Peut-on parler de bonne gouvernance et de développement pérenne dans une société sans assises démocratiques ?Une société où le chômage des jeunes et les écarts sociaux s'amplifient, où la qualité de la santé et de l'éducation est défaillante... où l'Etat piétine dans son impasse: la satisfaction des pressions d'une population galvanisée par le printemps arabe et la préservation d'une paix sociale. Devant une telle situation et dans son acceptation actuelle, le jeu démocratique apparaît comme une réponse insuffisante, en l'absence d'un projet social mobilisateur et de partis politiques inventifs et audacieux. En effet, les mécanismes politiques traditionnels nourris de «tyrannie de la majorité» et sans incidence sur le quotidien de millions de personnes conforte le sentiment inhibiteur de «l'éternel retour des choses». Inéluctablement et sans clairvoyance, cela nourrit les causes extrémistes, démagogues et populistes. Quand la démocratie est purement technique, plus préoccupée des voies légales et des effets d'annonce, elle élude les questions fondamentales inhérentes à la justice sociale et économique. Elle n'est plus alors qu'une tentative à peine voilée de «simulacre politique». Assurément, un contrôle absolu du pouvoir dévitalise les énergies entreprenantes et volontaristes, du fait de l'absence d'une alternative légitime et de voix dissonantes. Le «pilotage unilatéral» ne saurait aucunement constituer une solution durable. L'absence de mécanismes de changement démocratiques provoque non seulement l'accumulation des frustrations et de l'arbitraire, mais aussi dégénère-t-elle en de graves conséquences, dont la démobilisation socio-économique.La pérennisation d'un Etat est une construction sociale et politique issue de l'histoire, une construction toujours fragile, si on ne veille pas régulièrement à en consolider les fondements. Une communauté s'institue. Elle ne peut se réinventer tous les jours, mais elle ne peut se nourrir exclusivement d'une histoire commune, de mythes et d'événements fondateurs du passé. La nécessité d'actes institutionnels, d'implications et d'adhésions citoyennes la revigorent, incessamment, puis consolident la confiance en ses institutions.Pour être légitime, tout Etat a à dialoguer constamment de ses prérogatives avec ses citoyens, garantissant ainsi sa légitimité et celle des projets qu'il instaure. Cette responsabilité est d'abord celle des gouvernants, mais également celle de la société civile. Leur partenariat se construit sur une logique de synergies et de complémentarités. Le dialogue Etat-société doit être restauré et renforcé là où il est défaillant, sans diabolisation ni mise à l'écart. Cela s'avère complexe, dans un contexte politique dépourvu de libertés individuelles, d'un système où la gestion des mandataires publics n'est point soumise à l'évaluation et où il n'existe pas de société civile active, influant sur le mode de gestion pratiqué. De surcroît, en l'absence d'opposition, d'une critique publique constructive, il est aléatoire de provoquer des changements qualitatifs substantiels et de réconcilier les citoyens avec leur Etat. Si les principes théoriques de cette approche se fondent sur des fondamentaux de droits et de libertés universelles, a priori inattaquables, c'est dans leur mise en pratique réelle que les choses se complexifient. Toutefois, la résolution de cette situation est irréversible. Un Etat n'a pas d'issue, sans implication citoyenne forte et sans institutions crédibles. Une telle entreprise exige une transformation qualitative des structures économiques, politiques et sociales. De ce fait, Il est difficile de réussir la démocratisation d'une société, en transformant uniquement ses dispositifs économiques. La croissance n'est pas le développement et elle ne peut l'être qu'en se répandant, équitablement, sur divers secteurs de la vie. Il revient alors aux responsables politiques et à l'ensemble des forces vives d'être à la hauteur de l'amour de leur pays, de l'exprimer noblement, en dépassant les intérêts personnels et d'assumer leur rôle d'accompagnateurs responsables du changement. D'abord, en assurant les exigences élémentaires de la démocratie que sont l'accès à l'exercice des droits et des libertés, de se soumettre au devoir de rendre compte des actions et des engagements pris, afin que les citoyens aient une prise sur les décisions qui les concernent directement. Qu'il s'agisse du développement socio-économique, de l'encadrement ou de l'organisation de la société tout entière, l'art consiste à atteindre le maximum de cohésion avec la plus grande liberté d'initiative et la plus grande unité, afin de créer les conditions d'appropriation du développement du Maroc par toutes ses composantes citoyennes.