Mon excellent confrère et néanmoins ami Najib Rfaïf, un cabotin rigolo comme pas deux et un boute-en-train qui ne déraille jamais, pas comme moi, a publié cette semaine une chronique épique sur l'importance primordiale du rire, et il ne croyait pas si bien dire. Même le titre qu'il a choisi est anthologique : «Bien rire et comprendre». Il est inspiré – tous ceux de ma génération, pour ne pas dire mon âge, l'ont sûrement très vite pigé – du premier livre, un livre unique, qu'on nous a mis dans les mains pour nous apprendre à lire : «Bien lire et comprendre» de la merveilleuse maison d'édition «Ogé». En lisant ce billet, je me suis mis à réfléchir – ce qui ne m'arrive pas souvent - sur, à la fois, le devenir de nos pauvres bambins qui ne savent plus à quel maître ou maîtresse se vouer, en raison, notamment, de l'état lamentable de notre école aujourd'hui, et sur notre droit légitime, et qui n'a absolument rien à voir, à nous marrer sur le dos de tous ceux qui nous ont mis, à un titre ou un autre, justement, dans cet état. Moi, qui, en général, rigole de n'importe quoi et de n'importe qui, ça, en particulier, je n'arrive jamais à en rire. «Ça», c'est la situation pitoyable de l'enseignement dans notre pays qui rejaillit d'ailleurs d'une manière foudroyante sur le niveau inclassable de nos diplômés tous troncs et branches confondus, et, tant que j'y suis, sur la réalité insoutenable d'une bonne partie de l'élite qui nous dirige et qui, si on la laisse faire, risque de nous envoyer droit dans le mur. Prenez-le comme vous voulez - colère d'un non appelé, aigreur d'un non parvenu, rancœur d'un non re-tourneur – mais je vous assure que tout ça, me pompe sérieusement l'air. Chaque jour que Dieu fait, je me rends compte que, quoi qu'on nous raconte tous, qui que nous soyons et autant que nous sommes, nous avançons à reculons. Je ne sais pas qui est responsable de quoi, mais le résultat est là : non seulement, nous régressons, mais, pire, nous ne savons pas où nous allons atterrir. Et surtout, s'il vous plaît, ne me ressortez pas encore la litanie sur «nos avancées», «notre réseau autoroutier», «nos ports et nos aéroports», voire, «notre futur TGV et nos très prochains tramways». Je sais que tout ça est bien et qu'on est mieux avec que sans. Mais tout ça, à mon humble avis d'éternel insatisfait, ça ne fait pas une société, justement, «avancée». Quand on voit encore, tous les jours, des gens traverser en pleine autoroute, des douaniers se sucrer au vu et au su de tous les passagers, des bus et des taxis bondés et fumants, menacer la vie des clients et des piétons, et, enfin, nos élites ou leurs rejetons au volant de leurs limousines somptueuses et leurs 4X4 rutilants traverser la chaussée à 1000 à l'heure ou griller des stops et des feux tricolores brûlants, on doit dire, et très fort, que nous ne sommes pas encore sortis, loin s'en faut, de notre sous-développement mental. Quand le ferons-nous ? Je ne suis pas Madame Soleil, mais je crois bien que ce n'est pas demain la veille. Ça vous fait rire ? Pas moi !