Le Parlement européen semble avoir déclenché une guerre sans merci contre les intérêts économiques du Maroc. Les rapports mettant en garde contre l'accord agricole entre le Maroc et l'Union européenne fusent de toutes parts. Ce ne sont plus seulement les eurodéputés espagnols qui montent au créneau mais d'autres se sont joints à ce mouvement. Le député grec Georgios Papastamkos (Parti Populaire européen) a présenté un rapport incendiaire au Parlement européen en direction du Maroc et du pacte agricole. Dans sa note, l'eurodéputé a estimé que le marché communautaire ne devrait plus s'ouvrir à des produits agricoles de pays tiers, sans la garantie d'une compensation au profit des agriculteurs de l'UE pour les pertes engendrées par ces marchandises. Finalement, le front qui s'est élevé contre le pacte agricole a fini par livrer le fond de sa pensée, qui n'est autre que soutirer plus d'aides des caisses communautaires. Le rapport comprend plusieurs volets dont un dédié au royaume. Dans la partie réservée au Maroc, le Parlement européen a réagi en exprimant «sa préoccupation devant l'entrée en vigueur de cet accord». Parmi les arguments présentés, le Maroc continue à protéger son marché à travers des quotas et des restrictions, au moment où les marchés européens se sont complètement ouverts aux produits du royaume. Le rapport a exhorté la Commission européenne à présenter «sans retard des modifications pertinentes pour mettre fin aux irrégularités provoquées par la complexité du régime du prix d'entrée, appliqué aux importations de tomates marocaines». La Chambre européenne a adopté un ton très virulent envers la Commission européenne. Le PE a exigé de la CE «de cesser de faire des concessions qui peuvent avoir des répercussions négatives sur l'agriculture communautaire». De sa part, la Coordination des organisations d'agriculteurs et d'éleveurs, COAG, a chaleureusement applaudi cette vague de rapports qui ne cessent de faire leur apparition au sein de l'hémicycle européen. De l'aveu de cette association espagnole, il existe une montée en puissance des contestataires au sein du PE, lesquels soudent les rangs contre la ratification. ASAJA, l'organisation espagnole qui ne cesse de pointer du doigt l'accord, a surfé sur cette vague pour faire une sortie pour le moins très surprenante. L'association des jeunes agriculteurs a préconisé que l'accord va non seulement détruire les emplois dans le secteur agricole ibère mais que cela «pourrait provoquer plus de famines et même mener à des révoltes comme ce qui se passe actuellement dans le Maghreb». L'organisation dit être arrivée à cette conclusion après avoir effectué une «étude minutieuse» de l'accord avec l'UE et du Plan Vert. Un plan dont la priorité, selon ses concluions, vise à augmenter la balance commerciale du Maroc sans se soucier du déficit alimentaire que cela pourrait créer auprès de la population marocaine, argue ASAJA. La Commission d'agriculture et de développement rural au sein du PE a émis aussi un avis défavorable à l'accord. Selon COAG, le texte remet en cause la capacité du système communautaire à superviser les importations marocaines. Les eurodéputés ont remis sur le tapis, encore une fois, les normes de salubrité, la protection de l'environnement, les conditions des travailleurs et la sécurité alimentaire. Ce projet d'opinion élaboré par la Commission ira de pair avec le rapport final que devrait présenter José Bové. Selon les derniers rebondissements, le Parlement européen commence à donner des sueurs froides au Maroc et à ses intérêts économiques. Dans une interview accordée aux Echos quotidien, que nous publierons prochainement, Kamal Bennouna, membre de la Fédération de la pêche maritime et de l'aquaculture FPMA, reconnaît que le Parlement européen prend de plus en plus de pouvoir et de poids au sein de l'UE, au détriment de Bruxelles. «Alors qu'il y a quelques années, le rôle de cette institution européenne était symbolique et ses résolutions allaient toujours dans la même direction que celles adoptées par la Commission européenne», souligne ce fin connaisseur des rouages des négociations entre le Maroc et l'UE. Kamal Bennouna estime que «de toutes les manières, quand il s'agit de Bruxelles ou de l'UE, il faut être en alerte et rester sur le pied de guerre, car le Maroc est devenu un enjeu dans la politique intérieure européenne». D'où la nécessité de renforcer les relais au sein de cette institution qui peut s'avérer très nocive pour les intérêts économiques du Maroc. Amal Baba Ali Journaliste correspondante