Pas de répit pour le département d'Aziz Akhannouch. Décidément, à peine les choses ont-elles commencé à se «tasser» avec les professionnels du poulpe, que ceux de l'algue montent, à leur tour, au créneau. En effet, certains professionnels protestent, depuis quelques temps, que le ministère «n'ait pas sollicité» leur avis dans la conception du volet lié à la pêcherie des algues marines dans le cadre du Plan Halieutis. Ils sont, aujourd'hui, une quinzaine de patrons de sociétés exportatrices de l'algue brute à affirmer avoir été ignorés dans le processus de l'élaboration de la stratégie du ministère. Même son de cloche auprès des plongeurs professionnels. Et pourtant, les responsables du ministère certifient avoir tenu plusieurs réunions de concertation avec les opérateurs concernés (chambres maritimes professionnelles, INRH, ONP, services administratifs régionaux...), sans oublier la fédération et les associations professionnelles. Une situation qui ramène sur la table la problématique de l'adhésion des professionnels aux organes représentatifs de leurs métiers. Et pour cause, en dépit des réunions orchestrées par le ministère, les professionnels mécontents sont restés en marge, car n'ayant pas de représentativité au sein des chambres professionnelles. «Seuls les dirigeants de l'entreprise Setexam, à Kénitra, qui est spécialisée dans la transformation de l'algue rouge en agar-agar, sont représentés», commente cet exportateur. Cette entreprise est, par la même occasion, pointée du doigt par les professionnels qui jugent que le ministère la favorise à leurs dépens. La participation de l'entreprise aux négociations, sa présence sur le marché et le fait qu'elle ne se trouve pas trop lésée par les dispositions contenues dans le cadre de la stratégie nationale halieutique sont tout autant d'arguments qui étayent les thèses des professionnels. «Nous sommes menacés par le chômage technique», déclare Abdellah Harroum, gérant de la société Bioterra, à El Jadida. Setexam, signalons-le, est l'une des rescapées de la filière, car depuis les premiers balbutiements du secteur, en 1957, rares sont les structures en bonne et due forme qui ont pu tenir dans ce secteur. Aujourd'hui, il y a trois unités sur ce segment. Il s'agit, en l'occurrence, de Marokagar ou Algenas, Almar industrie et Setexam. Cette dernière est la seule encore opérationnelle à Kénitra. Pour Harroum, le ministère aurait «permis le monopole du secteur par la société de transformation». «Les sociétés auront à se départager un quota de 1.208 T. La part de chaque société n'atteindra même pas 50 tonnes à exporter, ce sera au premier arrivé, premier servi», gronde-t-il. En effet, pour les entreprises, c'est la course pour collecter les algues auprès des plongeurs. La crise et la concurrence, les ennemies du secteur Et pour la première fois, cette année, ces plongeurs passent par la halle de l'ONP pour le certificat de taxation. Ce document est par la suite exigé par la douane avant l'export. «La traçabilité à travers l'acquittement de la taxe ONP pour les algues devrait permettre un meilleur suivi et un meilleur contrôle de cette pêcherie», ajoute Rachid Lebbar, DG de Setexam. Ce qui n'empêche pas quelques subterfuges. Mais ce ne sont pas là les seuls problèmes du secteur. La concurrence asiatique ainsi que l'augmentation des exportations des quantités d'algues brutes ont obligé les autres sociétés à stopper leur production, indique Lebbar. En effet, depuis 2004, les quantités d'agar sont en diminution alors que le trend de l'export des algues brutes est haussier, explique-t-il. La crise mondiale a également touché les exportations de l'algue brute traitée. Le prix de cette matière étant passé de 30 DH en 2006 à 15 DH actuellement. Troisième volet, celui de la biomasse. Celle-ci est en régression continue avec l'exploitation effrénée des ressources. Ce qui fait qu'en attendant que les mesures présentées par le plan Halieutis donnent leurs fruits, il s'agit, pour de nombreux opérateurs de l'algue, de protéger leur territoire. Selon des études menées par l'INRH, la biomasse disponible était à 22.000 T en 1999, quantité qui a été réduite à 12.600 T en 2008, soit un repli de 59%. La densité, quant à elle, est passée de 4 kg/m2 à moins de 1,5 Kg/m2 actuellement. En vue de permettre à l'espèce de se reproduire, le ministère du Commerce extérieur a limité un quota de 4.800 T d'algues brutes à transformer en équivalent de 805 T d'agar. Setexam, la seule société en activité, bénéficie largement de cette situation. L'industriel de Kénitra doit, malgré tout, réduire sa production d'agar de 1.150 T à 805 T par an. Parallèlement, 1.200 T seulement d'algues à l'état brut sont autorisées à l'export, ce qui n'est, également, pas au goût des sociétés exportatrices. Algue rouge, les effets de la crise économique mondiale Selon le ministère, une quinzaine de sociétés spécialisées dans l'export de l'algue rouge sont en activité au Maroc. Les pays de destination de la plante sont le Japon, l'Espagne et la Corée du Sud. Les volumes exportés ont atteint 8.400 tonnes en 2005 contre 4.720 tonnes en 2009. «La demande a chuté de 32% en 2008 contre 7% au cours de l'année écoulée», affirme cet opérateur.L'exportation de l'agar-agar est d'une moyenne de 900 tonnes soit l'équivalent de 5.400 tonnes d'algues industrialisées. Le plan Halieutis a réservé 80% de la biomasse à l'industrie, et donc à la valorisation par la transformation en agar. La réduction de l'effort de pêches servira à la régénération des champs d'algues. Les quotas des récoltes d'algues seront certainement augmentés dans un futur très proche. En attendant, la crise économique mondiale a quand même eu ses effets sur le secteur. L'agar-agar qui se vendait 20 euros à l'export est actuellement commercialisé à 12 euros seulement.