Malgré les baisses successives du taux directeur, les banques ne les ont pas répercutées sur les taux accordés aux particuliers. La Banque centrale est en train d'épuiser les munitions dont elle dispose, et pourtant, le crédit bancaire peine toujours à redécoller, à l'image de l'activité économique globale d'ailleurs. Pis encore, malgré les baisses successives du taux directeur et la mise en place des programmes de soutien spécifiques aux crédits alloués par les banques aux Très petites et moyennes entreprises (TPME), la croissance du crédit bancaire a poursuivi son tassement au dernier trimestre 2015, allant jusqu'à frôler la zone négative. «Concernant la principale source de création monétaire, le crédit bancaire destiné au secteur non-financier, a poursuivi son ralentissement revenant de 0,6% à une croissance quasi-nulle», relève Bank Al-Maghrib (BAM) à l'issue de son dernier Conseil trimestriel. «Cette évolution reflète principalement le recul de 1,7% à 2,6% des prêts aux entreprises, poursuivant ainsi leur mouvement baissier, entamé depuis mai 2015». Ce repli, explique la Banque centrale, est lié tant à la contraction de 2% des crédits à l'équipement après une hausse de 1,6%, avec notamment une accentuation de la baisse à 2,3% de ceux accordés aux sociétés non-financières privées, qu'à la diminution de 4,3% des facilités de trésorerie, quasi-similaire à celle observée un trimestre auparavant. «De même, les prêts aux promoteurs immobiliers ont poursuivi leur mouvement baissier s'établissant avec un repli de 7%, après celui de 5,2% au troisième trimestre», ajoute BAM. Ce qui est inquiétant, c'est que ce repli porte sur la quasi-totalité des secteurs économiques. En effet, par branche d'activité, la baisse des crédits aux entreprises, au quatrième trimestre de l'année écoulée, s'est traduite par des diminutions de 5,9% des prêts alloués aux industries manufacturières, de 6,2% des crédits destinés aux entreprises commerciales et de 5,1% des crédits alloués au bâtiment et travaux publics. Seules les branches «transports et communication» et «électricité, gaz et eau» ont intensifié leur recours au crédit bancaire, affichant respectivement des hausses de 12,7% et de 5,2% au dernier trimestre de 2015, en décélération comparativement au trimestre précédent. Le crédit stagne «grâce» aux ménages À l'issue du Conseil de BAM, tenu mardi 22 mars, Abdellatif Jouahri a annoncé une nouvelle baisse de 25 points du taux directeur à un nouveau plus bas de 2,25%. Pourtant, les baisses précédentes ne semblent avoir produit aucun effet sur le volume des crédits distribués par le système bancaire, même si cette décision de politique monétaire a été relativement répercutée sur les taux appliqués par les banques, alors que certains segments de clientèle n'ont pas du tout bénéficié de ces rabaissements du taux directeur. «Les banques ont réduit significativement les taux assortissant les crédits accordés à leur clientèle. Le taux débiteur a marqué ainsi une baisse de 18 points de base, pour s'établir à 5,49%. Cette évolution reflète essentiellement le recul de 18 points de base du taux des crédits aux entreprises, avec des replis de 17 points de base pour les facilités de trésorerie et de 59 points pour les prêts à l'équipement», indique BAM. Pourtant, selon les statistiques monétaires de la Banque centrale, les ménages semblent avoir été exclus de cette détente sur les taux. «En revanche, les taux appliqués sur les prêts accordés aux particuliers ont quasiment stagné», tempèrent Jouahri et ses équipes. Or, les ménages ont largement contribué à limiter la décélération de la croissance du volume des crédits. En clair, sans la progression affichée par les ménages, le volume du crédit n'aurait pas stagné comme cela est révélé par les chiffres actualisés, mais aurait déjà creusé en zone négative. «Pour ce qui est des prêts aux ménages, quoiqu'en légère décélération, leur rythme de progression s'est maintenu à 5% pour les crédits à la consommation et à 5,4% pour ceux à l'habitat», souligne la Banque centrale. Plus cher pour les plus sains C'est dire la manne importante que représentent les particuliers pour les banques aujourd'hui En effet, ces dernières profitent du refinancement plus «bon marché» livré par BAM, sans pour autant répercuter cette baisse au profit des particuliers. Ce qui revient à encaisser une marge plus importante sur les crédits octroyés aux particuliers. Cette situation est d'autant plus aberrante qu'elle ne reflète en rien le coût du risque associé à cette catégorie. Elle ne justifie en rien la non-transmission de la baisse du taux au profit de ces derniers. En fait, les portefeuilles de crédits aux ménages sont même les plus sains, et donc les moins risqués. «Quant aux créances en souffrance, leur rythme de progression annuel est revenu de 10,7% à 9,8%, avec un ralentissement de 15,5% à 14,6% pour les entreprises non-financières et de 5,1% à 3,7% pour les ménages. Leur taux ressort ainsi stable à 7,4%», explicitent les statistiques de BAM. Le taux de créances en souffrance est ainsi quatre fois plus élevé parmi la clientèle entreprises que parmi les ménages, avec en plus, un rythme «d'assainissement» beaucoup plus élevé. Ce constat n'enlève en rien la nécessité d'offrir aux entreprises des taux d'intérêts compétitifs pour tenter de relancer leurs activités et leurs investissements.