L'heure est à l'évaluation des lois électorales qui ne font pas l'unanimité auprès des acteurs politiques. Un débat national devra être engagé sur plusieurs points, dont le mode de scrutin et le découpage électoral. À trois ans des élections législatives, le débat sur la révision de l'arsenal juridique électoral est remis au goût du jour par certains partis politiques. Le dernier appel en date pour la refonte des lois électorales émane du Conseil national du Parti de l'Istiqlal, qui vient de se réunir à Rabat. Ce sujet, de la plus haute importance, taraude les formations partisanes à l'approche de chaque rendez-vous électoral. En tête des priorités figure le mode de scrutin actuel qui ne permet pas de dégager une majorité claire et de faciliter, par conséquent, la formation du gouvernement. Adopté en 2002, le mode de scrutin proportionnel plurinominal avec l'application de la règle du plus fort est vertement critiqué par plusieurs acteurs politiques car il consacre l'émiettement. En 2016, quelque 12 partis politiques ont pu accéder à la chambre basse, et seulement sept d'entre eux sont parvenus à constituer un groupe parlementaire. De leur côté, les partisans de ce système brandissent la carte du pluralisme car il permet d'éviter d'exclure les petites formations politiques et leur donne la possibilité de s'exprimer au sein de l'institution législative. Sauf que la situation actuelle ne permet pas de former des institutions fortes, notamment un gouvernement constitué d'une majorité homogène au lieu d'une alliance gouvernementale contre-nature, basée sur des calculs arithmétiques qui déteignent sur son action. Limiter la «balkanisation» Le mode de scrutin actuel, rappelons-le, a été instauré après quatre décennies marquées par l'adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour qui favorisait plutôt les personnes et les relations tribales au lieu des programmes des partis politiques. Alors que quelques acteurs politiques plaident pour le retour à ce scrutin uninominal (à un ou deux tours) pour promouvoir la proximité avec les bases et redorer le blason de leur formation, d'autres estiment qu'il faut juste agir sur le seuil électoral qui a été abaissé, lors des dernières législatives, de 6 à 3% en vue de limiter la «balkanisation». Mais l'expérience démontre que la révision du seuil électoral au niveau des circonscriptions locales, à elle seule, s'avère être une fausse piste; en attestent les résultats des législatives de 2016. En effet, alors qu'on s'attendait à l'augmentation du nombre des partis politiques représentés au Parlement, c'est le contraire qui s'est produit. Plusieurs formations partisanes se sont vues éjectées de la Chambre des représentants et d'autres ont essuyé un échec cuisant alors qu'elles s'attendaient à l'amélioration de leur score. Le nombre des partis représentés au Parlement a baissé du tiers (de 18 à 12 partis). On s'attend encore une fois à des discussions animées autour du seuil électoral qui est très lié au mode de scrutin. Rappelons que lors de l'examen de la révision de l'arsenal juridique électoral à la veille des dernières législatives, certains partis politiques plaidaient pour la suppression du seuil. Seuls les partis de la justice et du développement et de l'Istiqlal étaient pour un seuil électoral élevé. Les héritiers de Allal El Fassi plaidaient pour un seuil de 10 % (qui ne leur aurait pas été favorable selon les résultats de 2016 car ils auraient perdus des sièges), tandis que les militants du PJD défendaient le maintien de 6% comme minimum requis. Même si le seuil avait été élevé à 10% ou maintenu à 6% en 2016, la carte électorale n'aurait pas connu de changement radical. Techniquement, c'est plutôt l'instauration d'un seuil national élevé qui permettra une nouvelle configuration politique. Un seuil national de 10% tel que pratiqué en Turquie ne laissera passer que trois ou quatre partis politiques. Le lancement d'un débat national autour de cette question (et bien d'autres) s'impose. D'aucuns estiment qu'il faut revoir plusieurs critères cruciaux, dont le découpage électoral, pour l'adapter aux nouvelles réalités démographiques et mettre fin aux déséquilibres constatés dans la représentation. La prise en considération du poids démographique dans le découpage électoral est une nécessité pour garantir l'équité en matière de représentation. Il s'agit aussi d'instaurer de nouveaux mécanismes pour la supervision des élections, de réviser les listes électorales, de maintenir ou supprimer la liste nationale des jeunes et des femmes qui a créé une grande polémique à la veille des précédentes législatives … Les discussions ne devront pas porter uniquement sur les révisions techniques, mais sur les pistes à même d'instaurer une profonde réforme politique. À cet égard, le parti de la balance vient d'appeler à un nouveau contrat politique à travers des réformes politiques, institutionnelles et démocratiques consensuelles. Les enjeux sont de taille, à commencer par l'impératif de la mobilisation des électeurs dans un contexte de forte défiance à l'égard de l'échiquier politique. À ce titre, une grande responsabilité incombe aux partis politiques. La participation aux élections est en effet un défi majeur pour les formations partisanes dont l'image est plus que jamais écornée auprès des citoyens, notamment les jeunes. Les partis politiques parviendront-ils à améliorer le taux de participation aux prochaines élections? Rien n'est moins sûr. La crainte est de faire pire que les élections de 2016 qui ont été marquées par un taux d'abstention de 57%.