Le régime préférentiel des échanges entre l'Afrique et les Etats-Unis, «African Growth and Opportunity Act (AGOA)» négocie sa relance d'après 2015. 39 économies africaines exportent depuis 2000 leurs produits vers les Etats-Unis sans impositions douanières. Un rapport de la CEA propose cinq scenarios pour l'après 2015. À moins de deux ans de son année d'expiration – septembre 2015 - la capitale éthiopienne, Addis Abeba, a abrité en début de semaine dernière le 12eForum panafricain sur cette Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique. Le système AGOA est un régime préférentiel global qui permet actuellement aux exportateurs de 39 économies africaines d'exporter leurs produits vers les Etats-Unis, sans impositions douanières. Les relations commerciales, opérées dans le cadre de l'AGOA, entre les Etats-Unis et les pays africains ont ainsi fait l'objet d'une attention spéciale en marge de cette rencontre. Le forum de cette année a surtout mis l'accent sur la transformation durable des économies du continent, à travers le commerce et la technologie. «Elle marque également une étape importante dans l'accord commercial introduit en l'an 2000, entre l'Afrique et les Etats-Unis, qui expirera le 30 septembre 2015», selon les organisateurs. Il faut savoir que ce sont surtout les produits pétroliers africains qui ont le plus bénéficié du régime de l'AGOA, le reste des autres produits échangés ne dépassant pas 5 milliards de dollars. La semaine dernière, en Ethiopie, l'heure était donc au bilan et aux perspectives de renouvellement de cette politique d'échanges préférentielle entre l'Afrique et les Etats-Unis. La Commission économique pour l'Afrique (CEA), en collaboration avec l'Initiative pour la croissance en Afrique de la Brookings Institution, vient de rendre public un rapport proposant cinq scénarios sur l'avenir des relations commerciales américano-africaines, avec ou sans l'AGOA. Scénario 1 : Expiration de l'AGOA à partir de 2015 Parmi les principales conclusions de ce travail, les pays africains risquent de perdre énormément si les Etats-Unis venaient à abandonner les accords d'AGOA, en faveur de son régime commercial précédent avec les pays africains connu sous le nom de Système généralisé de préférences (SGP). «Si la législation AGOA n'est pas ré-autorisée en 2015, les Etats-Unis reviendraient au SPG. Ce retour impliquerait que les 1.800 lignes de produits supplémentaires bénéficiant actuellement d'un accès préférentiel sous le régime AGOA ne seraient plus exemptes de droits de douane», explique-t-on dans le rapport. Comparé au scénario de référence, qui prend pour hypothèse une extension de la situation AGOA actuelle jusqu'en 2025, un retour au SPG apporte une meilleure compréhension ainsi que des preuves quantitatives de ce que l'Afrique perdrait si une sortie de l'AGOA devait survenir. Certains pays et produits africains verraient ainsi leur niveau de protection douanière augmenter fortement si les préférences AGOA étaient abolies. Par exemple, la protection moyenne à laquelle sont soumis le Botswana et la Namibie pour leurs exportations agricoles vers les Etats-Unis passerait d'un accès totalement gratuit pour les deux pays dans le cadre de l'AGOA à une moyenne respective de 17,3% et 13,0% dans le cadre du SPG américain. De plus, l'évaluation des effets sur l'emploi de ce scénario permet de connaître les conséquences dans ce domaine d'un retour au système SPG. D'une manière générale, ce dernier entraînerait des suppressions d'emploi - bien que marginales - mais les conséquences varieraient grandement en fonction des régions et des secteurs. L'emploi agricole non qualifié connaîtrait un déclin très important dans certaines régions spécifiques, en particulier celles régies par la législation AGOA. Scénario 2 : Extension de l'éligibilité des produits de l'AGOA En considérant l'accès déjà bon des économies africaines au marché américain, il est attendu que les scénarios envisageant une extension de l'éligibilité AGOA par produit ne se traduisent pas par une poussée des exportations africaines vers les EtatsUnis, en comparaison des éligibilités déjà présentes dans le cadre AGOA. Les résultats de l'analyse confirment cette hypothèse. En fait, les exportations des pays actuellement éligibles à l'AGOA vers les Etats-Unis n'augmenteraient que de 3,2 millions de dollars en cas d'extension de la clause textile et habillement à l'ensemble des pays éligibles à l'AGOA (scénario II.A), en comparaison à une prolongation de l'AGOA dans sa forme existante jusqu'en 2025. En cas d'extension de la franchise de droits de douane et quotas à 97% et à 99% des exportations des pays éligibles à l'AGOA, l'augmentation des exportations vers les Etats-Unis depuis ces pays resterait relativement limitée, avec respectivement 15 et 33 millions de dollars supplémentaires en comparaison du scénario de référence à l'horizon 2025. D'autres régions reculeraient légèrement dans leur accès au marché américain, du fait d'une concurrence plus importante d'autres pays africains. Toutefois, de manière générale, ces changements de législation resteraient en net créateurs d'échanges. Il est néanmoins important de noter que les opportunités d'échanges seraient plus importantes dans certains pays ou régions d'Afrique que dans d'autres - en particulier le reste de l'Afrique de l'Ouest, l'Ethiopie, l'Ile Maurice, la Tanzanie, le reste de l'Afrique de l'Est, l'Afrique du Sud et le reste de la SACU remporteraient des marchés d'export supplémentaires aux Etats-Unis. Scénario 3 : Révision de la liste des pays éligibles à l'AGOA et extension des bénéfices de type AGOA à des pays non africains Sur les 39 pays africains éligibles à l'AGOA, 14 sont des pays à revenus intermédiaires (PRI). L'abandon des préférences AGOA - soit un retour au système SPG - impliquerait d'importantes pertes commerciales pour l'ensemble des PRI africains sur le marché américain, renforçant ainsi les opportunités d'export vers les Etats-Unis pour d'autres pays, en particulier situés hors du continent africain. Côté retombées, l'Ile Maurice serait proportionnellement le pays le plus affecté par une exclusion de la législation AGOA, avec une baisse de ses exportations à destination des Etats-Unis de plus de 9% à l'horizon 2025, en comparaison avec l'hypothèse de référence et ce quel que soit le scénario envisagé. Les PRI africains du reste de la SACU et du reste de l'Afrique de l'Est subiraient également une forte baisse de leurs exportations vers les Etats-Unis. En termes absolus, le Nigéria serait le pays le plus affecté, avec une réduction de ses exportations vers les Etats-Unis de plus de 500 millions de dollars. Cette chute spectaculaire montre combien cet exportateur de pétrole bénéficie actuellement de l'AGOA. Scénario 4 : Restructuration de l'AGOA sur le modèle des accords de partenariat économique (APE) de l'UE De nombreuses discussions ont été tenues afin de savoir si un accord réciproque entre les Etats-Unis et l'Afrique - conçu sur le modèle des APE actuellement négociés par l'Union Européenne avec les pays de la zone Afrique Caraïbe Pacifique (ACP) - pourrait offrir de meilleures perspectives qu'une sortie de l'AGOA, l'UE négociant actuellement ce type d'accords. L'analyse des variations du total des exportations des pays et régions qui ferait suite à la mise en place de scénarios imaginant une structure révisée de l'AGOA fait apparaître que les accords qui envisagent une réciprocité (asymétrique) en termes de réductions de barrières douanières entre les Etats-Unis et l'Afrique, entraîne des gains plus importants que n'importe quel scénario d'expansion de l'éligibilité AGOA par produit ou pays. En fait, si les exportations africaines étaient réduites de 400 millions de dollars après un retour au SPG, le continent verraient ces derniers croître de 6,9 et de 21,7 milliards de dollars respectivement si des accords de type APE étaient mis en place avec établissement de cinq Zones de libre échanges (ZLE) régionales ou d'une seule et unique ZLEC africaine. Scenario 5 : L'AGOA dans un environnement commercial mondial différent Si une ZLE est établi entre l'UE et les Etats-Unis, que ce soit dans le contexte d'une extension de l'AGOA aux Etats-Unis et d'APE négociés entre l'UE et l'Afrique, ou d'une réforme de type APE également pour les Etats-Unis, les exportations au niveau mondial pourraient augmenter de 107 à 124,2 milliards de dollars. La moitié des gains serait récupérée par l'UE seule, la deuxième plus grande part revenant aux Etats-Unis. L'Afrique, en particulier les pays qui sont actuellement éligibles à l'AGOA, en bénéficierait également, tous les autres pays ne faisant partie d'aucun des accords susmentionnés verraient leurs exportations baisser, du fait d'une concurrence plus forte sur les marchés européens, américain et africains. La relation commerciale UE-Etats-Unis serait très renforcée, grâce essentiellement à l'établissement d'une ZLE entre les deux géants économiques. En effet, les exportations des Etats-Unis vers l'UE comme celles de l'UE vers les Etats-Unis augmenteraient de plus de 50 milliards de dollars (soit environ une hausse de 11% des exportations des Etats-Unis vers l'UE et 10% de celles de l'UE vers les Etats-Unis) entraînant une augmentation des échanges dans les deux sens entre l'UE et les Etats-Unis de plus de 100 milliards de dollars, comparé au scénario de référence 2025.