Belle action de lobbying que celle menée par les membres de la commission mixte maroco-espagnole des professionnels de la pêche. Réunis à Bruxelles avec la commissaire européenne à la Pêche, Maria Damanaki, ils ont présenté un projet d'amendements du protocole, incluant des propositions techniques dans l'objectif d'optimiser la rentabilité du pacte. Pour Omar Akouri, président de la fédération de la Pêche maritime et de l'aquaculture (FPMA), «notre initiative s'inscrit dans le cadre de la responsabilisation de la commissaire européenne. Avec les propositions présentées, nous avons fait preuve d'un grand sens de l'initiative. Nous voulons aller de l'avant et montrer que la coopération maroco-espagnole dans le secteur de la pêche est avantageuse pour l'UE». Les membres de la délégation marocaine ainsi que leurs homologues espagnols n'ont pas mâché leur mot durant cette rencontre. Selon Kamal Bennouna, les représentants du secteur ont tenu Damanaki pour responsable du sort qui sera réservé à cet accord. Autrement dit, la responsable européenne tient entre ses mains l'avenir de ce dernier. Comment ? «Les parlementaires européens qui émettront leur verdict la semaine prochaine se basent sur les conclusions du rapport présenté par la commissaire européenne. Damanaki, en politisant le débat sur l'affaire, s'est éloignée de sa principale mission qui est, rappelons-le, purement technique». En effet, les membres de la commission reprochent à Damanaki ses positions idéologiques au moment où elle devait se concentrer sur l'aspect technique du pacte. «Nous l'avons tenue pour responsable, car en transformant un pacte de bon voisinage et à caractère économique en un accord aux relents politiques, la commissaire a semé la confusion dans les esprits», estime Bennouna. Les membres de la délégation jugent qu'il incombe à la commissaire de gérer ce dossier en fonction des intérêts des deux parties et en ne perdant pas de vue les retombées positives de cet accord, que ce soit au Maroc ou en Espagne, le principal bénéficiaire du traité. Il est sûr que Damanaki exerce une grande influence sur les eurodéputés, qui boivent ses paroles et celles de ses rapports. Toutefois, et à en juger par les déclarations de la commission mixte, Damanaki fait croire le contraire et estime qu'elle est soumise à la volonté des élus européens. D'ailleurs, elle ne se lasse pas de répéter qu'elle attend la bénédiction des eurodéputés pour remettre sur le tapis le dossier du renouvellement. Or, les professionnels croient dur comme fer que c'est elle qui tire les ficelles du jeu. «Les rapports sur la non-rentabilité de l'accord ou sur l'exclusion des zones du sud sont sortis de ses bureaux à ce que l'on sache. Donc inutile de jeter la pierre au Parlement européen», juge Bennouna. Pour revenir au projet d'amendements présenté à Damanaki, Omar Akouri souligne qu'il s'agit d'une copie ayant comme finalité le perfectionnement du protocole sans toucher à ses fondements. Par cela, il entend que la position des professionnels marocains, comme les espagnols d'ailleurs, est de continuer sur la même lignée d'auparavant, sans la moindre exclusion des eaux relevant des provinces du Sud. «D'ailleurs, mêmes nos collègues espagnols sont fermes à ce sujet. Ils rejettent cette amputation et insistent sur la nécessité de continuer à inclure cette zone dans le prochain traité», confirme Akouri. Et la partie marocaine l'a clamé haut et fort : aucun accord n'est envisageable si l'on évoque l'élimination des territoires sahariens du traité. Par ailleurs, et selon la commission, Damanaki s'est montrée très réceptive et n'a rejeté aucune proposition faite, tout en promettant d'oeuvrer pour le bien des deux parties et surtout pour la sauvegarde des ressources halieutiques marocaines. La session plénière du Parlement européen démarrera le 12 décembre et prendra fin le 14 du même mois. Si tout se passe bien comme l'espèrent les professionnels, les négociateurs marocains et européens devront se revoir autour de la table des négociations pour discuter de la partie technique. À souligner que la commission a beaucoup de mérite dans la gestion du dossier de la pêche. C'est aussi un bon exemple de coopération entre le Maroc et l'Espagne. Sur ce registre, il est prévu la mise en place d'un plan d'aménagement conjoint dans la zone du Détroit. Pedro Maza, membre de la commission mixte, a déclaré à la presse espagnole son souhait de continuer sur cette lancée positive. D'où le projet de mettre en place des zones de pêche conjointes au niveau du Détroit, entre Tanger et Tarifa. «Notre souhait est d'aménager, avec nos partenaires marocains, des pêcheries rentables et respectueuses de l'environnement», a affirmé ce mordu du poisson marocain. Lire aussi : La tomate à l'épreuve du lobbying espagnol