Les Espagnols sont les grands perdants du non renouvellement par le Parlement européen de l'accord de pêche Maroc-UE. La grande mobilisation des eurodéputés ibères en faveur de la prolongation de pacte démontre, s'il le fallait encore, l'importance du traité pour la flotte espagnole, grande bénéficiaire de l'accord entre le Maroc et l'Union européenne. Au moment où les élus européens se sont montrés partagés concernant la décision de prorogation provisoire jusqu'au 27 février 2012, les élus espagnols, populaires et socialistes confondus, ont laissé de côté leurs différends politiques pour faire valoir les intérêts des armateurs de leur pays. Prenant acte de la confusion qui règne auprès des élus lors du débat de lundi à Strasbourg, Damanaki a demandé aux députés européens un «signal clair» concernant leur position, afin de pouvoir préparer un nouveau traité «juste et équilibré». En plus clair, la haute responsable européenne cherche à tâter le pouls des eurodéputés, afin de savoir dans quelle direction orienter les prochaines négociations. À en croire la presse espagnole, la chargée du portefeuille de la pêche au sein de la CE semble préparer un projet de négociations basé sur deux propositions : la première devrait exclure les eaux des provinces sahariennes du traité et la seconde serait orientée vers le maintien de la région, tout en imposant des conditions drastiques au Maroc. Lequel devrait présenter suffisamment de garanties prouvant que la population issue de ladite région tire parti de cet accord. Or, la propre commissaire européenne semble ne pas être convaincue de sa proposition, puisqu'elle a fait savoir, lors de ladite réunion à l'hémicycle européen, qu'il est difficile de solutionner un problème politique au moyen d'un autre économique. «Dans le cas d'un nouvel accord, nous devrons améliorer significativement le texte dans la partie relative au volet économique, environnemental, politique et juridique». De même, elle a exhorté les élus à prendre en considération les réformes démocratiques entreprises par le royaume. Damanaki laisse entrevoir une souplesse dans sa position, ce qui laisse croire qu'elle regrette d'avoir jeté un pavé dans la mare à travers ses rapports peu favorables au pacte. Les eurodéputés ibères ont saisi ce revirement de situation pour dénoncer le blocage dudit pacte. De plus, les parlementaires ont accusé la Commission européenne de traîner le pas au moment où elle aurait dû avoir présenté un projet de pacte. Cela les pousse à dire que l'actuelle situation crée un sentiment d'incertitude dans les rangs des professionnels de la pêche. De leur part, les députés socialistes ont mis l'accent sur l'impact économique du traité. Accusés par leur pairs de faire l'éloge d'un pacte bénéficiant exclusivement à la flotte espagnole, les élus ibères n'ont pas manqué de faire savoir que, outre l'Espagne, onze pays européens tirent profit du pacte maritime. C'est l'occasion pour dire que tout n'est pas noir dans ce traité qui, en termes d'incidence économique, crée quelques 800 emplois directs au niveau européen et environ 1.000 postes indirects au Maroc, y compris dans les provinces du sud. Jamais un accord avec un pays tiers n'a suscité autant de débat et de confusion au sein du Parlement européen. Trois commissions parlementaires ont décortiqué le texte dont deux d'entre-elles ont refusé la prorogation. Toutefois, la commission de la pêche, présidée par l'espagnole Carmen Fraga, a défendu bec et ongles la reconduction, comme un premier pas vers la négociation d'un nouveau traité. Toutefois, ce débat cornélien au sein du PE présage d'un round de négociations serré entre la partie marocaine et sa partenaire européenne. En effet, les eurodéputés sont tous tombés d'accord sur le fait d'imposer des conditions draconiennes à Rabat à l'heure des tractations. Les points d'achoppement sont relatifs à l'exclusion des provinces du sud, la question de la surexploitation des ressources et celle de la contrepartie financière. Concernant l'affaire des provinces du sud et les incessantes demandes des députés scandinaves d'exclure cette partie du traité, la députée Carmen Fraga du PP a fait état d'un rapport rendu public en 2006, lequel constate clairement l'existence de retombées positives de l'accord sur les provinces du sud. «Le problème politique ne sera pas résolu en renvoyant la flotte à la maison», a soutenu l'eurodéputée espagnole. La contrepartie financière a, encore une fois été remise sur le tapis par les eurodéputés. Le montant de 36,1 millions d'euros est jugé trop élevé et peu rentable pour les membres de l'UE.