Les Echos quotidien : Quelles sont les conséquences directes de la suspension de l'accord de pêche sur les pêcheurs andalous que vous représentez ? Pedro Maza : Je tiens à préciser qu'au jour d'aujourd'hui (vendredi, ndlr), nous n'arrivons toujours pas à comprendre la décision du Parlement européen. Nous estimons qu'au niveau de la Commission mixte maroco-espagnole, nous avons déployé tous les efforts qui sont à notre portée, pour ne pas arriver à cette situation, hélas en vain. Cela ne nous décourage pas et nous sommes déterminés à œuvrer pour le maintien de ce bel exemple de coopération entre l'Espagne et le Maroc. Concernant les retombées de cette décision, je peux vous assurer, sans la moindre exagération, que c'est un drame pour de nombreuses familles et tout un secteur. Nous n'avons aucune alternative, puisque le golfe de Cadix est en repos biologique et même dans le cas contraire, nous sommes trop nombreux pour nous partager les ressources d'une zone aussi étroite que celle de la côte de Cadix. C'est une situation très préoccupante voire dramatique qui concerne non seulement les 700 familles touchées directement, mais aussi plusieurs postes indirects. C'est la raison de cet appel que nous lançons au roi du Maroc et au chef du gouvernement pour prendre en considération la situation sociale, chose qui a fait défaut aux eurodéputés, pour nous autoriser, à titre exceptionnel, à pêcher dans les eaux marocaines. Notre requête est motivée par les rapports de bon voisinage que nous maintenons et parce que nous estimons que les pêcheurs ne peuvent pas payer les conséquences de calculs politiciens. Nous plaçons d'énormes espoirs sur la compréhension des pouvoirs marocains. Notre requête est motivée par le fait qu'une partie des pêcheurs se sont acquittés des droits des licences pour le premier trimestre de 2012, des droits d'assurances et de dépenses et s'ils continuent à se voir priver d'exercer, cela signifie leur perte. S'il faut désigner un coupable à ce blocage, qui selon vous est responsable de cette situation ? Notre secrétaire général, Javier Garat, l'a dit sans ambages à Bruxelles. Au sein de Cepesca, nous considérons que la première responsable est la Commissaire européenne à la pêche, Maria Damanaki, qui à nos yeux a échoué dans sa mission. Au moment où nous nous lui avons remis, en tant que professionnels, un projet de protocole détaillé et minutieusement élaboré, sur les améliorations que nous jugeons utiles et nécessaires pour conclure un accord win-win, nous estimons que la Commissaire a prêté une oreille attentive aux intérêts des activistes écologistes, et relégué au dernier plan les conséquences socio-économiques. Bien entendu, j'accuse aussi le Parlement européen d'avoir abandonné un partenaire communautaire. Je trouve que ces messieurs doivent revoir leur position, car les intérêts qui lient l'Union européenne au Maroc pèsent beaucoup plus que les calculs d'une poignée d'eurodéputés, porte-voix des écologistes, qui d'ailleurs n'ont jamais apporté de preuves probantes à leurs allégations. Vous reprochez aux eurodéputés le fait de critiquer la viabilité économique de l'accord, mais vous aussi en tant que professionnels vous aviez décrié cet aspect... Précisément, dans le document que nous avons remis à Damanaki, nous avons clairement dit que l'accord était sous-exploité pour des motifs techniques sur lesquels nous avons attiré l'attention depuis l'entrée en vigueur du traité. Nous ne voulons pas d'un accord quelconque. Nous aspirons à un accord rentable pour les deux parties, sans confrontation avec nos homologues marocains. Le projet d'accord soumis à Damanaki, s'est intéressé à tous les aspects de cette coopération, incluant même la flotte marocaine et sa mise à niveau. Cela veut-il dire que finalement les eurodéputés n'ont pas totalement tort ? Absolument pas. L'accord était très avantageux pour nous et celui qui dit le contraire, ignore complètement les bénéfices que nous a apportés ce pacte. C'est ce qui explique d'ailleurs notre forte mobilisation pour sa reconduction, car l'absence de traité signifie notre ruine. Nous avons une flotte avec une capacité de déplacement très réduite, vu qu'il s'agit d'une flotte artisanale. La seule pêcherie qui est à notre portée se trouve au Maroc pour des raisons de proximité géographique. Nos revendications se limitaient aux aspects techniques, comme, à titre d'exemple, l'octroi de davantage de licences d'exploitation. Mais nous n'avons jamais remis en cause le traité en lui-même. Qu'en est-il de la surexploitation des ressources que vous reproche le Parlement européen ? Personne n'est en mesure d'établir le niveau des ressources halieutiques dans cette zone, vu qu'aucune étude scientifique n'a était faite dans ce sens. Dans notre cas, nous exploitons des ressources sédentaires et il n'existe aucun problème avec la flotte marocaine à ce sujet. Nous sommes très respectueux de cet environnement, car il y va de notre survie. On nous a collé une mauvaise réputation, alors qu'aucune licence n'est octroyée à un bateau industriel pélagique espagnol. Il faut savoir que les captures de ces bateaux en un jour représentent l'équivalent des prises de la flotte de Barbate en un an. Nous faisons une pêche responsable et respectueuse de l'environnement. Cependant, nous cherchons un équilibre entre l'environnement et la rentabilité économique de notre flotte. Cette zone est notre gagne-pain et nous sommes les plus intéressés par la régénération de ses ressources pour continuer à vivre de cette activité. Ce que les professionnels marocains et espagnols ont proposé à Damanaki C'est la fierté de la commission mixte maroco-espagnole des professionnels de la pêche. Un travail de longue haleine, disent-ils, où les concernés ont recensé les différents aspects du traité. D'ailleurs, les Espagnols n'hésitent pas à le qualifier d'historique, vu que c'est la première fois qu'un rapport du genre est présenté aux négociateurs comme une assise à de futures négociations. La mouture, dont les Echos quotidien détient une copie, propose une série d'actions pour l'intégration des opérateurs européens dans le secteur de pêche marocain. À ce propos, le document propose la promotion de la création de sociétés mixtes «pour surmonter les difficultés de gestion, d'harmonisation des normes sanitaires et la protection des investissements». Les professionnels aspirent aussi, à travers un nouvel accord, à promouvoir la collaboration entre l'industrie de pêche et les opérateurs marocains et communautaires pour «la mise en place de nouvelles opportunités d'investissement principalement dans les pôles de compétitivité régionaux et les zones franches d'exportation, dans un objectif de mieux valoriser les produits de la mer», suggèrent-ils.