«Je ne me permettrais pas aujourd'hui d'exprimer un certain nombre de vœux pieux. Je ne peux pas promettre comme le font certains, de créer des millions d'emplois. Mais je peux dire par contre qu'il faut être audacieux et apporter des changements assez importants aux grandes orientations du pays», plante d'emblée le décor Nabil Benabdallah. Pour le secrétaire général du PPS, il faudrait partir du constat que la crise internationale est toujours présente. Celle-ci ayant un impact sur le pays et sur les investissements directs étrangers, sur le tourisme, sur les explorations... À partir de là, «la grande équation à résoudre est de savoir comment relancer l'économie nationale, tout en veillant à préserver les équilibres macro-économiques et ne pas approfondir le déficit public et réorienter les politiques vers plus d'équité et de justice», note-t-il. Santé et enseignement, pas de dégraissage Ainsi, selon le PPS, il y a certaines mesures économiques à prendre, pour faire en sorte de réaliser des économies sur «les dépenses superfétatoires». Bien évidemment, le parti exclut de ces économies les grands secteurs comme la santé, l'enseignement... pour lesquels il n'est pas question de dégraissage budgétaire, mais plutôt de rationalisation de la gestion. «Ce qui est important pour nous, ce ne sont pas seulement ces économies, mais également l'amélioration de la gouvernance et par conséquent, de l'économie», précise Benabdellah. Ainsi, pour le PPS, il s'agit de s'orienter entre autre vers l'élargissement de la politique des grands chantiers, soit un clin d'œil en passant pour le monde des affaires. Par ailleurs, le parti prônerait volontiers une intervention de l'Etat dans l'économie. Les pays les plus touchés par la crise, y compris ceux du G20, ont adopté la politique keynésienne relative à l'intervention de l'Etat. «Ce qui est à mon avis loin d'être considéré comme une politique libérale», souligne Benbdallah, qui au passage fait un autre clin d'œil, mais cette fois «pour ceux qui se considèrent comme tels (libéraux)». Toutefois, cette intervention, qui nécessite entre autre l'injection de plusieurs milliards pour maintenir les investissements et encourager la consommation, nécessite de grands moyens, notamment financiers, qu'il faudra trouver. Des moyens qui risquent de faire défaut au prochain gouvernement, vue la situation actuelle de la trésorerie nationale. Pour le PPS, remédier à cette situation revient «à appliquer le devoir de solidarité contenu dans la nouvelle Constitution». Ainsi, comme le confirme Benabdallah, son parti est pour l'instauration de l'impôt sur la fortune. Cependant, ce dernier précise qu'il faudra d'abord en déterminer les critères et les modes de mise en place, pour qu'il ne soit pas abusif ni anti-productif. «Cette mesure existe dans nos programmes économiques depuis longue date. Il s'agit pour nous d'une mesure d'équité fiscale que nous avons toujours défendue», rappelle-t-il. Son parti va essayer de chiffrer l'impact de cet impôt. Cette mesure devra être cumulée avec d'autres démarches, à même de libérer le pays de ces boulets qu'il traîne depuis toujours et qui retardent son développement. «Le pays avancera un peu plus vite lorsqu'il inclura un bon nombre de couches sociales encore marginalisées», précise l'ancien ambassadeur. Equité sociale L'une des pistes pour maintenir l'équilibre économique et politique du pays est de réformer la Caisse de compensation, qui constitue selon les propos de Benabdallah une bombe à retardement. Aussi pour ce dernier, cette réforme doit se faire prudemment. «Cette réforme doit appliquer la solidarité entre les citoyens et en même temps faire en sorte de ne pas ponctionner les plus aisés», note Benabdellah. En plus clair, le PPS prospecterait une sorte de ristourne en faveur de la Caisse de compensation par les catégories qui ne devraient pas en principe en profiter. «Il y a près de deux ans, nous avons fait des calculs et avons trouvé que s'il y a restitution en faveur de cette Caisse par les plus aisés, cette dernière réaliserait une économie de 6 milliards de DH», rappelle le secrétaire général. Cela dit, la Caisse de compensation tournait alors autour de 30 milliards de DH. Cette économie devrait, selon le PPS, être plus conséquente, dans la mesure où elle tourne aujourd'hui à plus de 40 milliards de DH de dépense. Toujours dans le cadre de l'équité fiscale, le patron du PPS, tient à rappeler la nécessité de faire face au secteur de l'informel . «C'est vrai qu'il y a des considérations liées à la question de l'emploi, mais il faut avoir du courage politique et combattre les secteurs informels», souligne-t-il. Ce dernier souligne également qu'il s'engage a s'attaquer à ces questions, même si cela peut coûter à son parti un désaveu électoral. Cet engagement est conditionné par la position du parti au sein du gouvernement, celle-ci devant être assez forte pour lui permettre d'honorer ses engagements. Cela étant, il n' y a pas que le secteur informel (industrie et services) auquel il faut s'attaquer. Le secteur agricole est également concerné. Nous n'allons pas revendiquer que les petits agriculteurs qui ne paient pas d'impôts le fassent. Cependant, il y a des fortunes qui s'amassent dans les grandes exploitations. Et là, «il y a une mesure réelle qui se justifie aujourd'hui», note-t-il. L'ex-ministre fait référence à l'exonération d'impôt dans le secteur agricole. Pour lui, il est nécessaire d'imposer les grandes exploitations agricoles. Bien évidemment, il faudra au préalable établir une définition juridique et fiscale de ces exploitations. S'agissant des politiques sectorielles, le PPS réclame une homogénéité entre les différents ministères. Concernant la Santé, un grand chantier qui n'a jamais été mené jusqu'à bout, Benabdellah estime que «son état actuel, comme d'autres secteurs d'ailleurs, est dû à sa politisation». Pour lui, il faudra organiser des assises nationales et mettre publiquement devant leurs responsabilités tous les intervenants dans ce secteur. Lire aussi : Nabil Benabdellah, sans concessions