Le souverain démarre aujourd'hui sa visite en Russie. Le partenariat économique sera au cœur des entretiens. Les questions d'ordre politique et sécuritaire figurent aussi au menu. L'affaire du Sahara est l'un des dossiers chauds dans lesquels la Russie a un rôle fondamental à jouer en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. C'est aujourd'hui que le souverain devrait, officiellement, démarrer sa visite en Russie. Au menu, des entretiens avec le président russe Vladimir Poutine. Une délégation de responsables gouvernementaux et chefs d'entreprise marocains procéderont, par ailleurs, à la signature de plusieurs accords bilatéraux. Les échanges entre les deux chefs d'Etat porteront sur «les derniers développements au Proche-Orient et en Afrique du Nord ainsi que sur la nécessité de conjuguer les efforts pour lutter contre le terrorisme», a indiqué Mikhail Bogdanov, vice-ministre russe des Affaires étrangères et représentant spécial du président Vladimir Poutine. Soutien au Sahara À n'en point douter, la question du Sahara devrait figurer au coeur des discussions. La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, a soufflé le chaud et le froid concernant l'affaire du Sahara depuis le début du conflit. Les rapports entre la Russie et l'Algérie sont assez étroits avec des centres d'intérêts communs, notamment en matière d'énergie et d'armement. Toutefois, les récentes positions prises par Moscou à l'égard de la question du Sahara soutiennent le processus politique de négociations. Lors du vote de la résolution 1.813 du Conseil, la Russie a même joué un rôle crucial dans le maintien et la consolidation des paramètres d'implication des Nations Unies, à travers la Minurso, dans le différend régional sur le Sahara. La Russie s'était alors opposée à l'inclusion de toute référence à la question des droits de l'Homme dans la résolution. La Fédération de Russie a même menacé d'exercer son veto technique à toute mention des droits de l'homme. À la lumière des récents développements de l'affaire du Sahara, la diplomatie marocaine tentera sans nul doute de s'assurer du soutien de ce membre permanent du Conseil de sécurité. Mais, ce n'est pas tout, puisque les enjeux économiques et commerciaux sont aussi de taille. Positionnée comme 9e partenaire commercial du Maroc, la Russie n'est pas ce que l'on peut qualifier de partenaire commercial privilégié. Dans le cadre de la balance commerciale, les échanges semblent plutôt être à sens unique et au profit de la Russie. Le pays des tsars exporte vers le Maroc 16,3MMDH (5% de l'ensemble des importations marocaines en 2014) alors qu'il n'importe auprès du royaume qu'un petit 1,7MMDH. Ce déséquilibre s'explique d'abord par la nature des échanges, en ce sens que les produits russes sont composés principalement de produits énergétiques et de matières premières alors que les exportations marocaines sont concentrées sur les produits agricoles, notamment les agrumes et les tomates. Au-delà de ce déséquilibre flagrant au profit de la Russie, le Maroc ne profite quasiment pas des investissements russes. Ressusciter les IDE En effet, les IDE en provenance de la Russie sont inexistants et les chiffres de l'Office des changes ne font aucune mention d'investissements sur les 8 dernières années. Pourtant, la Russie est le fief de grandes multinationales agissant notamment dans le secteur de l'énergie, à l'instar de Gazprom, l'un des leaders mondiaux de l'extraction, le traitement et le transport de gaz naturel. Denrée dont le Maroc a plus que besoin, notamment en prévision de la fin de l'accord sur le gazoduc algérien dont une partie des indemnités de passage sur le sol marocain est rémunérée en nature. Depuis plusieurs années, le royaume est à la recherche de nouvelles sources d'approvisionnement auprès des grands producteurs mondiaux. Il s'agira sans doute de l'un des points majeurs discutés au courant de la visite royale. L'absence d'investissements étrangers russes s'explique par plusieurs raisons : D'abord, le désintérêt des Russes vis-à-vis du marché nord africain et l'absence de relations économiques fortes vers le pays d'Afrique. Le commerce international russe est plutôt tourné vers l'Asie (Chine, Corée du sud, Biélorussie) et l'Europe de l'Est (Pologne, Ukraine) ainsi que d'autres pays européens à l'instar de la Hollande et de l'Allemagne. Les opportunités grandissantes qu'offre l'Afrique devraient sans nul doute intéresser durant les prochaines années les grands groupes russes, notamment ceux agissant dans les secteurs des banques, de la grande distribution et des télécommunications. De nombreux grands groupes russes performent dans ces secteurs, en effet. Le Maroc qui se positionne auprès de nombreux pays comme porte d'entrée vers l'Afrique devrait sans doute capitaliser sur cet atout. Une importante politique de diversification des marchés est menée actuellement par le Maroc. Le royaume a démontré un grand intérêt pour les pays émergents durant ces derniers mois. Les officiels marocains enchaînent les rapprochements vers les pays du BRICS à coup de partenariats stratégiques et de conventions sectorielles. De nombreux contacts diplomatiques ont été établis durant l'année 2015, notamment avec l'Inde et la Chine. Toutes les projections convergent donc vers la poursuite du Maroc sur cette même lancée. De nombreux accords et conventions devraient être signés durant la visite royale prévue cette semaine. Un accord de libre-échange serait même en gestation et les premiers contacts auraient d'ores et déjà été établis. L'utilité d'un ALE À en croire la nature du commerce entre les deux parties et la situation actuelle des préférences tarifaires, un tel ALE n'aurait pour intérêt que d'attirer davantage d'investissements vers le Maroc. En effet, selon le dernier rapport de l'OMC sur la politique commerciale du Maroc, la Russie accorde des préférences tarifaires dans le cadre du Système généralisé de préférences (SGP). À ce titre, les exportations marocaines de produits couverts par le SGP bénéficient d'une exonération totale ou partielle des droits de douane de la part de ce pays. Ceci confirme que la faiblesse des exportations marocaines à destination de la Russie ne se justifie pas tant par l'importance des barrières tarifaires mais plutôt par la faiblesse de l'offre exportable et par des obstacles techniques : absence de liaisons, logistique insuffisante... Un «groupement d'impulsion économique» voit le jour Pour booster les échanges entre les deux pays, le secteur privé marocain est également présent en force en marge de cette visite royale. Les opérateurs marocains tiendront plusieurs réunions dans le cadre du Conseil d'affaires maroco-russe. «Nous prévoyons de signer cinq conventions avec le secteur privé russe et nous comptons transformer ce Conseil en un groupement d'impulsion maroco-russe», explique Hassan Sentissi, président du Conseil d'affaires maroco-russe, prenant part à la délégation marocaine en visite à Moscou.