SNTL, déjà avancée dans son déploiement, la nouvelle agence travaillera en étroite collaboration avec plusieurs départements, même si la nouvelle loi ne le mentionne pas expréssement. Ainsi, la problématique de la réserve foncière à trouver pour les zones logistiques, qui fait aussi partie des responsabilités de l'agence, est une obligation légale qui ressort du statut de l'agence. L'accent est donc nettement mis sur ces zones, certes fondamentales, mais qui ne restent tout de même qu'un maillon de la chaîne logistique. En effet, force est de constater que le projet de loi ne mentionne aucunement le maillon transport, notamment routier. Cela ajoute aux craintes des opérateurs nationaux du transport, qui se plaignent déjà de leur mise à l'écart lors des concertations autour du contrat-programme logistique. «Alors que le pays est submergé par les opérateurs logistiques internationaux d'envergure, les transporteurs nationaux sont considérés comme un maillon secondaire dans les orientations de la tutelle», s'inquiète Abderrahim Chennaoui, SG de la Fédération générale de transport par routes et aux ports (FGTRP). De leur côté, les opérateurs internationaux se félicitent des orientations de cette nouvelle institution, focalisées sur les zones logistiques. Car ces dernières sont au cœur des obstacles rencontrés dans leurs activités au Maroc. «La demande est tellement forte sur les plateformes de manutention et d'entreposage, et la réserve foncière adaptée tellement maigre, que les prix des terrains autour de Casablanca peuvent dépasser les tarifs parisiens!», révèle Eric Thizy, DG de Schenker Maroc, opérateur international intervenant à tous les niveaux de la chaîne logistique. Autre nouveauté, l'article 3 du nouveau texte a également verrouillé le domaine des statistiques et des données liées au secteur, en confiant à l'agence la mission de préparer des études définissant les stratégies du secteur, ainsi que la participation dans tous les plans de formation des ressources humaines qualifiées. Le conseil d'administration de l'agence sera pour sa part très restreint. Outre l'Agence nationale des ports, c'est le Premier ministre qui nomme trois membres pour une durée de 3 ans renouvelables. Les professionnels, pour leur part, peuvent choisir trois représentants qui vont siéger au sein du conseil. Le critère sera le nombre de sièges obtenus lors des dernières élections professionnelles. Composé de 14 articles, le projet de loi 59.09 permet à l'agence de procéder aux expropriations. Des conventions signées avec l'Etat permettront de leur côté à l'agence de se doter du foncier suffisant pour la mise en place d'infrastructures dédiées au secteur. Les professionnels voient dans la mise en place de l'agence le début d'une réorganisation de la profession. C'est l'une des principales missions introduites par le nouveau texte, qui consistent dans le développement des métiers et des opérateurs spécialisés. Ce souci s'est traduit au niveau de la composition même du conseil d'administration, ainsi que la nature des aides attendues par l'agence pour l'amélioration de l'offre logistique. Le projet de loi ne donne par contre aucun délai pour la mise en place effective de la nouvelle structure qui arrive mal à mettre en avant la vocation de régulation que la loi veut lui donner. À ce stade encore embryonnaire du secteur, il est en effet difficile de trouver les traces de cette fonction de régulation que l'agence doit avoir en cette période de lancement de développement du réseau national à l'horizon 2015. Pourtant, ce projet de loi a été adopté en un temps record en commissions, puisque trois mois ont été suffisants pour adopter à l'unanimité les divers amendements proposés. Une question reste en suspens : vers qui ce nouveau bras sera le plus tendu? Les échos du secteur inclinent à répondre : vers les opérateurs internationaux intégrés. Mais il faut attendre que la structure se déploie pour avoir plus de visibilité.