Le continent se positionne en marché alternatif pour le minotier industriel marocain, face à la baisse de la demande européenne. Son chiffre d'affaires à l'export en Afrique subsaharienne affiche un moyenne de progression annuelle entre 15 et 20%. L'enseigne n'écarte pas de passer, dans le long terme, à des investissements pour transformer sur place des céréales locales. A vec une moyenne annuelle de 20 millions de dirhams de chiffre d'affaires à l'export réalisés sur la dizaine de marchés où ses produits sont présents, Tria a un appétit gargantuesque pour le continent. Mieux, cette performance se maintient d'une année sur l'autre, à un rythme de croissance très soutenu. «Notre chiffre d'affaires à l'export dans cette région du monde a fortement progressé durant les trois dernières années, sur une variation moyenne de deux chiffres entre 15% et 20%», nous explique Idrissa Yero Sow, directeur export de l'enseigne. La recette de cette réussite est à aller chercher dans les dernières évolutions stratégiques et organisationnelles du minotier industriel. «Cela est en effet le résultat indirect du renforcement de nos capacités industrielles à travers la réorganisation et le regroupement, en interne, des différentes structures de production du groupe», poursuit le responsable. Ce «remaniement» stratégique a en effet mené, entre autres, au développement des ambitions commerciales du groupe à l'international. Aujourd'hui, face au contexte de crise à la consommation qui sévit sur les marchés européens, premières destinations à l'export de l'opérateur, les marchés subsahariens se positionnent certes en bonne alternative pour le groupe, mais ne sont pas encore assez importants pour se substituer au marché européen. C'est en tout cas ce que pense le directeur export de Tria : «Substituer le marché subsaharien au marché européen est une option qui se tient. De toute façon, c'est une tendance que se sont désormais appropriée tous les exportateurs marocains, qui se tournent de plus en plus vers les marchés de l'intérieur du continent, marquant ainsi une réelle rupture dans leur stratégie globale à l'international», commente le responsable. Obstacles La dynamique africaine de Tria est constituée aujourd'hui par l'exportation de divers segments de produits, allant de la farine de blé et de la semoule en vrac, aux produits conditionnés comme les pâtes alimentaires et le couscous. «Ce sont des produits sur lesquels nous sommes globalement très compétitifs, grâce à notre technologie et à notre processus industriel de fabrication», commente Sow. En volume, la farine est le produit le plus exporté par le groupe vers les marchés de consommation subsahariens, tandis que le couscous dispose d'une meilleure présence géographique, aussi bien en Afrique de l'Ouest qu'en Afrique australe. Tout n'est cependant pas rose, dans ce business. Les ambitions africaines des responsables du groupe sont quelque peu freinées par plusieurs contraintes. Parmi les plus importantes, figurent les barrières douanières, ainsi que le coût de la logistique, qui pèsent beaucoup sur la compétitivité des produits de l'enseigne. «La demande est certes évidente et importante, mais les charges logistiques bloquent un peu nos développements commerciaux. Il faut savoir que ce coût peut aller de 15 à 20% parfois du coût global d'un conteneur destiné au marché angolais, par exemple, ou sud-africain», selon le responsable export de Tria. Investissements Ce coût est naturellement répercuté sur le prix de vente final des produits Tria, ce qui les place quasi automatiquement, sur certains marchés africains, dans la catégorie des produits destinés à une classe très restreinte de consommateurs aisés. Le couscous, produit alimentaire de masse par excellence au Maroc, devient du coup un produit de «luxe» sous d'autres cieux. Par ailleurs, pour contourner ces contraintes, le groupe affirme ne pas écarter l'option de mener des investissements dans les marchés africains, afin de transformer sur place des céréales locales. «C'est une option totalement viable. Nous sommes d'ailleurs fréquemment en contact avec des investisseurs et producteurs locaux dans plusieurs marchés comme le Sénégal, qui sollicitent notre expertise commerciale et industrielle dans le segment de la transformation de céréales», commente le responsable. Il est en effet certain qu'il existe de réels potentiels d'affaires pour Tria dans la transformation de céréales locales (mil, sorgho, maïs, etc.) dans des pays comme le Bénin, le Togo et le Burkina Faso. Des initiatives industrielles y sont déjà lancés, mais sont encore très peu développées, faute de moyens technologiques avancés et de méthodes de commercialisation adaptées. Toutefois, pour qu'un groupe comme Tria soit prêt à prendre des risques sur ces marchés, il faudrait d'abord que des contraintes comme la disponibilité de la matière première, ainsi que sa qualité, soient assurées. Ce sont là deux aspects sur lesquels les producteurs agricoles subsahariens butent encore. Idrissa Yéro Sow Directeur export Tria L'agroalimentaire en champ de prédilection «L'Afrique est un continent que j'aime beaucoup et dont j'apprécie surtout la chaleur de nos partenaires». C'est sur cette rhétorique qu'Idrissa Yéro Sow, directeur export de Tria, résume son feeling pour le continent. Ce natif de la Mauritanie, la quarantaine confirmée, est un lauréat de l'Institut supérieur de commerce et d'administration des entreprises (ISCAE). Il a démarré sa carrière en faisant de brefs passages dans plusieurs structures locales, ainsi que des représentations de multinationales. Le dénominateur commun de ces expériences est qu'une bonne partie a été acquise dans le secteur agroalimentaire. Cela a sans doute poussé le jeune cadre fraîchement diplômé à relever ses ambitions de carrière. Il réussit ainsi à intégrer le groupe Tria en 1998, l'un des leaders du marché local de la minoterie industrielle. «J'ai commencé comme directeur commercial dans la société de distribution du groupe. Après le programme de recentrage de nos activités, j'ai été promu directeur commercial du groupe Tria», se souvient-il. Plus d'une décennie plus tard, ses responsabilités gagnent en importance. Il sera sollicité par les responsables du groupe pour gérer le département export. Le management du groupe venait en effet de décider de regrouper ses capacités industrielles pour muscler sa force commerciale sur le marché local, mais aussi extérieur. Idrissa Sow occupe ce poste jusqu'à nos jours. Marié et père de quatre enfants, il connait aujourd'hui les marchés africains comme sa poche. Il a développé une approche très humaine de son business – qui est aussi celle de son groupe.