Si le plan gazier est encore loin de fournir tous ses secrets, le schéma d'approvisionnement du marché local semble en tout cas déjà ficelé. Le Maroc disposera de deux portes d'entrée, par voie maritime et terrestre. La première sera destinée à l'importation du gaz naturel liquéfié (GNL) et constituera l'élément clé du dispositif d'approvisionnement à terme, prévu par le royaume. Jusqu'à maintenant, trois sites étaient étudiés pour abriter le terminal portuaire qui devrait accueillir les méthaniers (navires de transport de GNL, de tailles généralement très importantes, ndlr). Il s'agissait de Nador, Casablanca, ou de la plateforme de plus en plus à vocation industrielle et minière de Jorf Lasfar. Cependant, le gouvernement semble avoir finalement retenu cette dernière option, si l'on s'en remet aux dires de Saïd El Oufir, directeur des combustibles et carburants au ministère de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement, lors du dernier Congrès international sur le gaz naturel, organisé par la Fédération de l'énergie (MEMEE). Le responsable a également dévoilé quelques éléments sur les raisons prioritaires de ce choix. «Le premier est stratégique», souligne-t-il. Dans le plan d'approvisionnement en gaz naturel préparé par la tutelle, l'emplacement de ce terminal méthanier à Jorf Lasfar, répond à des priorités de proximité géographique avec les grands centres de consommation énergétique du pays. «L'objectif est de réduire au minimum les investissements et charges liés au transport et à la distribution du gaz, à partir du terminal portuaire», explique El Oufir. Ces centres de consommation sont pour la plupart concentrés sur la côte atlantique, sur l'axe Kénitra-Rabat-Casablanca-El Jadida, ce qui prédisposait Jorf Lasfar à être la plateforme d'importation de cette ressource énergétique. Des contraintes de coût... La deuxième raison de ce choix est d'ordre financier, mais reste étroitement lié à la première. «Nous avons profondément étudié le cas de Nador mais le choix de cette région pour abriter ce terminal, aurait entraîné des coûts et contraintes importants de distribution du gaz vers le littoral ouest, sans parler des investissements qui seront liés à la construction d'un pipeline pour relier ces deux sites», ajoute le responsable. «Nous avons estimé ce surcoût entre 10 et 15 MDH, ce qui n'est pas négligeable», explique le directeur des combustibles et carburants au MEMEE. Il faudrait également prendre en compte dans l'option du pipeline, les impacts environnementaux et les risques d'accidents que cela suppose. Le troisième critère est lié aux secteurs destinataires et à l'utilisation du gaz naturel. «La priorité est de mise pour les secteurs de la production d'électricité, du raffinage et industriel», précise-t-on auprès de la tutelle. Sur cet aspect, la région du littoral ouest s'en retrouve la mieux favorisée. Elle concentre l'essentiel des productions industrielles, électriques et de produits de raffinage d'hydrocarbures, du royaume. Pour le segment de la consommation domestique directe, il ne devrait pas être exploité avant... 2030 ! ... Et des opportunités En attendant, les opérateurs privés désirant investir dans la chaîne gazière (stockage, transport et distribution), sont déjà à l'affût d'intérêts économiques. Afriquia Gaz, l'enseigne du groupe Akwa spécialiste du secteur, semble déjà prendre les devants, sans parler de son positionnement sur le Gaz de pétrole liquéfié déjà concrétisé dans la même région. Pour rappel, la deuxième phase du projet d'extension du terminal de stockage de GPL à Jorf Lasfar, a été finalisée en juin dernier, avec près de 340 MDH. Pour le cas précis du GNL, la même enseigne est également engagée dans la construction du terminal méthanier, à travers une convention de partenariat avec la Société nationale d'investissement (SNI). Le partenariat public-privé prôné par la tutelle pour la mise en place du plan gazier, a d'ailleurs été réitéré par Fouad Douiri, jeudi dernier à Casablanca. Il faut savoir que le poids des investissements est plus facile à appréhender lorsqu'il est partagé entre plusieurs acteurs. Le terminal méthanier de Jorf Lasfar devrait avoir une capacité de 10 milliards de m3/an, en GNL, pour un coût de réalisation estimé jusque là, entre 600 millions d'euros et le milliard d'euro. Concrètement, outre le terminal destiné à accueillir les navires méthaniers, le projet devrait intégrer des infrastructures de stockage, ainsi que des installations de regazéification (Le GNL est regazéfié après débarquement à l'état liquide), et un gazoduc, relié à un réseau de distribution. Le GME arrosera le Nord-Est Outre la plateforme GNL portuaire de Jorf Lasfar, le Gazoduc Maghreb-Europe convoyant les exportations de gaz naturel algérien vers le marché européen, devrait être la seconde porte d'approvisionnement du pays en cette ressource énergétique. Elle devrait ainsi permettre l'alimentation de la zone de consommation Nord-Est du royaume, caractérisée principalement par la centrale à cycle combiné de Tahadart et celle thermosolaire de Ain Beni Mathar, dans la région d'Oujda. Il faut savoir en effet qu'en plus d'être une source d'énergie primaire, le gaz naturel peut aussi servir à la production d'électricité. Le gazoduc est l'option de transport de gaz naturel la plus répandue dans le monde. Elle est cependant quatre ou cinq fois plus coûteuse que le transport du pétrole par pipeline, pour avoir une idée sur la lourdeur des investissements. Cela est du au fait que le gaz doit être comprimé tous les 120 ou 150 km de gazoduc, par des stations de compression. Ces compressions permettent au gaz de se déplacer à une vitesse allant de 15 à 20 km/h. En plus de la redevance marocaine prélevée sur le GME, le Maroc a commencé à importer du gaz naturel algérien à partir du mois de novembre dernier. La quantité importée à fin 2011 s'élève à 104,4 MNm3 (Million normal de mètre cubes), portant ainsi la consommation du gaz naturel dans les centrales thermiques à 745,2 MNm3 à fin 2011 contre 583,23 MNm3 en 2010, soit une hausse de 27,8%.