C'est une grande gifle que celle flanquée aux Espagnols de la part d'un haut responsable de l'agriculture au sein de la Commission européenne (CE). «Les tomates marocaines sont beaucoup plus sûres que les tomates espagnoles». Le constat est de John Clarke, le directeur des affaires internationales de la direction générale de l'Agriculture au sein de la CE. Vexés, les Espagnols ne cessent de réclamer la tête et le poste de ce haut responsable européen. Ils l'accusent de «défense incendiaire» du Maroc et de ses produits au détriment des intérêts d'un pays européen. L'organisation agricole ASAJA de la région de Valence a demandé la destitution immédiate, par la Commissin européenne, de ce haut responsable européen. Dans une réunion destinée à évaluer les conséquences de l'accord agricole entre le Maroc et l'UE, John Clarke a minimisé l'impact de cet accord sur les agriculteurs espagnols contrairement à leurs allégations et leurs chiffres gonflés sur les éventuelles pertes que devrait causer l'entrée en vigueur du pacte commercial. «L'accord est modeste et ne comprend aucune menace parce que c'est une goutte d'eau dans un océan (...). Le Maroc a démontré que c'est un pays très stable», a-t-il soutenu. Cette affirmation a fait sortir de leurs gonds les professionnels espagnols de l'agriculture qui ont très mal digéré cette prise de position en faveur des produits marocains. Le président d'ASAJA Valence a considéré «absolument inacceptables les déclarations de John Clarke. Elles sont basées sur de fallacieux raisonnements et de flagrants mensonges». Les Espagnols l'ont accusé d'être mal informé. Certains comme Andres Gongora, le secrétaire provincial d'ASAJA Almeria, n'y est pas allé de main morte en le traitant de «crétin». Les déclarations du responsable européen jettent le discrédit sur les rapports élaborés par les services techniques des organisations agricoles espagnoles et dans lesquels ils prétendent que les produits en provenance du Maroc représentent un haut risque de danger pour les consommateurs européens. Contacté par Les Echos quotidien, un eurodéputé qui a voulu garder l'anonymat nous a déclaré que le cas de l'alerte sanitaire enregistrée en Suisse est l'unique accident où la tomate marocaine est mise en cause. «Aucun autre n'est à déplorer, contrairement à ce que prétendent les agriculteurs. Il faut savoir que les produits provenant du Maroc franchissent le contrôle douanier espagnol sans problème. Cela signifie qu'ils répondent parfaitement aux critères mis en place par l'UE, étant donné que les procédures sont très strictes», conclut notre interlocuteur. Mais les agriculteurs ne désarment pas. Selon eux, les dernières semaines ont connu une montée des alertes provenant du Système d'alerte rapide des aliments et du fourrage. Mais au moment où les producteurs espagnols crient haut et fort que ces alertes ont été détectées sur les lieux de vente et non aux points de contrôle dans les postes frontaliers, leurs accusations remettent en cause tout le système douanier. D'où cette pression sur le département ministériel en charge de l'agriculture pour dévoiler sa politique de contrôle au niveau des frontières. Maintenant qu'ils sont piqués au vif, ils multiplieront les sorties pour mettre dans l'embarras la Commission européenne et son haut responsable ayant pris la défense des produits marocains. Déjà, l'organisation a prévu de mener une nouvelle campagne auprès des eurodéputés de Valence pour les sensibiliser à leur cause. En cette période électorale, les enchères vont monter et les députés ne resteront pas insensibles aux requêtes de leurs électeurs. L'organisation des agriculteurs COAG est montée elle aussi au créneau en qualifiant les déclarations du responsable européen de «honte». À présent, le collectif dirige ses flèches vers le ministère de l'Agriculture espagnol qui, selon ses dires, n'a pas su protéger les intérêts du secteur ni les produits espagnols face à cette nouvelle attaque venant de la part d'un membre de la Commission européenne. Se lamentant sur leur sort, ils se considèrent à présent seuls devant une lutte constante. Or, la nouvelle tactique des agriculteurs est de créer la panique en multipliant les communiqués sur ces prétendues alertes enregistrées dans les produits marocains. Déjà, ils se frottent les mains devant les déclarations des eurodéputés qui ont admis le retard de la ratification de l'accord. COAG a déjà déclaré dans un communiqué que vu l'état d'avancement de l'accord il était compliqué de le voir entrer en vigueur lors de la prochaine campagne. Ce qui est à leurs yeux une grande nouvelle. Amal Baba Ali Journaliste correspondante.