Communiquer est une nécessité qui s'impose au service public au Maroc. Ceci se fait de plus en plus sentir dans presque toutes les branches de son activité. Mais s'est-on vraiment mis à l'œuvre pour faire de la communication une fonction managériale à part entière ? Loin d'être une question de prestige ou de mode, la communication est devenue plus que jamais une dimension incontournable dans le management des organisations. Pour assurer sa cohésion interne et être en harmonie avec son environnement, une organisation (qu'elle soit privée ou publique) doit faire de la communication un des leviers fondamentaux de son système de gestion global. Considérée, pendant longtemps, comme l'apanage d'institutions et d'entreprises privées de grande taille, la communication commence à pénétrer en force dans la gestion du service public. Le temps de l'opacité, de l'hermétisme et de la bureaucratie est révolu. Les changements profonds qui caractérisent l'environnement de l'Administration marocaine, à plusieurs égards, ont secoué la notion traditionnelle du service public qui a toujours été légitimé par une mission d'intérêt général. La globalisation de l'économie, la montée du libéralisme et de la compétitivité (déréglementation, privatisation…), l'accélération du progrès technologique, les pressions des mutations politiques et sociales (droits de l'Homme, démocratie, liberté d'expression…) contraignent l'Administration à suivre l'évolution et à s'y adapter. Opter pour un management adapté Dans ce contexte, les publics de l'Administration deviennent de plus en plus exigeants. Le citoyen revendique son statut de contribuable et les médias ne cessent de critiquer la lourdeur administrative et la bureaucratie. Les opérateurs privés et les partenaires étrangers, quant à eux, reprochent à l'Administration son attachement à des modes de gestion désuets. Celle-ci ne peut donc pas rester à l'abri du changement. Encore faut-il changer certaines habitudes et opter pour des styles de management adaptés. Des styles qui se basent, entre autres, sur de nouvelles approches de travail et de conception des relations avec le citoyen et les autres partenaires de l'Administration. D'où la nécessité de la communication. Mais à quelle communication fait-on allusion ? Il est bien entendu question d'une communication conçue et gérée sur la base de règles rationnelles et non d'une affaire d'improvisation. S'il est vrai qu'«on ne peut pas ne pas communiquer», il est tout autant vrai qu'il faut une plate-forme et des repères pour bien communiquer. La définition d'une politique et la mise en place d'un système managérial en la matière sont des préalables fondamentaux. Le discours à sens unique et les actions ponctuelles standard qui constituaient le fondement de la communication publique ne sont plus de mise. La multiplicité des publics de l'Administration (personnel, citoyens, élus, médias, secteur privé, société civile, partenaires étrangers…) impose à celle-ci de recourir à des modes d'expression variés et adaptés et d'articuler les messages, les outils, les techniques et les cibles visées autour d'une stratégie qui s'inscrit dans la continuité. Il s'agit là d'une approche qui harmonise les discours et les actes à la fois en interne et en externe. Une approche globale qui offre à l'Administration la possibilité de s'ouvrir sur la société de façon pérenne et d'être en phase avec les variables de l'environnement dans lequel elle vit et évolue. De toute évidence, ceci exige des moyens et un savoir-faire expert. Mais les moyens et le savoir-faire, à eux seuls, ne sauraient suffire. Car la réussite de la communication dans l'Administration dépendrait, en premier lieu, de la volonté de développer et de renforcer une culture favorable au dialogue et à la transparence. Cette vision des choses devrait d'abord être adoptée en interne. La valorisation et l'implication du potentiel humain sont, en effet, à l'origine de toute réussite. Elles sont déterminantes tant dans l'adhésion collective à tous les projets que dans la contribution féconde aux actions qui visent à rehausser l'image du service public. La promotion d'une image institutionnelle positive commence donc en interne, parce que le label crédibilité le plus reconnu pour le service public est celui qui lui est attribué avant tout par ses ressources humaines. Culture à ancrer dans les comportements… La hantise du service public de s'engager sur la voie du renouveau à un moment où il est confronté à de multiples défis met la communication au cœur même de ses préoccupations majeures. Sous l'effet de cela, une prise de conscience est née : c'est la nécessité de considérer la communication comme fonction organisationnelle à part entière. Dans certaines institutions publiques, cette prise de conscience est concrète. Elle est traduite surtout par des actions (audit de communication, structures figurant dans les organigrammes, recrutement de spécialistes…) visant à mieux asseoir cette dimension du management moderne et à lui conférer la place qui lui revient dans les systèmes de gestion. Tandis que dans d'autres organismes du service public, la communication demeure encore défaillante. Sa pratique est ponctuelle. Elle ne s'inscrit pas dans la durée. Dans la plupart des cas, la communication se réduit à des actions conjoncturelles et éparses. Des actions qui ne traduisent pas assez la stratégie générale de l'organisme public qui les met en œuvre. Une précision mérite, néanmoins, d'être signalée : le souci de communiquer est de plus en plus répandu dans l'Administration. Tout le monde est d'accord que la communication est un enjeu stratégique. On ne peut plus ne pas bien communiquer. Mais cette prise de conscience et les bonnes intentions qui l'accompagnent ne suffisent pas pour mettre en place des politiques, des stratégies et produire un saut qualitatif en la matière. Enfin, la communication ne sera pas, pour le service public, une simple acquisition de savoir-faire ou une mise en place de structures ou encore une surinformation pouvant avoir des effets négatifs sur son image et sa crédibilité. Dans ce registre, il faut rappeler, encore une fois, que la communication est d'abord une question d'état d'esprit et de culture à ancrer dans les comportements. L'implantation de la fonction communication dans les systèmes de gestion du service public ne sera, en effet, d'aucune utilité si les mentalités et les pratiques quotidiennes ne sont pas favorables au dialogue, à la transparence et à la considération de tous les partenaires de celui-ci. • Abderrahim Belghiti Alaoui