Le parti a décidé de soutenir Benkirane, lui garantissant, avec les voix du PPS et du PJD, une majorité confortable pour faire passer sa déclaration gouvernementale. Même en déléguant aux sages du parti la négociation avec Benkirane, Chabat compromet la participation de son parti en ne démissionnant pas. La dernière semaine de 2016 a été riche en rebondissements pour Abdelilah Benkirane qui se trouve aujourd'hui ballotté entre son penchant pour l'Istiqlal et l'obligation de composer avec Aziz Akhannouch, nouvel homme fort du RNI. Mais la sortie hasardeuse de Hamid Chabat, SG de l'Istiqlal, à propos de la Mauritanie a remis les compteurs à zéro lors d'un des plus problématiques moments politiques du pays. Juste après la réunion du Conseil national du parti de la balance samedi dernier, la Troïka désignée, à la place Chabat, pour mener les négociations avec le chef du gouvernement élu, s'est réuni avec ce dernier. La rencontre a duré plus de deux heures, mais aucun des partis n'est sorti avec une vision claire sur la prochaine architecture gouvernementale. En effet, le RNI, qui représente désormais la pièce maîtresse dans toute tentative de sortie de la crise, pèse de tout son poids pour écarter l'Istiqlal. Car, selon la direction des Indépendants, l'intégration de l'Istiqlal dans le prochain Exécutif lancerait de mauvais signaux en direction du voisin mauritanien. Contacté, Abdellah Bekkali, de l'Istiqlal, a souligné que le communiqué du dernier conseil national du parti est clair dans son soutien à Benkirane et la facilitation de sa mission. «Nous attendons la réaction de Benkirane et des autres partenaires politiques sachant qu'il ne s'agit pas de faire une lecture des intentions des uns et des autres», étaie-t-il. Cependant, l'opinion qui règne au sein du parti est de faire partie de la majorité sans pour autant en faire une fixation. Comme l'explique Bekkali, l'Istiqlal est un parti politique qui sait gérer les turbulences. Advienne que pourra, le parti n'ira pas à l'opposition, il renforcera les rangs de la majorité assurant Benkirane de 185 voix (PPS, PJD, Istiqlal), soit suffisamment pour faire passer sa déclaration gouvernementale sans cahot. Toutefois, Abdelhak El Arabi, conseiller de Abdelilah Benkirane, ne le voit pas de cet œil. Tactiquement, pour lui, être dans la majorité sans portefeuille ne garantit pas le soutien inconditionnel d'un parti. En revanche, le fait d'exister au sein du gouvernement oblige n'importe quel parti à se conformer au principe de solidarité gouvernementale, condition sine qua non pour un Exécutif fort et harmonieux. Pour El Arabi, le fait que Chabat délègue à trois sages du parti le rôle de négocier avec Benkirane ne change pas grand chose à la situation. En effet, si Chabat avait soumis sa démission aux instances de son parti, cela aurait été un signal fort qui délesterait l'Istiqlal d'une figure devenue encombrante et le libérerait dans le processus de négociation avec Benkirane. Aujourd'hui, le chef de gouvernement ne peut continuer à lancer des signaux positifs en faveur d'un Istiqlal dans la tourmente. La plupart des responsables contactés estiment que la composition du gouvernement verra le jour dans les deux semaines à venir, mais sans l'Istiqlal. Il n'en faut pas moins pour conserver les relations diplomatiques avec la Mauritanie, sauvées in extremis par une réaction à temps pour contenir l'incident. D'ailleurs, lors de sa visite en Mauritanie en compagnie de Nasser Bourita, ministre délégué aux Affaires étrangères, Benkirane a qualifié les propos de Chabat d'irresponsables et n'engageant que sa personne. La scène politique et les enjeux diplomatiques font émerger, en ce début d'année 2017, une forte interpellation des dirigeants et leaders partisans pour mieux gérer leurs sorties et mesurer leurs propos qui peuvent avoir des conséquences parfois désastreuses. Benkirane dans la tourmente La cinquième rencontre entre Benkirane et Akhannouch, prévue la semaine prochaine, sera décisive. D'un côté, le chef de gouvernement élu se trouve dans une situation inconfortable puisqu'il avait promis aux istiqlaliens de les intégrer dans le gouvernement; de l'autre, il doit composer avec le niet catégorique de son nouveau vis-à-vis. La semaine prochaine sera aussi rythmée par des rencontres marathoniennes de Benkirane avec ses partenaires ainsi que les instances décisionnelles de son parti. Un début d'année sur les chapeaux de roues pour un chef de gouvernement qui ne maîtrise plus le cours des choses, à la merci de ces mêmes partis politiques qui se trouvaient en position de faiblesse à l'issue des élections législatives. L'USFP, dont la dégringolade entamée lors des élections continue, est aujourd'hui un élément décisif dans toute négociation, au même titre que le Mouvement populaire. Avec la très probable sortie de l'Istiqlal, l'on s'achemine vers un gouvernement éclaté avec un PJD affaibli face à une opposition forte représentée par le PAM. Tags: Négociations gouvernementales Istiqlal PPS PJD Abdelilah Benkirane Hamid Chabat Maroc