Le Maroc s'engage dans un processus de développement humain. Or quand le PNUD établit son rapport annuel sur le développement humain, il consacre une bonne partie à l'inégalité des chances entre les hommes et les femmes. Il propose notamment un «empowerment index». Et la définition de l'«empowerment» est claire: il s'agit de la participation des femmes à la vie économique et politique. Donc, pour savoir où en est le développement humain au Maroc, il faut se poser la question de l'évolution de la participation des femmes marocaines dans la vie économique et donc de l'évolution de l'entrepreneuriat féminin au Maroc. Selon Soraya Badraoui Drissi, présidente de l'Association des femmes chefs d'entreprise au Maroc (AFEM), «des femmes chefs d'entreprises, il y en a de plus en plus. Actuellement, on en compte environ 5.000 au Maroc, soit 10% du total des entrepreneurs. Un grand bond en avant puisqu'il y a une dizaine d'années encore, les femmes avaient besoin d'une autorisation familiale pour créer un commerce». A en croire les chiffres, il y aurait une nette amélioration de la présence des femmes dans l'entrepreneuriat, mais cette présence est-elle suffisante ? A cette question la présidente de l'AFEM répond : «A mon avis, cette avancée demeure insuffisante. Aux débuts de l'AFEM, le taux d'entrepreneuriat ne dépassait pas les 9%; aujourd'hui, il est au-dessus de 12%. Nous souhaiterions en effet qu'il y ait encore plus de femmes chefs d'entreprises dans les régions… Les femmes chefs d'entreprises doivent être plus entreprenantes et percer les marchés de l'export». Le taux alarmant qui ressort de cette déclaration est donc le faible taux de féminisation de l'entrepreunariat et un développement inégal selon les régions. Il y a quelques années, il a été dit que pour entreprendre, il fallait cumuler des qualités, des compétences, des motivations suffisantes pour franchir toute une série d'obstacles. Alors que les choses ont changé, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à aller jusqu'au bout de leurs projets. C'est sans doute que le rapport entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs fausse la balance. En milieu urbain, les femmes subissent le chômage plus intensément que les hommes (24,2% contre 16,6%) quel que soit le niveau d'instruction. Ce taux atteint 38,9% pour les citadines ayant un niveau scolaire supérieur contre 23,3% pour les citadins du même niveau. Ces chiffres indiquent la précarité de la condition féminine. Cette situation, qui s'explique par la culture traditionnelle dominante d'une société patriarcale, ne peut être qu'alarmante. Les avancées limitées dans le domaine de l'éducation des jeunes filles ne sont pas de nature à changer cette situation. En sus, rappelons qu'un demi-siècle s'est écoulé depuis l'accession du Maroc à son indépendance (1956). Depuis, au niveau juridique, le droit familial a été encadré par le code du statut personnel et successoral, la Moudawana, promulgué en 1957-1958. Conformément à cette loi, la moitié de la société devait être condamnée à demeurer à vie sous tutelle mâle. Il a fallu attendre 2009 pour que le Maroc ait un code de la famille adapté aux conditions de développement de celle-ci. Pire encore, la corrélation entre l'intégration de la femme dans l'économie active et son intégration dans la vie politique n'est pas systématique. Aujourd'hui, la représentativité des femmes dans le parlement est très, si ce n'est trop, faible. Certes, le gouvernement marocain s'est engagé à augmenter la représentation politique des femmes au niveau local. Après la réforme de la Charte Communale, qui fixe un quota minimum de représentation des femmes de 12%, un montant de dix millions de dirhams avait été réservé. Aujourd'hui, la politicienne occupe le siège parlementaire. Pourtant, la place de la femme dans les institutions politiques, et donc son intégration au sein du cercle d'élites du pouvoir, demeure limitée. Le nombre des femmes aujourd'hui au parlement ne dépasse guère 32 sur 325. Ce constat est amer comparativement à ce qui a été réalisé dans d'autres pays. En Mauritanie voisine, les femmes représentent 21% de l'ensemble des parlementaires. Dans le lointain Rwanda, le Parlement est constitué de 49% de femmes. Quels sont donc les obstacles à l'accession des femmes aux postes décisionnels en politique ? Dans le passé, les gens avaient tendance à douter des capacités des femmes dans le domaine politique. Aujourd'hui, les gens savent que les femmes sont parfaitement capables de gérer les affaires et peuvent s'illustrer au sein des autorités locales. Il reste aux partis politiques à comprendre que les femmes représentent un peu plus de 50 % de la population marocaine. Et que rien ne justifie qu'elles ne soient pas considérées comme les égales des hommes, ni qu'elles ne puissent prendre part à la prise de décision. 2012 c'est bientôt. C'est donc l'occasion ou jamais de lever le voile sur ces compétences féminines au sein des partis, mais aussi dans le champ politique en général.