Le puzzle est quasi complet: les explorations, quelques investissements privés (Jorf Lasfar)... et, bientôt, la visibilité législative et institutionnelle pour accompagner le tout. Hier, en rassemblant le gotha gazier dans la capitale économie marocaine pour le Colloque international sur le Gaz naturel, la Fédération patronale du secteur a en tout cas, donné le ton de ce qui prend déjà les contours d'une stratégie dédiée. Le message lancé par les opérateurs est très clair, montrant leur volonté et disponibilités d'investir une filière comprise dans le bouquet énergétique du royaume à l'horizon 2020, mais pendant longtemps sous l'ombre d'autres alternatives énergétiques telle le solaire et l'éolien. Cette donne est en passe de changer, et la mobilisation du privé ne semble pas vaine: une loi est effectivement déjà en préparation pour le secteur en vue de réglementer le marché intérieur, de la production à la distribution, en passant par le transport. «Il s'agit de mettre en place un cadre juridique, de garantir la transparence des règles dans le segment aval du secteur, et l'impartialité de leur application», explique Moulay Abdallah Alaoui, le président de la Fédération de l'énergie. Ce projet réglementaire devrait être accompagné, «dans le moyen terme» pour reprendre les mots de Fouad Douiri, le ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement (MEMEE), par la mise en place d'une structure publique de régulation et de veille des évolutions de la filière gazière. Cette autorité servira notamment à fixer les prix de commercialisation du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié (GNL). Un plan, deux options L'ébauche de stratégie sur laquelle privé et public semblent travailler jusque là, est principalement fondée sur l'exploration et -en attendant que ces travaux donnent des résultats probants- l'importation de cette ressource énergétique, sous ses aspects gazeux et liquéfié. Le Maroc est en contrat, depuis novembre dernier avec l'Algérie, qui devrait être le septième plus gros producteur de gaz naturel en 2030, pour la fourniture de 640 millions de mètres cubes (m3) par an. Ce volume sert jusque là à l'alimentation des centrales électriques hybrides d'Aïn Beni Mathar, dans la région d'Oujda, et celle de Tahaddart près de Tanger, et passe par le gazoduc «Maghreb Europe» traversant une partie du royaume. La quantité importée à fin 2011 s'élève à 104,4 MNm3, portant ainsi la consommation du cette ressource dans les centrales thermiques du royaume, à 745,2 MNm3 à fin 2011 contre 583,23 MNm3 en 2010, soit une hausse de 27,8%. Quant au GNL, un projet de terminal méthanier est en chantier sur la plateforme industrielle intégrée de Jorf Lasfar. Il servira ainsi de porte d'entrée aux importations de GNL. Les ambitions sont là, mais le patronat garde les pieds sur terre quant à leur faisabilité. «Les investissements et le financement de ces chantiers sont très lourds. Nous misons sur l'attrait du secteur pour capitaliser sur la diversité des intervenants et entités industrielles tant en amont qu'en aval», indique Moulay Abdallah Alaloui. Pourquoi maintenant ? Cet engouement subit pour le gaz naturel est d'abord venu de l'extérieur. «L'un des principaux facteurs qui y ont conduit, est la nécessité ressentie de plus en plus de se départir de l'hégémonie du pétrole et des fluctuations imprévisibles» (124 dollars US, hier, sur les principales places financières du monde, ndlr), explique Jérome Ferrier, Vice président de l'Union internationale de l'industrie du gaz (UIIG). Au Maroc, cette réalité a très vite rejoint la problématique de la compensation pétrolière. L'idée est de trouver une alternative, à la fois proche du pétrole en termes de rendement énergétique, et plus abordable aux bourses industrielles mais aussi domestiques. De plus, «la raréfaction de cette énergie et l'immaturité du marché local, ont eu pour conséquence jusque là de reporter à chaque fois la décision de se pencher sérieusement sur l'option offerte par le gaz naturel», complète, pour sa part, le président de la Fédération de l'énergie. Or, ces contraintes ne sont désormais plus là. Le gaz peut pousser son premier souffle d'essor... «La loi sur le gaz sera l'une de nos priorités» Fouad Douiri, Ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement Les Echos quotidien : Quelles seront les actions concrètes de la tutelle pour le secteur gazier ? Fouad Douiri : Notre vision sera celle du partenariat privé-public dans ce secteur, comme cela l'a été pour d'autres déjà en développement, comme l'énergie solaire et éolienne. Nous pensons que c'est une option porteuse qui a de l'avenir. Elle devra donc figurer, de manière significative dans le mixe énergétique que nous ciblons. Concrètement, le déploiement de l'option gaz à travers les besoins en électricité, aussi bien dans l'industrie que pour le domestique. Sur la base de ces objectifs, nous avons déjà entamé un travail pour mettre en place d'abord un cadre législatif. La loi sur l'utilisation du gaz devra être le principal composant de ce chantier. De plus, nous comptons également créer une instance de régulation du secteur. Tout cela est bien sûr étalé sur le moyen et long terme. Quelles seront les missions de cette instance ? Elles seront surtout liées au besoin de suivi du marché. À partir de là, nous serons capables de lancer des consultations pour démarcher des opérateurs privés prêts à investir dans la construction, l'exploitation et le développement d'un terminal gazier (Jorf Lasfar, ndlr). Des consultations seront également ouvertes pour le volet transport de la chaine gazière. Des explorations gazières sont déjà en cours. Plusieurs compagnies étrangères ont investi ce segment, alors que le législatif vient à peine d'amorcer sa réflexion. La charrue n'a-t-elle pas été mise avant les bœufs ? Je pense que les perspectives de développement de la filière gazière sont suffisamment larges en opportunités d'investissements. Le marché devient de plus en plus significatif. Il existe de la place pour tous les segments de l'industrie gazière, aussi bien pour l'exploration et l'exploitation des gisements découverts à ce jour, que pour la construction et la gestion de plateformes qui serviront à l'importation du gaz naturel sous forme liquide. Il faut savoir qu'un terminal gazier peut non seulement servir aux importations, mais peut également être une plateforme d'exportation. Le Maroc pourrait, dans ce cas de figure, se positionner en exportateur dès que ces projets auront donné des résultats porteurs. Le potentiel est donc très diversifié. Il nous faut juste des éclaircissements réglementaires pour s'inscrire concrètement dans le dynamisme de développement du recours à cette ressource énergétique.