Le Salon international de l'agriculture de Meknès (SIAM) est imminent. Parmi les filières qui y marqueront leur présence, figure certainement celle des pâtes alimentaires et couscous. Les chiffres tirés d'une récente étude confidentielle, menée par un des 16 opérateurs qui composent le secteur national, dévoilent ses performances... mais aussi ses limites. En effet, le secteur a connu ces deux dernières années une évolution à deux chiffres en termes de capacité installée et de production. Pour le couscous industriel, la production nationale est passée de 60.000 tonnes en 2008 à 75.000 en 2009, soit une hausse de 25%. Ce rythme d'évolution de la production est presque le même pour les pâtes alimentaires, passant de 52.000 tonnes en 2008 à 60.000 l'année dernière. En résumé, c'est un secteur qui confirme sa bonne santé financière, avec un marché 2009 s'évaluant à près de 541 millions de dirhams pour les pâtes et 644 millions pour le couscous. Cette performance, loin de la conjoncture de crise, est partagée par les principales enseignes de la place, notamment Tria et Dari Couspate. «Ces chiffres sont encourageants et montrent que le secteur se porte bien malgré les fluctuations des cours mondiaux du blé», commente Mohamed Khalil, président du groupe Dari Couspate. Cette dernière enseigne est l'un des leaders du marché national, avec un chiffre d'affaires global de 248 millions de DH en 2008. Innovation Sur la base de ces acquis, l'heure est à l'innovation sur le marché national. Celle-ci passe notamment par le développement de nouveaux produits à base de nouvelles céréales telles que le maïs. C'est justement sur ce créneau que vient de miser une autre industrie de la place, mais de moindre importance face aux géants Tria et Dari Couspate. Il s'agit de la marque Sania. «Nous sommes les premiers à offrir du couscous conditionné à 100% à base de maïs. Les pratiques du marché optent généralement pour du mélange de céréales», déclare Adil Ghazzali, directeur général de Sania. L'enseigne a généré un chiffre d'affaires de 54 millions de dirhams, avec des projections allant jusqu'à 95 millions pour 2010. Les affaires marchent bien... mais tout cela semble trop beau pour être généralisé. Export : atout ou handicap ? Si le couscous se vend aisément sur son territoire, les opérateurs nationaux arrivent encore difficilement à faire écouler aux Européens leur production de pâtes alimentaires. Cela est dû notamment à un marché très exigeant, pour ne pas dire trop. Ces exigences se situent au niveau des qualités du produit fini, en conditionné ou en vrac, de l'authenticité du blé utilisé, ou autres certifications spécifiques. «Ce sont des barrières techniques érigées par les autorités européennes pour protéger leurs propres industries», pense Adil Ghazzali de Sania. Des barrières certes, mais avec l'avantage qu'elles obligent nos industriels à déployer de grands efforts financiers et techniques pour se mettre au niveau européen en termes de qualité. Chez Dari Couspate et Tria, le problème est surtout d'ordre fiscal. «Les produits que nous exportons en Europe sont soumis à 40 à 50% de droits de douane», explique le PDG de Dari Couspate. À défaut de l'Europe, l'Amérique ? Nos opérateurs semblent s'y pencher de plus en plus, et pour d'autres leurs produits sont déjà présents sur les marchés américains, comme le Canada, le Brésil et les Etats-Unis. Toutefois, s'imposer dans cette partie du monde relève d'un défi frôlant l'utopique -du moins pour l'instant. En effet, à la distance, qui suppose des charges importantes, s'ajoute la rude concurrence locale mais aussi italienne, espagnole et française sur le segment des pâtes alimentaires. Idem pour la filière du couscous, dans laquelle quelques opérateurs locaux ont même déjà pu se faire une place sur ces marchés. C'est le cas par exemple des produits Zinda, le couscous canadien, leader du marché local et deuxième enseigne à l'échelle de l'Amérique du Nord. Ce, d'autant plus que les propriétaires de la marque se sont recentrés cette année vers le marché canadien, mettant ainsi une croix sur le Vieux continent dont ils jugent les tarifs douaniers «prohibitifs». L'avenir est au sud du Sahara La seule alternative qui se présente donc aujourd'hui face aux ambitions de développement des marques nationales, c'est l'Afrique subsaharienne. Ces dernières ont multiplié les déplacements d'affaires en quête de nouveaux partenaires, ou pour renforcer leur présence. Au moins vers ces destinations, les tracasseries douanières et autres exigences techniques ne sont pas aussi sévères comme avec l'Europe. Toutefois, les Marocains ne seront pas les seuls à se partager le gâteau africain. Les Tunisiens veulent aussi leur part, ainsi que les Algériens, qui sont aussi très présents dans les pays du sud du Sahara. Le pari est loin d'être gagné ! Pâtes alimentaires : nationaux vs étrangers Sur le marché marocain des pâtes alimentaires, les marques étrangères détiennent 63% des parts, pour les produits conditionnés. La marque italienne Monte Regalo est la plus importée au Maroc, avec 21% de parts des produits étrangers. Ce pays transalpin crée une forte concurrence au Maroc, sur son propre territoire. Sa principale arme de guerre, et qui plus est des plus efficaces, est l'imagede marque. L'Italie est en effet, historiquement, le pays de référence en matière de pâtes alimentaires. C'est justement ce point qui irrite Adil Ghazzali, le DG de Sania. Pour ce dernier, «le pays d'origine ne reflète pas toujours la qualité du produit. Pratiquement n'importe quel produit étranger peut aujourd'hui entrer au Maroc», martèle Ghazzali. Le fait est que la plupart de ces marques produisent à base de mélanges de matières premières, interdits par les lois communautaires. Le Maroc et d'autres pays du Sud sont donc les «parfaits» profils pour exporter ces produits, de qualité beaucoup moins importante que ceux locaux.