Bien que les petites et moyennes entreprises représentent plus de 93% des entreprises actives au Maroc et contribuent à 38% du PIB et 46% de l'emploi, ces structures n'ont pas encore réalisé leur plein potentiel pour ce qui est de générer et de maintenir une croissance inclusive au Maroc, dans la mesure où l'accès au financement privé reste un défi majeur pour nombre d'entre elles. En effet, le crédit aux PME représente environ 24% de l'ensemble des prêts et il reste difficile pour de nombreux entrepreneurs de présenter les garanties nécessaires pour emprunter. Le résultat est que les PME marocaines font face à un certain nombre de difficultés structurelles, parmi lesquelles un manque de compétitivité, une faible capitalisation, un sous-financement, une faible productivité et des compétences limitées en matière de gestion. C'est en effet le constat qu'a confirmé Alain Pilloux, directeur du département de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), chargé de l'industrie, du commerce et de l'agro-industrie, lors de la conférence organisée le lundi. Intitulée, l'initiative «d'une transition à l'autre», cette réunion a pour objectif de faciliter les échanges d'expérience en matière de transition et de réforme, mieux comprendre les problèmes des PME marocaines et donner des pistes de réflexion pour améliorer le climat d'affaires dans lequel évoluent ces structures. Lors de cet événement, les représentants de la BERD ont exposé les nombreuses problématiques qui freinent la croissance des PME, dont le financement. Aussi ont-ils présenté des pistes qui peuvent contribuer éventuellement au relancement de ce créneau. Au regard de Pilloux, le premier objectif que doit atteindre le gouvernement, «c'est d'assurer le passage d'une structure de production à faible valeur ajoutée et à bas coût à une économie à forte valeur ajoutée, axée sur le savoir». La réalisation de ce changement passe, d'abord, par le climat des affaires, qui doit être amélioré pour renforcer la compétitivité de l'économie. Dans ce sens, il est nécessaire d'investir dans le capital humain, de promouvoir de plus hauts niveaux de recherche et développement, de moderniser les sites de production, d'améliorer la gestion et la transparence des PME. Ainsi que de développer des groupements technologiques, des pépinières d'entreprises et des infrastructures de soutien dès maintenant, pour être compétitif dans une économie mondiale fondée sur l'innovation. Le deuxième point soulevé par la BERD dans ce sens, c'est l'importance de faciliter l'accès au financement pour les PME. Cet objectif reste conditionné par le nombre de produit de financement proposé sur le marché. C'est d'ailleurs à ce niveau que la BERD envisage d'apporter ses services sur le marché marocain. À travers ces investissements, la BERD vise à faciliter la mise en place de systèmes financiers concurrentiels et viables au Maroc. À ce niveau, elle va faire en sorte, à partir du mois de juillet prochain, que les PME puissent accéder plus facilement au financement, en prêtant aux banques locales et aux sociétés de crédit-bail, qui utiliseront ensuite ces fonds pour accorder des crédits aux entreprises locales. La BERD compte également, financer les PME marocaines à travers des opérations de prises de participation. Suite à cette opération, l'organisme ne se contentera pas uniquement du financement, mais il assurera également une mission de conseil et de surveillance. Cette démarche permettra, selon Pilloux, «d'améliorer le gouvernement de l'entreprise bénéficiaire, d'encourager le développement de compétences institutionnelles et de travailler en collaboration avec l'équipe dirigeante et les actionnaires pour réaliser le potentiel». Comment bénéficier du financement ? Pour bénéficier de ce financement, l'entreprise doit remplir un certain nombre de critères. D'abord, elle doit être située dans un pays d'opération de la BERD et être dotée de bonnes perspectives commerciales. Ainsi, l'entreprise doit bénéficier d'importantes contributions de la part du promoteur du projet, répondre aux normes bancaires et réglementaires et opérer dans un secteur à forte valeur ajoutée pour l'économie nationale. Certes, ces critères demeurent difficiles à remplir pour certaines PME marocaines, mais en revanche, elles valent l'aventure, notamment du fait que le taux appliqué pour ce type de prêt reste en lice avec le taux du marché. S'agissant des remboursements, ils s'effectueront par paiements semestriels égaux. Des échéances plus longues et des calendriers de remboursement irréguliers pourront être envisagés à titre exceptionnel. À titre d'exemple, la durée du prêt peut aller jusqu'à 15 ans. Alain Pilloux, Directeur du département de la BERD en charge de l'industrie, du commerce et de l'agro-industrie. Les Echos quotidien : Quel est objectif de votre présence sur le marché marocain ? Alain Pilloux : Au-delà de l'accompagnement des PME et des TPE en termes de financement, notre présence sur le marché marocain se traduira également par la satisfaction des besoins de développement de ces entreprises. Le nouveau gouvernement veut faire du Maroc une plateforme de production et d'exportation, dans cette optique nous essaierons de contribuer à cette dynamique économique du pays d'abord, avec nos produits de financement tels que les prêts à long terme et la prise de participation dans le capital investissement, à travers des fonds de capital investissement et de capital risque. Le deuxième moyen de contribution serait en effet, l'apport en savoir-faire et en services d'accompagnement aux entreprises. Quelle est la démarche que vous suivez pour accorder des crédits ? Il faut savoir que notre démarche d'octroi de crédits consiste en premier lieu à faire une analyse de la stratégie de l'entreprise. En d'autres termes, en plus du prêt que nous accordons, nous offrons ainsi à l'entreprise bénéficiaire un plan de développement stratégique. Une manière de faire progresser l'entreprise, mais aussi de réduire le risque pour nous. Quel est le nombre approximatif des entreprises qui bénéficieront de votre programme ? Il n'y a pas de limite particulière. Ce que nous faisons généralement dans tous les secteurs de l'économie, dans lesquels nous travaillons, c'est en effet, de voir autant d'entreprises que possible. Puis nous finançons celles qui veulent bien travailler avec nous. Toutefois, il est clair que nous avons des préférences pour les entreprises menant des secteurs importants, tels que l'industrie, l'agroalimentaire, les énergies et l'infrastructure. Quels taux allez-vous pratiquer ? Nos taux sont par définition les taux du marché. Simplement, car lorsque nous accordons des prêts, nous nous associons souvent à des banques commerciales. La particularité de notre offre réside dans le risque que nous prenons. Nous faisons ce que les banques commerciales hésitent à faire, car nous avons des analyses approfondies de certains secteurs de l'économie. Autrement dit, nous contrebalançons le prix que nous proposons par le risque que nous prenons. Selon vous, les efforts que mènent les organismes internationaux et le gouvernement sont-ils suffisants pour relancer les PME marocaines ? Bien sûr que non ! Quels que soient les efforts établis par les organismes internationaux et le gouvernement, cela ne suffira jamais si les banques commerciales ne participent pas. Au Maroc, à titre d'exemple, le secteur bancaire fonctionne bien. Pour preuve, la représentation des institutions de financement internationales est très forte. D'ailleurs nous travaillons avec bon nombre d'entre elles, à juste titre, la Banque africaine de développement, la SFI et d'autres. Les banques commerciales vont de pair. Maintenant, il faut simplement que les entreprises investissent davantage dans leur transparence, pour améliorer leur image vis-à-vis des banques, notamment parce que la configuration des offres de produits bancaires au Maroc permet aux entreprises de trouver les solutions qu'elles recherchent. Le financement est-il le seul aspect qui bloque le développement des petites et moyennes entreprises ? Ce n'est pas seulement le financement qui freine la croissance des PME marocaines. Celles-ci ont également d'énormes problèmes au niveau de la définition des produits, de l'analyse de l'accès aux marchés et de la gouvernance. Il faut dire que le financement n'est qu'un aspect parmi d'autres. Certes, il est nécessaire, mais lui seul ne peut pas assurer le développement des entreprises.