Le lobby agricole espagnol a profité de la fièvre électorale pour monter au créneau. La semaine dernière, Bruxelles était le théâtre d'une série de rencontres entre des représentants de l'association agricole FEPEX et des eurodéputés. Il s'agit d'un programme de réunions ayant pour mot d'ordre de porter à la connaissance des élus européens «les néfastes conséquences de l'accord avec le Maroc sur le secteur des fruits et légumes», pour reprendre le titre du communiqué émis à l'issue de cette occasion. À première vue, rien de surprenant. Toutefois, la manœuvre, troisième du genre depuis que le lobby a ouvert le front des hostilités, tombe à des semaines du vote, prévu pour début de l'année prochaine. Dans cette dernière sortie, les agriculteurs et le lobby anti-accord mettent en joue les groupes de la grande distribution européenne. «La pression exercée sur la Commission européenne par les grands acheteurs serait derrière le maintien et la promotion des accords avec des pays tiers», indique ASAJA dans un communiqué. L'association regroupant les jeunes agriculteurs espagnols estime que les grands distributeurs sont les «vrais bénéficiaires de l'accord d'association agricole entre le Maroc et l'Union Européenne». ASAJA, comme à l'accoutumée, a rabâché son discours sur «le danger» qui guette le secteur des légumes et fruits. «Les produits agricoles sont sans défense face aux intérêts commerciaux et les pressions exercées sur le secteur», a-t-elle rétorqué. Sur le même registre, lors d'une réunion au PE, John Clarke, le directeur des affaires internationales au sein de la Direction générale de l'agriculture (Commission européenne) s'est attiré, encore, les foudres des professionnels espagnols. En prenant la défense de l'accord agricole devant la commission du commerce international, l'organisme chargé d'émettre un rapport sur le traité, s'est fait remonter les bretelles par les Espagnols. Pour rappel, ASAJA avait demandé la tête de ce haut responsable européen en appelant à sa destitution en mars dernier pour la «défense incendiaire» de l'agriculture marocaine, au détriment des intérêts d'un membre européen. À cette date, Clarke avait minimisé, lors d'une réunion au PE, l'impact de l'accord avec le Maroc sur la production agricole espagnole. Mais le coup de grâce est asséné par l'eurodéputée socialiste Josefa Andrés Barea. Cette dernière a soutenu, mordicus, le traité et a nié l'existence d'un quelconque risque ou menace pesant sur le secteur espagnol, ce qui a sorti ASAJA de ses gonds, puisque l'édile est une citoyenne espagnole. ASAJA a déclaré qu'elle ne comprenait pas comment des représentants de la Commission européenne et du Parlement européen (PE), qui «s'érigent en défenseurs de la qualité et de la sécurité alimentaire» à maintes occasions, peuvent changer de posture et voler à la rescousse de produits qui entrent sur le marché européen sans présenter les mêmes garanties qu'offrent les produits espagnols. Pour mieux défendre sa position, l'organisation recourt aux fameuses alertes sanitaires qu'elle brandit comme un épouvantail pour semer le doute sur la qualité des produits du terroir marocain. Ainsi, on apprend que 80% des alertes détectées cette année, proviennent de produits de pays tiers avec qui l'UE est liée à travers des accords commerciaux. Le Maroc et la Turquie sont les principaux pointés du doigt selon ASAJA, mais ses tentatives de dénigrement sont restées un coup d'épée dans l'eau. Il n'en demeure pas moins que le lobby fait preuve de beaucoup d'ingéniosité, ce qui confirme qu'il a plusieurs cordes à son arc. Quand il est coiffé au poteau ou à court d'argumentation, il n'hésite pas à changer de stratégie. Certes, à première vue, les sorties et les déclarations du lobby ibère peuvent paraître répétitives et lassantes à la longue, mais c'est expressément l'objectif de cette campagne. Les défenseurs croient dur comme fer qu'ils finiront par obtenir gain de cause à l'usure, ou du moins profiter des largesses de la caisse européenne. Il est à souligner finalement que la décision de la commission du commerce international du PE ne sera rendue qu'au début 2012, à travers un rapport de recommandation. Ce dernier, sur lequel s'appuiera le PE pour rendre son verdict, s'est également inspiré du document émis par la Commission de l'agriculture. Rappelons que cette commission, dont le vice-président n'est autre que Jose Bové, un dévoué à la cause espagnole, a rejeté en bloc les dispositions du pacte dans son intégralité.