Six semaines après sa reconduction par SM le Roi au poste de Chef de gouvernement conformément aux dispositions de l'article 47 de la Constitution, Abdelilah Benkirane n'est toujours pas parvenu à former une coalition gouvernementale. Ses tractations avec les partis représentés au Parlement, à l'exception du Parti Authenticité et Modernité (PAM), ennemi juré et déclaré, semblent faire dans le sur-place pour des raisons de "positionnement" depuis que Aziz Akhannouch, ministre technocrate sortant de l'Agriculture et de la Pêche Maritime, a été porté, au lendemain des législatives du 7 octobre, à la tête du Rassemblement National des Indépendants (RNI). Depuis, les négociations semblent bloquées et tournent au bras de fer entre Akhannouch et le chef de gouvernement désigné. Le RNI aurait en effet demandé plusieurs ministères clés et une place au sein de la future coalition pour son allié, le parti de l'Union Constitutionnelle (UC), en plus de l'écartement du Parti de l'Istiqlal ! C'est surtout cette dernière condition qui est à l'origine du blocage, M. Benkirane tenant fermement à son alliance avec l'Istiqlal et avec le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) membre de la précédente coalition. Avec le trio PJD-Istiqlal-PPS, il manque encore au Chef de gouvernement une vingtaine de sièges pour atteindre une majorité. En théorie, il peut se tourner vers le Mouvement Populaire (MP) et l'Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), mais sans succès. Le MP a depuis le début lié son sort à celui du RNI, à l'instar de l'UC, rattrapé dans le tard par l'USFP. Dans ses calculs politiciens, M. Akhannouch s'octroie donc la position de faiseur incontournable de majorité, ce qui n'est visiblement pas du goût de Benkirane et de son parti. A mesure que les tensions montaient et que le blocage était évident, les deux adversaires ont réglé leur compte par presse interposée, avec son lot de messages et indiscrétions savamment distillés. Jusqu'à la diffusion officielle par le PJD, le 14 novembre, d'une vidéo de M. Benkirane déplorant, devant les cadres de son parti, "tentative de putsch", "blocage" et complot "contre la volonté du peuple". "Je n'accepterai pas que quiconque humilie la volonté des citoyens en négociant comme si c'était lui le chef du gouvernement", a mis en garde le Chef de gouvernement désigné. Ces déclarations ont suscité une avalanche de commentaires. Certains y ont vu une fermeté nécessaire, d'autres y ont décelé "un aveu d'échec" ou une manœuvre pour "préparer l'opinion publique à une crise sans issue". Quoi qu'il en soit, si les positions demeurent tranchées, le blocage finira par céder la place à une véritable crise politique.