La promotion des droits des femmes passe aussi par le renforcement de leur accès au marché du travail, à la fonction publique et aux postes de prise de décision. Sur le papier, les initiatives sont légions mais dans les faits, la réalité est toute autre. Il s'agit pourtant d'un enjeu stratégique car le renforcement de l'autonomisation des femmes peut servir davantage l'économie nationale. La preuve par les chiffres. Politique Des chiffres qui en disent long Le pourcentage des femmes élues à la Chambre des représentants est passé de 10% à 17% et à la Chambre des conseillers, il a grimpé de 2,2% à 12% au sortir des dernières élections parlementaires. Selon les chiffres officiels, le taux d'accès aux postes de décision a progressé depuis 2012, passant de 16% à 29% aujourd'hui. Si pour l'Exécutif, ces chiffres reflètent «les progrès réalisés dans le domaine de la représentation des femmes marocaines dans des postes de décision», ils cachent quelques disparités qui sautent aux yeux. C'est le cas par exemple au plus haut sommet de l'Etat, c'est-à-dire au niveau de l'Exécutif où le cabinet installé à la suite des élections de 2011 ne comptait qu'une seule femme. Avec le dernier remaniement, les choses ont évolué mais certains féministes ne se font guère d'illusions «puisqu'aucune femme ne tient de véritable portefeuille dans l'actuelle équipe, qui se démarque pourtant par un certain effort pour marquer la présence des femmes ministres. De même, les nominations intervenues ces derniers temps en Conseil de gouvernement font la part belle aux hommes sans que cela ne transparaisse dans les chiffres officiels, comme l'a récemment alerté une militante assumée des droits de la femme, la socialiste et femme d'affaires, Saloua Karkri Belkéziz. Au niveau local, les femmes représentent 21,94% de l'ensemble des candidatures au titre des élections communales et 38,64% au titre des élections régionales tenues le 4 septembre 2015. En termes de résultats, près de 6.673 sièges communaux ont été remportés par des femmes, soit presque le double du nombre de sièges décrochés lors du scrutin de 2009. Fonction publique Mi-figue, mi-raisin C'est le gouvernement qui le dit : la présence féminine se fait de plus en plus remarquable dans l'administration publique. La preuve, c'est que le taux de féminisation de la fonction publique a avoisiné en mai 2015 près de 39,4% contre 34% en 2002. Les femmes demeurent même surreprésentées dans les ministères considérés comme «typiquement féminins». Il s'agit des ministères de la Santé et de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social dont le taux de féminisation dépasse 50%. Par contre, ce taux demeure très faible au ministère de l'Intérieur où il ne dépasse pas le niveau de 9,90%. Au regard de l'accès tardif des femmes à la fonction publique, les tranches d'âge de 30 ans et moins sont féminisées à hauteur de 43,44% contre 34,29% pour la tranche d'âge de 51-56 ans et 28,44% pour les tranches d'âges de plus de 56 ans. Selon les statistiques officielles, les femmes fonctionnaires sont majoritairement des cadres supérieurs avec un taux de 68,64%, alors qu'elles ne représentent que 10,61% des agents d'exécution. La proportion des femmes ayant le statut de «cadres supérieurs» dans le total des femmes fonctionnaires est plus importante au niveau des services régionaux (69,61%) qu'au niveau des services centraux (53,39%). Le budget genre du département de l'Economie et des finances donne largement les détails de cette représentativité féminine dans les hautes fonctions, «laquelle reste très faible par rapport aux hommes». En effet, la part des femmes dans les postes à responsabilité a enregistré une lente progression, passant de 10% en 2001 à 16,4% en 2014, soit un gain de 6,4 points de pourcentage sur 13 ans. Il est à noter que près de 87,3% des femmes responsables occupent le poste de chef de service et de chef de division alors que le taux de féminisation des postes de secrétaire général et de directrice ne dépasse pas 10% et 11,62% respectivement. Accès à l'emploi les femmes, toujours abonnées au chômage Selon les chiffres du HCP sur le chômage de l'année 2015, 22,2% des femmes participent à l'emploi au niveau national avec une proportion de 13,6% en milieu urbain et 35,8% en milieu rural. Le taux de féminisation de l'emploi est ainsi de 26,8% au niveau national avec une part de 19,9% en milieu urbain et 34% en milieu rural. Le taux de chômage national est passé de 9,9% à 9,7% au niveau national, entre 2014 et 2015. S'il est passé de 9,7% à 9,4% parmi les hommes, il a légèrement progressé de 10,4% à 10,5% parmi les femmes. Secteur privé Les chefs d'entreprises montent en puissance Selon une étude présentée en 2015 par l'Association des femmes chefs d'entreprises du Maroc (AFEM), le Maroc continue d'afficher un faible taux d'entrepreneuriat féminin. En 2011, par exemple, les femmes dirigeaient près de 9.000 entreprises au Maroc, ce qui représente 10% du total des unités productives du Royaume. Cependant, ces dernières années, la dynamique est en train de s'accélérer progressivement et selon le dernier rapport du GEM (Global Entrepreneurship Monitor), les femmes marocaines représentent 43% des dirigeants d'entreprises naissantes et 22% de Marocaines déclarent préférer posséder leur propre entreprise. Ainsi, d'après l'étude de l'AFEM, 73% des entreprises féminines sont concentrées sur l'axe Rabat-Casablanca, et 59% de ces entreprises ne dépassent pas un chiffre d'affaires de 20 millions de DH et n'emploient pas plus de 10 agents. Dans ce lot, il ressort que 56% des entreprises féminines opèrent dans le secteur des services, 23% dans le secteur de l'industrie et 21% dans le secteur du commerce. Toutefois, pour ce qui est des sociétés cotées, la situation est nettement moins reluisante comme l'illustre les résultats d'une autre étude réalisée en 2013 par la BAD et présentée il y a quelques semaines, sur la représentation féminine au sein des conseils d'administration des entreprises. Au Maroc, elles ne représentent que 5,9% des membres des organes dirigeants des sociétés cotées.